Par Mustapha
STAMBOULI
Le choix d'une
constituante censée tracer un parcours démocratique, cohérent et adéquat,
héritier du mouvement révolutionnaire initié le 17 Décembre 2010,
constitue une aberration et une imposture.
Aberration
: le système électoral retenu pour la constituante préconisant un vote à un
seul tour et à la proportionnelle est plombé par l'introduction de la notion du
maximum de reliquat qui privilégie sans conteste les partis dominants.
Ainsi, la proportionnelle est dépouillée de son caractère juste, elle n'est
qu'une vitrine de communication et de démagogie. Ce mode de scrutin
favorise, à l'évidence, les partis politiques disposant de moyens
financiers et logistiques importants leur permettant de mobiliser leurs
partisans et l'électorat captif.
Imposture: les
jeunes, d'acteurs vivants, agissants de la Révolution, le peuple, se
voient transformés en figurants passifs d'une comédie constitutionnelle écrite
d'avance sans eux au profit d'une classe politique contre-révolutionnaire dans
sa majorité qui n'a en rien participé à la Révolution. Ont-ils affronté les
balles et les matraques ? Se sont-ils joints aux manifestations, ont-ils scandé
DEGAGE à ben ali ?. Ont-ils revendiqué la Liberté, la Dignité et le droit au
travail pour tous ? NON. Et pourtant, ceux-là mêmes ont recueilli les fruits du
combat des révolutionnaires pour imposer un Destour et un Destin non conformes
aux aspirations progressistes du peuple tunisien. Est-ce pour un tel
"avenir" que la jeunesse s'est sacrifiée ? Est-ce pour cela que le
peuple tunisien a adhéré à la révolution et s'est engagé …
Imposture aussi :
aucun parti politique récent n'a bénéficié de fonds nécessaires
pour assurer une campagne électorale porteuse de son programme auprès du
peuple, aucun parti nouvellement créé ne dispose de logistique adéquate pour
organiser dignement une campagne électorale et rencontrer les électeurs et
électrices sur le terrain.
Imposture
encore : la toute démagogique, bonne/fausse idée de parité Homme-Femme n'est
que leurre eu égard à la réalité. Seules les femmes issues des partis dominants
y auront accès. Peut-on croire que des femmes représentant des idées
conservatrices vont investir l'espace public pour défendre leurs sœurs et leurs
luttes pour l'égalité Homme-Femme ?
La constitution ne
devrait être ni enjeu politique ou concurrence entre partis partisans. Elle ne
devrait pas être le lieu de renoncements prévisibles. Nous persistons à croire
que la Tunisie ne pourra se remettre d’un échec issu de la Constituante, car un
tel échec signera un clivage civilisationnel et sociétal, difficile sinon
impossible à dépasser, porte ouverte à une nouvelle dictature et ce - pour
longtemps. Est-ce pour cela que nos martyrs sont tombés sous les balles des
snipers de Ben Ali ?
MustaphaStambouli, Ingénieur
Enit/Epfl, expert international en planification de développement