14 février 2012

Un "shadow Cabinet" : une urgence


Le multipartisme, s’il témoigne de la bonne santé/volonté démocratique d’un pays, d’une soif  de participation citoyenne à la construction de ce dernier, reflète également le désarroi et le manque de confiance dans l’offre politique existante, ce qui, à notre avis, correspond au cas de la Tunisie.
Compte tenu de la dimension de notre pays, du nombre assez modeste d’électeurs et électrices, de l’immaturité relative, du peu de préparation des tunisiens – résultats de l’oppression passée – nous estimons que seuls quatre – cinq courants politiques majeurs mais traversés par des courants intérieurs pourraient suffire et agencer l’éventail de l’échiquier  politique : libéral, socialiste, conservateur, centriste, avant-gardiste et écologiste, à l’instar des pays enracinés dans la démocratie. Rien d’original, à l’évidence, dans cette nomenclature.
L’émiettement, l’éparpillement, la division feront le lit du courant conservateur fondamentaliste, plus organisé, moins divisé, par la même plus mobilisateur, disposant, de plus, d’une logistique et de moyens financiers énormes.
Certains partis ont été créés avec pour seul objectif  la promotion d’une personne, sans réelle vision politico-socio-économique, d’autres, malgré la bonne foi de leurs organisateurs et de leurs militants ne parviendront jamais à s’imposer sur la scène nationale faute de moyens financiers, de créneau idéologique à leur disposition et sans ancrage populaire sur l’ensemble du territoire.
Tout parti politique se construit à partir d’une communauté d’individus partageant une même vision de développement sociétal sur tous les plans, une méthodologie, une démarche de mise en œuvre  et une militance au service du collectif, c'est-à-dire que le moi individuel doit se fondre dans le moi collectif en vue de faire avancer et triompher idéaux et projet proposé au peuple.
Nous assistons ces derniers temps, après la catastrophe du 23 octobre dernier, à un réveil et une prise de conscience des partis d’opposition. Ces derniers commencent à  fusionner, à s’unir pour former des grands rassemblements et c’est bonne chose. Trois grands mouvements ont vu le jour, donnant un nouveau système politique moins éparpillé capable de faire face à  une troïka contre-nature et de constituer une vraie opposition et surtout une nouvelle alternative.
En outre, tout parti cherche à influencer la décision politique, qu’il soit au pouvoir ou dans l’opposition. En Grande-Bretagne, par exemple, le parti d’opposition constitue  un ‘shadow Cabinet’ ou contre-gouvernement posant et proposant des alternatives  dans l’optique d’une prise de pouvoir et pour porter une voix unique, claire, cohérente et contradictoire sur le programme gouvernemental de l’équipe en place. Pourquoi ne pas introduire dans notre système politique ce modèle efficace de pouvoir et de contre-pouvoir lors de la rédaction de la Constitution ? Ce mode de gouvernance requiert un regroupement de l’offre politique, il évite le flou et permet la circulation institutionnelle de l’information entre le gouvernement et l’opposition, non prise au dépourvu lors du changement de majorité. Les citoyens et citoyennes sont de vrais acteurs-témoins, juges du contenu des propositions et des compétences de leurs représentants, d’autant plus que les échanges au Parlement sont transmis en direct à la télévision, autre facette de la démocratie.
Aussi, j’invite vivement  les trois grandes formations récemment constituées  («Grand Parti du Centre», le «Parti Alwatani Ettounsi » et le futur parti fruit de la fusion d’Ettajdid, le PTT et des militants du PDM) de trouver un terrain d’entente pour créer un front alternatif à la Troïka et former, à titre expérimental, un  ‘shadow Cabinet’, une structure de proposition et d’opposition constructive au pouvoir en place en attendant les prochains rendez-vous électoraux ou aux changements imprévisibles de la vie politique dans le pays.
Mustapha STAMBOULI