Depuis plusieurs mois les experts
tunisiens et étrangers s’attendaient à une réaction violente de la part des
agences de notation en raison des performances catastrophiques de l’économie
tunisienne. Il est notoirement connu que le gouvernement de la Troïka s’est
montré incapable de diriger le pays et surtout son économie. La Banque Centrale
de Tunisie a fait son devoir et a tiré à plusieurs reprises la sonnette d’alarme
sur la gravité de la situation financière.
Le gouvernement a fait la sourde
oreille et a persisté dans son entêtement en présentant une loi de finances irrecevable
et hors sujet. La nouvelle de la dégradation de la dette tunisienne est tombée
ce jour comme un coup de tonnerre. En effet Standard
and Poor's relègue la Tunisie à la note BB dans la catégorie spéculative. Notre
pays n’est plus mathématiquement en mesure d’honorer ses engagements en matière de dettes
extérieures.
Il est à rappeler que la note BB se
situe dans la catégorie "spéculative". Elle signifie un taux
d'intérêt très élevé (comme celui de la Grèce ou l’Espagne). La Tunisie aura
beaucoup de mal à boucler une émission obligataire, un casse tête, même avec
des taux d'intérêts élevés de 7-8 %. La note BB est la dernière note avant la
faillite !
Les facteurs ayant
poussé S&P à procéder à la dégradation de la Tunisie sont multiples :
(1) l’effondrement des réserves en
devises qui ont baissé de 3 milliards DT, passant de 13 au début 2011, à 10
milliards ou l’équivalent de seulement 100 jours d’importation, (2) la capacité de la Tunisie à rembourser sa
dette extérieure a baissé de plus de 40
% en un an et demi. Les réserves qui couvraient 55 % de la dette extérieure à
fin 2010, ne couvrent plus actuellement que 35% de cette dette étrangère, (3) la
dette extérieure ne cesse d’augmenter
passant de 23,6 milliards DT à fin 2010 à 25,4 milliards DT à fin 2011. Une
augmentation de 1,8 milliards DT en une seule année, (4) un déficit courant de
7,5 à 8 %, (5) déficit officielle budgétaire de 6,8 % du PIB en 2012. Ce déficit pourrait atteindre 8-10% compte
tenu des mauvaises performances économiques du pays.
Cette dégradation unique dans l’histoire de la Tunisie met le pays à deux doigts de la faillite et de l’implosion sociale. Compte tenu des conséquences graves qui découleront de cette relégation, nous appelons avec force à une refonte rapide et objective de la feuille de route pour la Tunisie pour mieux encadrer le présent et le futur afin d’éviter la mise sous-tutelle à la grecque. Cette feuille de route se décline, selon nous, sur six axes :
o retrait de la confiance accordée au gouvernement Jbali vu son incapacité à
gérer correctement le pays.
o promulgation par un acte solennel de la
Constituante du texte original de la Constitution de 1959 comme Constitution de
la République tunisienne avec application immédiate de ses dispositions et
transformation de l’ANC en Parlement.
o mise en place d’un exécutif intérimaire en remplacement de l’exécutif
provisoire qui a échoué dans sa mission. Le Parlement aura la tâche
d’identifier et de désigner à l’unanimité une personnalité ayant les qualités
intrinsèques d’un homme ou d’une femme d’Etat de consensus, intransigeant (e)
en ce qui concerne l’unité nationale et les valeurs de la République pour être
accepté (e) et pourquoi pas soutenu (e) par tous les tunisiens et tunisiennes
sans distinction d’origine sociale ou territoriale. Cette personnalité
devra exposer au peuple la situation complexe et critique du pays. Elle
fera passer l’intérêt supérieur de l’Etat avant le sien. Cette personnalité assurerait
les charges de Président de la République en application des dispositions de la
Constitution adoptée par la Constituante.
o le Chef de l’Etat intérimaire formera immédiatement son gouvernement
composé d’un effectif très réduit (une vingtaine de portefeuilles au maximum)
formé par des patriotes / technocrates capables d’impulser l’action
gouvernementale et de ramener l’adhésion et la confiance des
citoyens/citoyennes et des opérateurs et chefs d’entreprises tunisiens et
étrangers.
o la "stabilisation" de la Tunisie confèrerait
davantage d’autorité à l’institution militaire qui a prouvé son républicanisme
afin de préserver le pays de tout désordre mettant fin à l’insécurité menaçant
tous les citoyens et citoyennes et les étrangers présents sur notre
territoire national.
o procéder immédiatement à la préparation des prochaines élections
présidentielles, parlementaires et municipales. La mise en place d’une
administration électorale dotée de moyens humains et financiers constituerait
un premier pas de bonne foi vers la normalisation de la vie démocratique du
pays. Un comité d’experts indépendants, à désigner, devra établir un nouveau
code électoral réellement juste et transparent tenant compte des conditions
politiques objectives du pays afin d’éviter le ratage des élections du 23
octobre dernier.
Sans la mise en œuvre
rapide de cette feuille de route, la Tunisie risque d’entrer dans une phase ouvrant la voie
à la guerre civile ou à une aventure incontrôlable et néfaste pour tous les
tunisiens et tunisiennes.
Mustapha STAMBOULI