12 juillet 2012

Le Forum social mondial tombe-t-il dans le piège du «printemps arabe» ?


J’espère que je n’aurais pas besoin de paraphraser le Général de Gaulle quand je parlerai du Forum Social Mondial. Lui qui a dit  le 10 septembre 1960 à Nantes à propos du Congo « « Le machin qu'on appelle l'ONU ».

Monastir, ville natale du président Bourguiba, accueille, sans beaucoup d’enthousiasme, à partir du 12 juillet, l'assemblée préparatoire du "Forum social mondial (FSM) Tunisie 2013" pour débattre d'un grand nombre de thèmes sous le prisme des révoltes arabes.

Cette «Internationale de la contestation» va-t-elle décortiquer, en priorité, la problématique du printemps arabe avant d’analyser les thèmes inscrits et de faire des propositions ou prendra-t-elle comme postulat le caractère spontané et populaire des révolutions arabes ? Fera-t-elle un lien ou un parallèle entre les bouleversements de la région arabe et la crise du système ultralibéral ? Poussera-t-elle le raisonnement pour dévoiler l’intervention camouflée israélienne et sa stratégie pour mettre la main sur la région arabe avec l’assistance active de la cinquième colonne golfique ? En opérant de la manière, l’Etat sioniste cherche-t-il à enterrer d’une manière définitive la question palestinienne ?
Il y a onze ans, le monde diplomatique avait définit le Forum Social Mondial comme étant  un espace à tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, contestent ou critiquent la mondialisation néolibérale (…). Non pas pour protester, comme à Seattle, à Washington, à Prague et ailleurs, contre les injustices, les inégalités et les désastres que provoquent, un peu partout dans le monde, les excès du néolibéralisme .  Mais pour tenter, dans un esprit positif et constructif cette fois, de proposer un cadre théorique et pratique permettant d’envisager une mondialisation de type nouveau et d’affirmer qu’un autre monde, moins inhumain et plus solidaire, est possible. En d’autres termes, le FSM se positionne comme étant l’opposition  du Forum économique mondial de Davos qui rassemble, depuis des décennies, les nouveaux maîtres du monde et les gourous de la mondialisation pour trouver des solutions à la crise structurelle de l’économie mondiale par un excès de libéralisme et d’anarchie.

Le FSM se caractérise par sa pluralité et par sa diversité. Il se propose de faciliter l’échange entre associations et  mouvements engagés, tant au niveau local que mondial, dans des actions concrètes de construction d’un autre monde, sans prétendre pour autant incarner une instance représentative de la société civile mondiale.
Il est certain et incontestable que le FSM a réalisé des progrès énormes en matière de rapprochement de la société civile mondiale : les échanges sont réels et constituent un pas non négligeable vers une solidarité réelle des opprimés du système capitaliste mondial. Par ailleurs, est-il arrivé à concrétiser certaines idées-phares de l’alter mondialisme comme l’annulation de la dette, taxes sur les transactions financières, régulation de la finance, lutte contre les paradis fiscaux, régulation des marchés agricoles, remise en cause du Produit intérieur brut comme le seul indicateur de richesse ? Dans le fait non, mais certaines idées ont été récupérées par certains  politiciens à travers le monde pour des objectifs purement électoraux. Mais rien de concret n’a été mis en œuvre !
Aujourd’hui, après plus de 18 mois du déclenchement des révoltes arabes et son lot de changement de régimes (Tunisie, Egypte, Libye) et de destruction, comment le FSM évalue-t-il cette dynamique de changement de la carte géopolitique dans la région arabe ? En choisissant la Tunisie pour organiser son forum, le FSM ne donne-t-il un chèque en blanc à ce Big Bang géopolitique et géoéconomique ? Comment explique-t-il  l’effet domino des révoltes arabes qui n’a touché que certains pays et a épargné d’autres ? Pourquoi l’effet domino a-t-il évité le Maroc, le Bahreïn et à moindre mesure le Yémen ? Pourquoi cet effet de domino tient-il à achever le régime syrien malgré la résistance farouche du peuple syrien ? Le Mali, premier pays africain noir, à être touché par cette vague révolutionnaire se  trouve actuellement dans la tourmente et risque d’imploser si la solidarité africaine ne se concrétise pas maintenant. L’Afrique entière aura du mal à survivre à l’éclatement de la Libye et du Mali. Ce qui arrive au Mali est-ce un projet structuré et bien réfléchi ou des effets collatéraux des révoltes arabes ?

Comment explique-t-on l’arrivée massive des partis islamistes au pouvoir après la chute des régimes dictatoriaux proches de l’Occident? Est-ce un hasard ? Non, absolument non ! Le cas tunisien est significatif : le score anormalement élevé du parti islamiste aux élections de la constituante n’était possible que grâce à un système électoral sur mesure pour favoriser ces mêmes islamistes. Pourquoi ce code électoral n’a-t-il pas prévu un second tour pour corriger l’éparpillement des voix ? 1,5 millions de voix ont été marginalisés (plus de 30 % de masse électorale et autant de voix ramassées par le parti islamiste). Des questions méritent d’être examinées par le FSM s’il ne veut être le “le dindon de la farce!

Nous disons aux organisateurs de ce forum de faire attention et de ne pas tomber dans la facilité d’une analyse trop simpliste qui croit à la spontanéité des révoltes arabes !

Ce qui nous arrive est une mise en scène et un complot très bien orchestré par des professionnels de la déstabilisation. Le projet du président Bush-fils est en cours de se réaliser, cette fois-ci, dans le Grand Maghreb en attendant la liquidation du régime syrien pour concrétiser le Grand Moyen Orient allant du Maroc au Pakistan. Ce projet se résume : « changer les régimes », « redessiner les cartes », « piller les richesses pétrolières et gazières » et «faire des arabes des consommateurs des produits israéliens ». Israël est arrivé à ses fins, à peu de frais, à imposer sa vision du Monde sans guerre et sans destruction massive.

Je suggère à nos amis du FSM de se pencher sérieusement sur cette question des révoltes arabes sous son angle stratégique, celui du partage des richesses et de positionnement géoéconomique Occident- pays émergents. Sinon comment explique-t-on le soutien inconditionnel russo-chinois au régime syrien ?

Le libéralisme qui gouverne le monde depuis plusieurs décennies a mis le système économique mondial en crise voire en faillite. L’Occident a tout essayé pour éviter une telle catastrophe. Les outils classiques ne sont plus en mesure d’apporter une solution pérenne, à moyen et long termes,  à cette économie agonisante, d’où l’idée d’aller piller les richesses ailleurs afin de résoudre sa crise et maintenir un niveau de vie élevé aux citoyens des pays occidentaux.

Le FSM aura-t-il le courage de dénoncer ce complot diabolique ? Peut-il condamner  ce nouveau colonialisme ?  Espérant  que oui, sinon nous dirons que ce FSM n’est qu’un machin de plus !

Mustapha STAMBOULI