L’interview accordée le 31 Août par Slim Besbès, ministre
des finances par intérim, à FM Espress livre une foule d’informations et laisse
un champ énorme à l’interprétation :
(1) Normalement un ministre intérimaire n’est pas habilité pour annoncer une série d’informations importantes au média sachant que la
situation est critique et les circonstances sont très délicates. S’il le fait
consciemment, cela s’interprète par l’affectation dans le fait de ce
département à l’intérimaire. Manière de tester l’opinion publique et surtout
les hommes d’affaires et les institutions influentes sur l’économie du pays. La
presse spécialisée ne manquera pas de commenter cet évènement et ce mode de
nomination !
(2) D’après Besbès, la Tunisie fera appel, en 2013, au marché financier international privé pour
lever un montant variant entre 1700 et 1800 MDT. Pourquoi ce gouvernement dont
la mission s’achève de facto le 23 octobre cherche–t-il à lever sur le marché
international un milliard de dollars US avec des conditions usurières eu égard aux notes catastrophiques des agences de notation sans mentionner l’emploi de
ces fonds. Seront-ils prévus pour indemniser les anciens prisonniers du régime
ZABA ? Dorénavant ce ministre devra être plus explicite et plus
convaincant s’il cherche à être confirmé dans les fonctions de Ministre des
Finances car d’autres font acte de candidature pour ce poste ! Pourquoi
cette hésitation sur le montant 1700 ou 1800 MD ? Les spécialistes
interprèteraient cette hésitation par une dévaluation possible du dinar de
l’ordre de 10% d’ici la fin de l’année. La fonction du ministre exige de la
fermeté dans les propos pour ne pas donner des signaux en filigrane aux
investisseurs hésitants et opportunistes. Une dévaluation de 10% en perspective
pousserait les hommes d’affaires étrangers à retarder leurs investissements de 6 à 9 mois !
(3) Il annonce un déficit budgétaire pour 2012 de 6,6% et que ce gap
budgétaire est appelé à augmenter si le prix du carburant n’est pas réajusté pour
résorber les 800 millions provenant de la hausse du cours de pétrole. Donc, le
chiffre probable du déficit est de l’ordre de 10 % et non 6,6 %. Dans ce cas,
je comprends son annonce du trend baissier du déficit pour 2013 mais pas le
pourcentage avancé de 5,5 % !
(4) Le Ministre intérimaire s’est déclaré satisfait des recettes
fiscales et surtout de l’apport dû à l’amnistie fiscale qui a rapporté jusque là
aux caisses de l’Etat 75 MDT sur un total prévu de 250 MDT. Curieux d’entendre
un ministre des finances qui se déclare satisfait d’atteindre 30 % des objectifs
fixés. Cela nous autorise à comprendre que l’Etat entrevoit une politique
fiscale très clémente à partir de 2013 pour encourager les entreprises à payer
sans hésiter. Ceci nous confirme une information relayée par la FMI concernant
le nouveau code fiscal qui est train de se préparer en cachette au cabinet du
Ministre.
(5) Le ministre annonce la vente d’une partie importante pour ne pas
dire de la majorité des entreprises confisquées dans un laps de temps aussi court qui correspond à une période caractérisée
par un flou constitutionnel et l’absence de liquidité chez les investisseurs
tunisiens. Dans ces conditions, les
repreneurs de ces sociétés ne peuvent être qu’étrangers ou d'anciens
propriétaires sous d’autres appellations, donc des IDE non exportateurs,
manière d’aggraver la balance des paiements pour les années à venir.
(6) Il s’est déclaré déçu de la contribution facultative des
citoyens au Trésor dans le cadre de la solidarité nationale, car elle serait
insignifiante ! Si on comprend bien, il voulait qu’elle soit significative
et obligatoire !!
Ces déclarations sont graves et leurs implications vont créer un climat de tension entre le gouvernement et les centrales syndicales. Ces dernières accepteront-elles la cession de 140 entreprises tunisiennes à des étrangers ou similaires ?
Certainement pas, l’UGTT comme d’ailleurs UTICA ne seront pas favorables à ce mode de passation à la hussarde des fleurons économiques du pays. Ben Ali et sa mafia avaient confisqué les meilleures entreprises et les plus rentables.
Nous espérons que ce ministre intérimaire reprendra l’exercice une fois confirmé en apportant une information complète, claire et transparente.
Mustapha STAMBOULI