29 avril 2013

Libertés d’expression : le pouvoir se benalise …


Le  projet de loi  présenté par ce qui reste du parti du Congrès pour la République prévoit des peines allant de 3 mois à 3 ans de prison pour quiconque critiquerait le président de la République, les membres du gouvernement et les instances qui relèvent de leur pouvoir.

Une  dérive flagrante  en matière de liberté de la presse  qui s’inscrit dans le droit fil de la volonté du pouvoir d’instituer un nouvel ordre contre-révolutionnaire basé sur l’information soigneusement filtrée, cqfd un ordre à la ben ali.


Si les partis politiques républicains et la société civile n’agissent pas maintenant, les conséquences seront désastreuses, non seulement pour la liberté de la presse mais pour la liberté tout court.
S’il est normal que la loi reconnaisse les libertés, elle doit définir aussi des limites pour les garantir. Les délits de presse devront être clairement arrêtés (incitation à la haine et à la violence, aux crimes ou aux délits : meurtre, pillage, incendie, etc.) instaurant des responsabilités individuelles et collectives à la fois (depuis le journaliste jusqu’à l’éditeur de publication). Inventer des délits non inscrits dans la loi est une imposture voire un fait relevant d’une dictature.

Le journalisme basé sur le pluralisme, la liberté d’expression, constitue un des piliers de la démocratie. L’information et la liberté de la presse exigent un détachement intégral de l’État et son engagement à renoncer à la mise sous-tutelle des médias, fussent-elles publiques. L’exemple britannique est là pour nous convaincre. Les ex-exilés, aujourd’hui au pouvoir ont bien profité de cette liberté d’expression en Grande- Bretagne et ils n’ignorent en rien sa signification et son impact dans la construction et la préservation d’un modèle démocratique !

Il nous faut une presse entièrement indépendante pour garantir une information non partisane et non truquée, une information pour une réelle émancipation des mentalités et du pays. Chacun a le droit de s’exprimer dans tous les domaines sans censure, seul garde-fou contre la dictature et le pouvoir personnel.
Dans ce contexte et suite à notre constat sur ces accrocs à la loi, lesquels maintiennent le pays dans une situation d’incertitude, j’en appelle à l’émergence d’une presse citoyenne qui pourrait constituer une solution contre les dérives autoritaires et l’ingérence de l’argent sur l’information.

Une presse libre et indépendante ne relève pas d’un luxe que seuls les pays riches peuvent s’offrir. Au contraire, il faut la considérer comme condition essentielle à l’existence d’une réelle démocratie.

Par ailleurs, on observe une exigence de plus en plus affirmée pour pousser le pouvoir à assumer correctement ses responsabilités face à la nécessité de bien informer les citoyens. Si tout le monde s’accorde sur son bien-fondé, les mécanismes pour mettre en place une presse libre paraissent moins évidents.

Une conférence réunissant les professionnels des médias, les intellectuels indépendants et la société civile pourrait aider à arrêter les réformes indispensables pour garantir une information juste, fiable, responsable et indépendante.

Espérons que ces mots ironiques de BEAUMARCHAIS ne trouvent plus écho chez-nous : « Pourvu que je ne parle ni de l’autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l’Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l’inspection de deux ou trois censeurs. » … Et méditons cet énoncé de CHATEAUBRIAND : « Plus vous prétendez comprimer la presse, plus l’explosion sera forte. Il faut donc vous résoudre à vivre avec elle. »

Pour terminer, je dirai que la liberté d’expression n’est nullement un supplément que s’offrirait une société. Elle est notre droit.

Mustapha STAMBOULI