09 juillet 2013

Lettre ouverte au Général Rachid Ammar - votre retrait constitue un acte fondateur !

« C'est dans la résistance et c'est dans le combat qu'en ce moment se révèlent les hommes que notre peuple jugera dignes et capables de diriger ses actions». Le Général De Gaulle, il y a 70 ans !

Vos déclarations du 25 juin 2013 sur la chaîne Ettounsiya constitue un acte de courage digne d’un authentique patriote,  d’un militaire courageux, d’un stratège hors pairs et d’un visionnaire pragmatique. Nous sommes fiers de vous car vous avez dit la vérité, toute la vérité sur les évènements du 14 janvier 2011.  Oui, notre révolution n’est ni une révolution du jasmin ni un printemps arabe, c’est une révolution qui a chassé un dictateur/usurpateur et sa mafia redoutable. Cette révolution a un seul objectif : instaurer la liberté- matrice de la démocratie, de la justice, de l’égalité-équité, de la dignité et de la solidarité.


L’Histoire retiendra, forcément et à juste titre, votre  volontarisme, votre   lucidité, votre obstination et vos qualités morales, techniques et intellectuelles. Ces attributs d’Homme d’Etat vous oblige de vous consacrez exclusivement à partir de maintenant  à sauver la Tunisie. Sauver la Tunisie,  suppose prendre l’initiative de rebâtir son système sécuritaire, territorial et social, sur les bases de la citoyenneté, de la démocratie directe, et de l’équité …   l’Etat central s’est pratiquement effondrée et que le système politique a perdu toute légitimité et toute capacité à perdurer.

Vous êtes l’homme qui n’a pas peur de dire non : d’abord à  Ben Ali quand il vous a demandé de mettre fin au soulèvement populaire par la force et les armes, ensuite à ceux qui ont voulu vous installer-piéger à Carthage le 15 Janvier 2011 et enfin à Marzouki qui ne voulait pas vous laisser partir. Vos « non » sont des rendez-vous avec l’Histoire.  Vous partagez cette qualité avec Bourguiba, lui savait aussi dire non à tous ses détracteurs : aux allemands lors de la deuxième guerre mondiale, aux arabes quand il avait refusé de rompre ses relations diplomatiques avec l’Allemagne et enfin aux américains lors du raid israélien sur Hammam Echatt. Alain n’a-t-il pas dit : « Penser c’est dire non ».

Oui, votre institution militaire, dès le déclenchement des événements de décembre 2010, a joué un rôle de premier ordre surtout le 14 janvier 2011 en faisant éviter à la Tunisie le chaos. L’Armée tunisienne a compensé, lors de la stabilisation sécuritaire du pays, le défaut voire l’absence des forces de l’ordre. Nous devons aussi reconnaitre à l’armée la réussite logistique des élections. Vos interventions réfléchis et intelligentes au Jbel Chaambi ont montré le degré de patriotisme de nos soldats et l’intelligence de notre institution militaire.

Vous avez raison de dire que le système actuel en matière  sécuritaire n’est plus fiable car il est amputé de son organe essentiel, celui des renseignements. Votre proposition pour la création d’une agence nationale de renseignements est une excellente idée pouvant booster les performances de notre système sécuritaire. Cette agence pourrait, si elle est mise en place rapidement, mettre fin : (i) au terrorisme et aux actes visant à porter atteinte à la République et à l'autorité de l'État, (ii) au crime organisé, (iii) au blanchiment d’argent sale et le trafic-commerce de tout genre, (iv) à l’exportation illégale de notre patrimoine historique et génétique.

Votre retrait volontaire des plus hautes fonctions militaires est une sage résolution. Grâce à cette courageuse décision, le peuple tunisien a bien compris la gravité de la situation dans laquelle se trouve note pays. La Tunisie doit changer rapidement de stratégie pour éviter le piège de la somalisation et de l’implosion de l’Etat unitaire.

Votre évaluation objective et pertinente de la transition et les solutions proposées constituent une feuille de route efficace pour déjouer le projet diabolique du wahhabisme international cherchant à  balayer à jamais de notre mémoire collective tous nos réformateurs tunisiens ainsi que la route de la liberté et du progrès amorcée par la Révolution.

L’échec de toutes les transitions et de toutes les initiatives du dialogue national exige de la classe politique une action salutaire pour prendre des décisions collectives, seules aptes à remettre la Tunisie sur le chemin de la reconstruction et de la paix civile. Il vous revient maintenant, eu égard à votre disponibilité, à votre parcours, à votre engagement, à votre intelligence, au capital-confiance dont vous disposez, de prendre l’initiative, en concertation avec toutes les Forces Vives de la Nation, d’organiser une Conférence Nationale obligatoirement Souveraine, seule voie du salut et de la refondation de l’Etat.  Cette conférence doit être minutieusement préparée par des personnalités compétentes et indépendantes afin de faciliter la prise rapide et juste des décisions pouvant débloquer la situation chaotique dans laquelle se trouve notre pays.

Ne rien faire, c’est défaire la République… c’est laisser les forces du mal transformer notre pays en quelques émirats insignifiants et permettre au wahhabisme de nous empoisonner.
La Tunisie n’est ni orpheline ni stérile. Seuls notre silence, notre égoïsme, notre  indifférence, notre complicité et notre  compromission peuvent transformer la Tunisie en « tounistan ».

J’ai la conviction que les conditions «objectives»  du chaos sont réunies. Mobilisons-nous. Vous êtes la  seule personne à pouvoir incarner un large mouvement de citoyenneté capable d’apporter un changement radical, pacifique, unique alternative pouvant épargner à notre Tunisie le  chaos programmé.

Pour terminer, je vous dis que l’écrasante majorité du peuple tunisien partage avec vous votre analyse de la situation critique dans notre pays et adopte vos solutions pour sauver la République et ses acquis.  


Mustapha STAMBOULI