20 novembre 2013

Oui à l’Open Sky avec l’Europe mais après la stabilisation de la Tunisie … !

Par Ons STAMBOULI, Master en ingénierie financière, 

La Tunisie a décidé d’entamer à partir du mois prochain un second round de négociations avec l’Union européenne (UE) sur la politique du ciel ouvert « open sky » après une interruption  ayant duré plus de 30 mois.  Cette nouvelle doit inquiéter les opérateurs tunisiens et plus particulièrement Tunisiair car le moment est mal choisi pour reprendre de telles négociations : un gouvernement appelé à quitter le pouvoir, une crise financière aigue et un marasme au niveau des opérateurs du secteur. Seuls les opérateurs du tourisme cherchent une telle reprise.

Pourquoi  ces professionnels du tourisme trouvent –ils cet  « Open Sky » avec l’Europe  comme la panacée pour régler la crise que traverse  leur secteur ?  Pourquoi les compagnies aériennes tunisiennes privées ou publiques craignent –elles l’ouverture du ciel tunisien. Pourquoi l’Administration tunisienne s’est-elle rangée  en définitive aux positions des tours opérateurs et agences du tourisme ? La Tunisie pourrait-elle se permettre un tel luxe sachant que plusieurs pays concurrents dont le Maroc ont déjà adopté cette formule ?
Huit questions méritent réponses si on veut comprendre la problématique de ce fameux Open Sky Europe-Tunisie.

 Le gouvernement provisoire est-il obligé de reprendre ces pourparlers en ce moment précis ? A-t-il le choix de refuser aux européens cette exigence ? L’affaiblissement de l’influence du Qatar sur nos islamistes au pouvoir est-il pour quelques choses dans cette surprenante reprise ?  Le gouvernement partant a-t-il d’autres stratégies, si oui, lesquelles ?

A notre avis les vraies questions qui méritent une consultation nationale sont les suivantes :
  • Quels sont les apports de l’Open Sky sur l’industrie tunisienne du tourisme ?
  •  L’Open Sky est-il un outil institutionnel favorisant l’arrivée en Tunisie de 10 millions de touristes en 2016 ?
  • L’Open Sky est-il un catalyseur pour les compagnies « Low Cost » ?
  • Quels sont les impacts de l’Open Sky sur les compagnies aériennes traditionnelles ?
  • Comment ces compagnies peuvent-elles rester compétitives dans un ciel ouvert ?
  •  L’Accord Open Sky comprend-il des « clauses de sauvegarde » ?
  •  L’Open Sky renforce-t-il davantage la légitimité de la Tunisie pour accéder à un « Statut Avancé » dans sa relation avec l’UE ?

D’emblée,  on peut dire que tous les pays ayant instauré l'Open sky ont vu leur trafic augmenter de manière substantielle et au profit de tous les transporteurs et ceci malgré la concurrence, les exemples du Maroc et de la Turquie, concurrents directs de la Tunisie, sont, à ce titre, édifiants. La Tunisie est-elle un cas particulier ? Et pourquoi ? La révolution, l’affaiblissement de l’Etat et la dégradation sécuritaire sont-ils les bonnes raisons du repli du ciel tunisien ?

Plusieurs questions méritent réellement réponses si on veut saisir  la problématique de ce fameux Open Sky Europe-Tunisie. Ne faudrait-il pas une concertation large sous la forme d’une consultation nationale réunissant tous  les intervenants dans le secteur du tourisme et du transport aérien ainsi que des compétences tunisiennes en économie de transport. Cette conférence pourrait dégager une stratégie consensuelle capable de donner à l’Administration les arguments pour avoir un accord juste et équitable avec l’Union Européenne concernant ce dossier épineux.

Ces assises nationales pourraient esquisser un plan d’action de restructuration et de mise à niveau en faveur de nos compagnies aériennes afin d’affronter un tel défi et un schéma directeur de transport aérien pour nos infrastructures et surtout trouver une solution viable pour l’aéroport international  d’Habib Bourguiba  Monastir, victime d’une décision mal réfléchie / mal intentionnée de la part de l’ancien pouvoir. Cette rencontre de spécialistes devrait décortiquer l’Impact de l’Accord Open Sky sur les secteurs aérien et touristique.

La Tunisie ne peut pas  se permettre le luxe de laisser le Maroc, pays frère certainement, mais coururent redoutable, seul pour profiter, à travers l’open sky,  d’un rapprochement consistant avec l’Union Européenne avec un statut «partenaire méditerranéen le plus avancé ».

L’Accord Open Sky entre le Maroc et l’Union Européenne signé en 2006 vise  un meilleur ancrage du Maroc dans l’espace européen. Cet accord  consiste essentiellement en la suppression de la plupart des limitations en matière de trafic aérien commercial, en contrepartie de la reprise par le Maroc de l’acquis communautaire en ce domaine. Il vise aussi comme objectif l’intégration totale du Maroc, à terme, dans l’espace aérien commun européen. Cette intégration se traduira par l’application de l’ensemble des principes en vigueur sur les plans économique, commercial et réglementaire.

L’exemple marocain est là pour nous prouver que l’accord Open Sky n’est autre qu’un laissez-passer pour accéder au statut de partenaire avancé. La relation avec l’Europe communautaire est un tout, un «package» à prendre ou à laisser. Il serait difficile à la Tunisie d’avoir le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la crémière !

Quid de l’Open Sky ?

Les termes «Open Sky» désignent l’accord sur les services aériens entre la Tunisie   et l’UE tendant vers une libéralisation du trafic aérien tunisien via la suppression de la plupart des limitations (nationalité, fréquence ou capacité) et en échange de la reprise de l’acquis communautaire en la matière à la  Tunisie (droit d’établissement des compagnies aériennes tunisiennes et européennes au sein de l’espace commun). L’objectif premier de cet accord  substituerait des accords bilatéraux passés entre la Tunisie et les Etats membres de l’UE. Il  réside dans la volonté d’intégrer totalement la Tunisie dans l’espace aérien commun européen en appliquant l’ensemble des principes en vigueur sur les plans économique, commercial et réglementaire. La Tunisie aurait, en cela, à se conformer à 28 règlements et directives dans ce domaine. Par ailleurs, l’accord Open Sky reconnecterait 5 droits ou libertés :
·        de survol,
·        d’escale technique,
·        d’escale commerciale,
·        d’opérer depuis et vers l’Etat de nationalité de l’aéronef,
·        d’opérer, de façon progressive, depuis et vers tout autre Etat,  partie de l’accord.

D’autre part, cet accord pourrait prévoir également une coopération réglementaire (sûreté de l’aviation civile, gestion du trafic aérien, sécurité des passagers, protection des consommateurs…). Par ailleurs, une convergence réglementaire ainsi qu’un comité mixte chargé de sa mise en œuvre ressortira  de cet accord, conduisant la Tunisie à reprendre l’ensemble des dispositions communautaires pertinentes.

Que peut apporter l’accord d’Open Sky à notre pays ?

L’Open Sky Tunisie-Europe ne sera pas différent de celui signé entre l’UE et le Maroc et probablement, il sera identique. Il permettra, entre autres :
·        la libéralisation des marchés, l’amélioration des conditions de concurrence : l’accord supprimerait toutes les limitations  aux compagnies aériennes - de nationalité, de capacité, de fréquences ou de routes- de transporter des passagers entre la Tunisie et des pays de l’UE. Cette disposition  fait bénéficier la desserte de la Tunisie de tout le potentiel aérien européen en permettant l’accès à son ciel à des compagnies aériennes majeures et autorise les  compagnies tunisiennes à desservir librement n’importe quelle route aérienne entre la Tunisie et l’UE sans limitation de capacité  ou  de fréquence.

·        une coopération et un rapprochement en matière de règlementation régissant l’aviation civile de deux parties tendant vers l’unification réglementaire dans les  domaines de la sûreté et sécurité aérienne, la gestion du trafic aérien, la protection des consommateurs, ou encore la protection de l’environnement.

·        une évaluation de l’impact  sur le secteur touristique, les opérateurs du transport aérien et plus généralement sur  l’économie tunisienne de la mise en place de l’Open Sky entre la Tunisie et l’Union européenne devra démontrer que la création de cette ouverture du ciel  ne pourrait  présenter qu’un bilan réellement positif en négociant intelligemment toutes les mesures de sauvegarde nécessaires pour éviter à nos opérateurs la faillite ou l’absorption par des géants du transport aérien.

L’Europe du Sud de par sa proximité géographique et culturelle, ses liens historiques, et ses relations commerciales intenses avec notre pays doit continuer  à être un partenaire de premier ordre. L’Open Sky accouplé à l’accord de partenariat privilégié constituera le fondement d’un contrat de confiance entre les deux rives de la méditerranée.  C’est à ce prix que la Méditerranée retrouvera sa vocation de lien  de paix et de prospérité.

La Tunisie post 14 janvier 2011 est en mesure, sans crainte ni suspicion,  d’être le pont entre l’Union Européenne et l’Afrique et le Proche-Orient. Espérons que les hésitations  sur l’Open SKy Tunisie- Europe ne soient pas  la partie visible de l’iceberg d’un changement profond d’une nouvelle orientation stratégique ! La Tunisie ne devra pas sortir  de son espace méditerranéen construit depuis plus de trois mille ans.


Ons STAMBOULI, Master en ingénierie financière