10 mai 2014

L’Emprunt national est-il mal conçu ?

"Il y a deux façons de mal préparer l’avenir : accumuler les dettes pour financer
les dépenses courantes ; mais aussi, et peut-être surtout, oublier d’investir dans les domaines moteurs." Michel Rocard

Après plus de deux mois de réflexion et suite aux échecs consécutifs en matière de collecte de fonds au niveau international à l’exception de  l’Algérie qui compte débourser sous diverses formes l’équivalent de 250 millions de dollars, l’Etat-major économique de MEJO vient de nous annoncer que l’emprunt national portera sur 500 millions de dinars avec trois segmentations :
Catégorie A : avec un taux de rendement de 5,95% et une durée de remboursement de 6 ans (5 ans + une année de grâce). Cette catégorie est réservée aux personnes physiques.


Catégorie B : avec un taux de rendement de 6,15% et une durée de remboursement de 8 ans (7 ans + une année de grâce). Cette catégorie est réservée aux personnes physiques et morales.

Catégorie C : avec un taux de rendement de 6,35% et une durée de remboursement de 11 ans (10 ans + une année de grâce). Cette catégorie est réservée aux personnes physiques et morales.

 Catégorie C : réservée pour les personnes physiques et morales, les institutionnels et OPCVM d'une durée de 10 ans avec deux années de grâce au taux de 6.35%

D’emblée, je dirai oui car l’idée d’impliquer les nationaux dans le financement du déficit budgétaire de l'Etat était posée par simple démagogie et non par une volonté d’impliquer les « riches » tunisiens (privés et entreprises) dans le processus de sauvetage des finances publiques. Cet emprunt a raté la coche sur tous ses paramètres fondamentaux :



  •           Le  montant demandé est plus ridicule ; il correspond à peine 4% du déficit déclaré (13 milliards de dinars). Les tunisiens et tunisiennes seraient en mesure de mettre toutes leurs économies à la disposition de l'Etat si le gouvernement MEJO avait posé correctement un diagnostic clair et une stratégie ambitieuse de réduction du déficit public. Sans difficulté, cet exécutif aurait obtenir 2 à 3 milliards de dinars tunisiens si les paramètres de cet emprunt étaient bien ajustés en fonction des conditions économiques et politiques du pays.Le gouvernement  aurait pu mobiliser ces 500 millions de DT en ayant recours aux modalités habituelles de financement de l’Etat par les bons du Trésor.

  •  
  •            Les durées de remboursement sont exagérés : comment peut-on accepter de mettre son argent durant 5, 7 ou 10 ans compte de l’instabilité du pays ? Des délais de 2, 3, 5 ans selon les catégories seront acceptés par les souscripteurs.
  •            Fixer arbitrairement les taux d’intérêt sur des périodes si lointaines est une absurdité car, personne y compris MEJO et son ministre des finances et de l’Economie ne sont capables d’anticiper l’inflation sur 11 ans. Alors pourquoi, le gouvernement adopte-t-il des taux fixes (5.95% pour  6 ans, 6,35% pour 8 ans et 6,35% pour 11 ans) ? Ce gouvernement de technocrates formatés par le grand capital international et les  institutions de Bretton Woods aurait dû opter pour des  taux variables  tenant compte du TMM + un bonus de 0,5 pour la catégorie A, 1 pour la catégorie B et 1,5 pour la catégorie C.

Le gouvernement a fait échouer l’emprunt national avant son lancement car, il a sous-estimé l’intelligence du peuple tunisien. 

MEJO et son équipe économique doivent revoir leur copie pour ajuster les paramètres de cet emprunt.

Après, son échec de la réformette des voitures de fonction, le gouvernement fait fausse route concernant l’emprunt national.

Deux échecs exigent un changement d’équipe économique du gouvernement et de la BCT. Vouloir garder un « groupe » hésitant, incapable de procéder à une refonte de la loi de finances est une honte pour la l’Etat tunisien.

La Tunisie est sous perfusion nous oblige à placer aux postes stratégiques des hommes et des femmes compétents, réactifs et efficaces. L’équipe actuelle ne répond pas à cette exigence…

Mustapha STAMBOULI