Pourquoi le président de la République a-t-il cherché à
déstabiliser l’Instance de la Vérité et
de Dignité (IVD) par son projet de loi de Réconciliation économique et
financière ? BCE croit-il à l’efficacité de son projet pour débloquer la
situation économique du pays ? Pourquoi Madame Ben Sedrine, présidente de
l’IVD, est-elle "monté sur ses grands chevaux" pour barrer la route au
projet de BCE ?
La Commission
Européenne pour la démocratie par le droit dite COMMISSION DE VENISE
vient de publier son avis sur les aspects institutionnels du projet de loi sur
les procédures spéciales concernant la réconciliation dans le domaine
économique et financier.
Il est à rappeler que le 22 juillet 2015, la présidente de
l’Instance de la Vérité et de Dignité (IVD) a saisi pour avis la Commission de
Venise sur le projet de loi organique soumis par le Président de la République
tunisienne au parlement (ARP).
Courant octobre 2015, une délégation de la
Commission de Venise s’est rendue à Tunis où elle a rencontré les membres de
l’IVD, le service juridique de la Présidence ainsi que le Président de la
Commission de législation générale de l’ARP afin d’entendre des vive voix les
protagonistes.
La Commission de Venise était invité à statuer sur 5 questions posées par l’IVD, à savoir :
1.
La création d’un organe
supplémentaire de la justice transitionnelle en Tunisie, est-il conforme à la
constitution tunisienne et aux objectifs de la justice transitionnelle?
2.
Le transfert de compétences
de l’IVD vers la Commission de Réconciliation, est-il compatible avec l’article
148 de la Constitution ?
3.
La procédure prévue par le
projet de loi sur la réconciliation présente-t-elle des garanties suffisantes pour la considérer comme équivalente à celle se déroulant devant l’IVD ?
4.
La procédure de justice
transitionnelle prévue par le projet de loi sur la réconciliation permet-elle
de réaliser les mêmes buts que les procédures prévues par la loi organique sur la
justice transitionnelle n° 2013-53 ?
5.
Le projet de loi organique
sur la réconciliation, est-il suffisamment harmonisé avec la loi organique sur
la justice transitionnelle n° 2013-53 ?
En réponse à la première question, la Commission de Venise
ne voit pas d’objection quant à la création d’un organe supplémentaire de
justice transitionnelle en s’appuyant sur la Constitution tunisienne et la loi
organique n° 2013-53 relative à l’instauration et l’organisation de la justice
transitionnelle. En effet, la Constitution tunisienne n’impose pas de forme ni
d’organe particuliers pour la réalisation de la justice transitionnelle. Quant
à la loi organique, elle n’interdit
nullement l’adoption d’une législation spéciale relative aux domaines
économique et financier. La réponse est claire et sans ambigüité. Le président
de la République est dans son droit pour proposer une nouvelle procédure pour la
justice transitionnelle. Madame Ben Sedrine doit prendre acte de l’avis de la
Commission de Venise et "mettre
de l’eau dans son vin et commencer à travailler sérieusement pour rendre
justice aux spoliés de l’Ere de Ben Ali.
Pour la deuxième question concernant le transfert des
compétences de l’IVD à la Commission de Réconciliation, la réponse est un non
catégorique. De l’avis de la Commission de Venise, la Commission de
Réconciliation ne présente pas de garanties d’indépendance suffisantes. Le
transfert de compétences de l’IVD à la Commission de Réconciliation est
compatible avec l’article 148 de la Constitution. » Par ailleurs, l’Etat
tunisien doit respecter les délais prévus par la législation sur la justice
transitionnelle (juin 2018).
Concernant la troisième question relative à la procédure prévue par le projet de loi sur
la réconciliation, l’avis de la CV est sans ambigüité : « en
l’absence de règles de procédure détaillées dans le projet de loi, il est peu
probable que la vérité, élément constitutif de la réconciliation, se fasse dans
les règles de l’art. Donc, le projet de loi du président n’offre pas les garanties
minimales pour la réconciliation.
Pour la quatrième question relative à la capacité de la Loi
de Réconciliation de réaliser les mêmes buts que les procédures prévues par la loi
organique sur la justice transitionnelle n° 2013-53, la Commission de Venise a répondu
par la négative. Pour elle, la loi de Réconciliation ne permet pas de réaliser
l’un des objectifs de la justice transitionnelle et la réforme des institutions
…).
L’harmonisation de la loi organique sur la justice transitionnelle n° 2013-53 et le projet de la loi sur la réconciliation est-elle possible ? Certaines dispositions du projet de loi de la réconciliation risqueraient de provoquer des conflits de compétence insurmontables entre la nouvelle Commission et l’IVD; ce qui ne pourrait accélérer le processus de la justice transitionnelle, ni en améliorer l’efficacité. Bref, la Commission de Venise est pessimiste quant à l’opportunité de mise en place de deux structures traitant pratiquement des mêmes problématiques.
Quoi qu’il arrive, le président de la République a fait ce
qu’il faut faire pour ne pas être taxé d’immobilisme pour résoudre les
problèmes des hommes d’affaires ayant bénéficié des largesses de l’ancien
régime. Sur un autre plan, BCE, par son projet
de loi sur la réconciliation a mis à nu l’inefficacité de l’IVD dans le
traitement des dossiers de corruption économique.
Ben Sedrine, en grande difficulté pour mettre en marche son
IVD, n’a pas hésité à utiliser le projet de loi de réconciliation
pour dénoncer le retour en force des RCDistes qui cherchent à étouffer
dans l’œuf tout processus les condamnant.
En définitive, la Commission de VENISE donne d'une main et
retire de l'autre. Sur le principe BCE a obtenu ce qu’il voulait et Ben Sedrine
a tiré son épingle du jeu. Les seuls perdants de ce jeu malsain sont les spoliés de la
mafia de Ben Ali et notre économie.
Mustapha STAMBOULI
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