06 novembre 2015

La COMMISSION DE VENISE désapprouve l’IVD mais ne croit pas beaucoup au projet de Réconciliation de BCE ...

Pourquoi le président de la République a-t-il cherché à déstabiliser  l’Instance de la Vérité et de Dignité (IVD) par son projet de loi de Réconciliation économique et financière ? BCE croit-il à l’efficacité de son projet pour débloquer la situation économique du pays ? Pourquoi Madame Ben Sedrine, présidente de l’IVD, est-elle "monté sur ses grands chevaux" pour barrer la route au projet de BCE ?

La Commission Européenne pour la démocratie par le droit dite COMMISSION DE VENISE vient de publier son avis sur les aspects institutionnels du projet de loi sur les procédures spéciales concernant la réconciliation dans le domaine économique et financier.

Il est à rappeler que le 22 juillet 2015, la présidente de l’Instance de la Vérité et de Dignité (IVD) a saisi pour avis la Commission de Venise sur le projet de loi organique soumis par le Président de la République tunisienne au parlement (ARP).

Courant octobre 2015, une délégation de la Commission de Venise s’est rendue à Tunis où elle a rencontré les membres de l’IVD, le service juridique de la Présidence ainsi que le Président de la Commission de législation générale de l’ARP afin d’entendre des vive voix les protagonistes.

La Commission de Venise était invité à statuer sur 5 questions posées par l’IVD, à savoir :

1.      La création d’un organe supplémentaire de la justice transitionnelle en Tunisie, est-il conforme à la constitution tunisienne et aux objectifs de la justice transitionnelle?
2.      Le transfert de compétences de l’IVD vers la Commission de Réconciliation, est-il compatible avec l’article 148 de la Constitution ?
3.      La procédure prévue par le projet de loi sur la réconciliation présente-t-elle des garanties suffisantes pour la considérer comme équivalente à celle se déroulant devant l’IVD ?
4.      La procédure de justice transitionnelle prévue par le projet de loi sur la réconciliation permet-elle de réaliser les mêmes buts que les procédures prévues par la loi organique sur la justice transitionnelle n° 2013-53 ?
5.      Le projet de loi organique sur la réconciliation, est-il suffisamment harmonisé avec la loi organique sur la justice transitionnelle n° 2013-53 ?

En réponse à la première question, la Commission de Venise ne voit pas d’objection quant à la création d’un organe supplémentaire de justice transitionnelle en s’appuyant sur la Constitution tunisienne et la loi organique n° 2013-53 relative à l’instauration et l’organisation de la justice transitionnelle. En effet, la Constitution tunisienne n’impose pas de forme ni d’organe particuliers pour la réalisation de la justice transitionnelle. Quant à la loi organique, elle  n’interdit nullement l’adoption d’une législation spéciale relative aux domaines économique et financier. La réponse est claire et sans ambigüité. Le président de la République est dans son droit pour proposer une nouvelle procédure pour la justice transitionnelle. Madame Ben Sedrine doit prendre acte de l’avis de la Commission de Venise et "mettre de l’eau dans son vin et commencer à travailler sérieusement pour rendre justice aux spoliés de l’Ere de Ben Ali.

Pour la deuxième question concernant le transfert des compétences de l’IVD à la Commission de Réconciliation, la réponse est un non catégorique. De l’avis de la Commission de Venise, la Commission de Réconciliation ne présente pas de garanties d’indépendance suffisantes. Le transfert de compétences de l’IVD à la Commission de Réconciliation est compatible avec l’article 148 de la Constitution. » Par ailleurs, l’Etat tunisien doit respecter les délais prévus par la législation sur la justice transitionnelle (juin 2018).

Concernant la troisième question relative à  la procédure prévue par le projet de loi sur la réconciliation, l’avis de la CV est sans ambigüité : « en l’absence de règles de procédure détaillées dans le projet de loi, il est peu probable que la vérité, élément constitutif de la réconciliation, se fasse dans les règles de l’art. Donc, le projet de loi du président n’offre pas les garanties minimales pour la réconciliation.

Pour la quatrième question relative à la capacité de la Loi de Réconciliation de réaliser les mêmes buts que les  procédures prévues par la loi organique sur la justice transitionnelle n° 2013-53, la Commission de Venise a répondu par la négative. Pour elle, la loi de Réconciliation ne permet pas de réaliser l’un des objectifs de la justice transitionnelle et la réforme des institutions …).

L’harmonisation de  la loi organique sur la justice transitionnelle n° 2013-53 et le projet de la loi sur la réconciliation est-elle possible ? Certaines dispositions du projet de loi de la réconciliation risqueraient de provoquer des conflits de compétence insurmontables entre la nouvelle Commission et l’IVD; ce qui ne pourrait accélérer le processus de la justice transitionnelle, ni en améliorer l’efficacité. Bref, la Commission de Venise est pessimiste quant à l’opportunité de mise en place de deux structures traitant pratiquement des mêmes problématiques.

Quoi qu’il arrive, le président de la République a fait ce qu’il faut faire pour ne pas être taxé d’immobilisme pour résoudre les problèmes des hommes d’affaires ayant bénéficié des largesses de l’ancien régime.  Sur un autre plan, BCE, par son projet de loi sur la réconciliation a mis à nu l’inefficacité de l’IVD dans le traitement des dossiers de corruption économique.

Ben Sedrine, en grande difficulté pour mettre en marche son IVD,  n’a pas hésité  à utiliser le projet de loi de réconciliation pour dénoncer le retour en force des RCDistes qui cherchent à étouffer dans l’œuf tout processus les condamnant.

En définitive, la Commission de VENISE donne d'une main et retire de l'autre. Sur le principe BCE a obtenu ce qu’il voulait et Ben Sedrine a tiré son épingle du jeu. Les seuls perdants de ce jeu malsain   sont les spoliés de la mafia de Ben Ali et notre économie.


Mustapha STAMBOULI

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