
La
Tunisie a réussi un second combat magnifique : chasser le dictateur –
usurpateur Ben Ali. Cet acte héroïque, exemplaire doit être concrétisé et
complété par un acte fondateur, se déclinant, selon moi, sur trois axes émanant
de votre part, pour préserver l’œuvre et les acquis bourguibiens et tenir
compte des aspirations et inquiétudes légitimes du peuple tunisien.
Bourguiba, vous le savez, a transformé "une
poussière d’individus " en une nation unie grâce à un projet
émancipateur et républicain touchant l’ensemble de la société et en particulier
la femme tunisienne.
A
partir de décembre 2010, le peuple révolté a revendiqué et réinscrit dans
l’Histoire la vision émancipatrice de Bourguiba gravement atteinte par la
désintégration systématique et planifiée des institutions de l’Etat par le
régime benaliste.
Malheureusement,
cette exigence de réinstallation des valeurs républicaines et du renouveau mal
encadrés par la classe politique très pressée de prendre le pouvoir génère un
état de décomposition pouvant transformer un état unifié en « poussières
d’individu » : on assiste au délitement de la société ouvrant une
voie royale au courant anti-historique et anti-républicain.
Le
choix d’une constituante pour "débénaliser "
le pays et en préparer un avenir cohérent l’incluant dans la modernité s’avère
périlleux sinon producteur d’effets pervers en plongeant notre pays dans
l’inconnu : le système retenu pour les élections de la Constituante, le
refus d’un pacte républicain par la majorité dans la Haute Instance pour la
réalisation des objectifs de la Révolution, plus grave encore, le rejet d’une
limite de temps de cette constituante anticipent un pouvoir monocolore
forcément opposé au pluralisme (un Président, un gouvernement et un parlement
de la même tendance, n’est-ce pas une nouvelle dictature ?).
Tout
annonce que ce pouvoir monocolore sera anti-républicain et conduira à
l’instabilité et au retour à la case départ – c.à.d avant le régime séculier
instauré par Bourguiba.
Face
à ces risques, j’en appelle à la tenue d’un référendum, solution, peut-être
moins spectaculaire, mais plus démocratique, facile, rapide, garde-fou contre
l’inconnu. Mon article paru dans La Presse le 26/05/2011 sous le titre
« constitution : un Référendum pour lepeuple tunisien »
détaille cette proposition.
Par
ailleurs, l’insécurité prévalant dans le pays, les incivilités permanentes, la
transgression des lois requièrent un pouvoir républicain fort pendant cette
période de transition et d’incertitude.
Pourquoi
ne pas mettre en place un Conseil Supérieur Républicain Militaire qui
épaulerait le Président de la république et pourrait assurer l’intérim de ce
dernier en cas de vacance ?
Je
n’ignore pas que cette suggestion pourrait heurter votre sensibilité et vos
convictions bourguibistes, mais seul l’intérêt de la Nation commande, à mon
avis, une telle prise de décision.
En
tant que fils spirituel de Bourguiba et eu égard à votre parcours et votre
engagement, ne pourriez-vous pas prendre l’initiative de rassembler dans un
front uni toutes les sensibilités républicaines et progressistes, contribuant
ainsi à l’émergence d’un courant politique puissant, convaincu, capable de
résister aux courants politiques cherchant à balayer à jamais de notre mémoire
collective Tahar Haddad, Abou Kacem Chebbi, Farhat Hached et tant d’autres
figures ayant participé à la construction de la Nation tunisienne ainsi que la
route du progrès et l’espérance démocratique amorcées par la Révolution.
Veuillez,
agréer, Excellence, l’expression de ma très haute considération.
Mustapha
STAMBOULI, Monastir, le 06 juin 2011