« Un
jour tout sera bien, voilà notre espérance. Tout est bien aujourd’hui, voilà
l’illusion » Voltaire.
La
question de la Constituante préoccupe et inquiète les tunisiens et tunisiennes
et ceci pour des raisons multiples. Le tunisien refuse l’aventure et le jeu du
«quitte ou double». Le tunisien est un être pragmatique, issu de la philosophie
bourguibienne, il refuse le saut dans l’inconnu et les promesses sans
lendemain. Le peuple est convaincu, compte tenu de l’échiquier politique actuel,
que la Constitution sera fatalement un enjeu politique et de concurrence entre
partis partisans. Elle sera le lieu de renoncements et de compromissions prévisibles,
hypothèses récusées par ce même peuple. Ce dernier se rappelle l’expérience de
la Constituante de 1956 où fut, in-fine, destitué le Bey de son pouvoir, geste
symbolique d’une dictature à venir, même si à l’époque Bourguiba et ses
compagnons disposaient de la légitimité populaire et révolutionnaire.
Aujourd’hui, point de légitimité.
Le choix d'une Constituante pour préparer un avenir
cohérent incluant la Tunisie dans la modernité s'avère porteur d’incertitudes et de périls sinon producteur d'effets pervers en plongeant notre pays dans
l'inconnu. Tout annonce que le pouvoir émanant des prochaines élections sera
forcément monocolore conduisant à l’instabilité en raison de l’insatisfaction annoncée
du peuple qui ne se reconnaîtra pas dans les résultats des urnes. En
clair : le faible taux d’inscrits sur les listes électorales pour les
prochaines Élections de l’Assemblée Nationale Constituante (51,18%),
les prévisions de participation au scrutin estimées à 65%, plus de 1600 listes
dans les circonscriptions électorales à l'intérieur et à l'étranger, phénomène
dû à la multiplicité des
partis, des listes, des indépendants, toutes ces données créent confusion et abstention au sein de l’électorat
de la masse silencieuse. De plus, tous ces éléments vont
concourir à la dispersion
des voix, surtout celles des forces progressistes et aboutir à la possible et probable
main-mise totale d'un courant politique conservateur sur la Tunisie. Plus
grave, le risque d'un dérapage sécuritaire incontrôlable pourrait rapidement
dégénérer en soulèvement non maîtrisable eu égard au délabrement et à la
déstructuration du système sécuritaire du pays. La rébellion récente orchestrée
par certains corps constitués préfigurent
et illustrent nos craintes et nos analyses.
Résumons les ensembles de propositions faites à ce jour pour sortir de cette impasse
constitutionnelle :
i-
celles qui préconisent carrément le remplacement de la Constituante par un Référendum où seraient
proposés plusieurs choix de société et où chaque citoyen, chaque citoyenne
déciderait de son destin personnel et du destin collectif de la Tunisie. L'expertise tunisienne en droit constitutionnel
ferait le nécessaire se rapportant aux aspects techniques et à la cohérence des
textes.
ii-
celles qui réclament un Référendum
joint à l’élection de la Constituante pour préciser la durée de cette dernière
et éventuellement le mode d’adoption de la Constitution.
iii-
celles qui préconisent le remplacement des
élections de la Constituante par l’élection d’une Assemblée des députés et
l’élection d’une Instance nationale qui aurait un mandat unique :
l'élaboration d'un projet de Constitution sur la base du pacte républicain.
En fait,
et selon une analyse objective et dynamique du présent, toutes ces
propositions apparaissent déjà
anachroniques, en particulier celle prévoyant le Référendum joint à l’élection
de la Constituante : c’est un non sens, car la Constituante est souveraine
et rien ne pourra la lier à une décision antérieure fut-t- elle celle d’un Référendum.
Sans
remettre en cause les élections du 23 octobre prochain et pour débloquer cette
quadrature du cercle, nous opposons une consultation populaire afin de demander
au peuple tunisien, par voie référendaire encore, s’il tient vraiment à mettre
en place :
i-
une Constituante souveraine
pour installer un nouveau pouvoir sans limite de temps, fondatrice d’un nouvel
Etat sans référence à quoique ce soit tant au niveau du contenu qu’au niveau de
procédures d’adoption de la future Constitution,
ii-
un Parlement qui aura pour tâches
de gérer le pays pour une période bien déterminée à travers un exécutif choisi
par lui et de préparer un projet de Constitution à soumettre à la volonté du
peuple par voie référendaire.
En
résumé, nous optons pour une question simple où l’électeur se prononcera par un
seul choix qui décidera de la mission de la prochaine Assemblée. Soit les élus
seront des constituants ou de simples députés. Cette démarche est claire, limpide
et transparente. Elle évite les non-dits, l’accaparement du pouvoir, le viol
pour tout dire.
Le Référendum
pourrait avoir lieu le jour même des élections ou bien une semaine ou deux
avant le 23 octobre prochain. Le gouvernement, les instances et les partis
politiques sont en mesure d’apporter une réponse rapide à ce détail de timing.
Nous
sommes convaincus que cette consultation populaire sera un acte fondateur d’une
réelle démocratie populaire et directe pour choisir le destin de la Nation. Ce Référendum
constituera l’acte premier d’une Révolution paisible, respectueuse d’autrui et de la dignité pour tous les
tunisiens et tunisiennes sans exclusion.
Cette
démarche met en échec les forces de la réaction de l’intérieur comme de
l’extérieur qui cherchent à tout prix à faire capoter le processus de démocratisation de la Tunisie et dénaturer le
sens d’un soulèvement populaire pour anéantir à jamais tout espoir jailli d’une
initiative révolutionnaire dans le monde arabe et ailleurs.
Refuser
le Référendum réclamé par plus de la moitié du peuple tunisien (57%) en vue
de construire l’avenir du pays sur des
bases saines, signifie la remise en
cause du consensus qui mit en place les institutions de transition, porte
grande ouverte à un affrontement et un clivage dont nul ne peut tracer ou
deviner les limites. Ecarter cette consultation populaire sous prétexte de
difficultés juridiques, logistiques ou de temps, c’est accepter l’agenda de l’Occident
et davantage des pays du Golfe lesquels, grâce à leurs pétrodollars, espèrent
voir la Tunisie séculière se transformer
pour devenir un Emirat sous double tutelle (occidentale et golfique), grosse
couleuvre certainement non consensuelle à faire avaler au peuple tunisien. Les
héritiers et héritières d’Abou El Kacem Chebbi, Tahar Haddad, Habib Bourguiba
et de tous les martyrs d’hier et d’aujourd’hui ne se soumettront pas.
« Savoir
et ne pas agir, ce n’est pas encore savoir» Wang Yang-Ming, philosophe, japonais,
propos cité par Yukio Mishima dans son roman «Chevaux échappés».
Mustapha Stambouli,
Ingénieur Enit/Epfl expert international en
planification de développement
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