03 novembre 2012

Doute, défiance et désespoir du peuple tunisien.


« Quand le peuple ne croira plus à l'Immaculée conception, il croira aux tables tournantes » Gustave Flaubert.
La chute de la dictature de ZABA ouvrait au peuple tunisien tous les possibles. Rien ne serait plus comme avant : perspective d’une nouvelle vie promettant libertés, démocratie, dignité et travail. Le rêve tunisien s’est évaporé à petites doses homéopathiques jusqu’à l’effritement total de cet espoir né du 14 janvier 2011. Les mensonges multiples et divers ont anéanti ce désir de changement.



La classe politique avait promis à l’unanimité un scrutin juste, libre, démocratique et transparent. Les résultats sortis des urnes contredirent totalement ces promesses car le cirque électoral ne fut ni juste ou transparent. Tout l’arsenal juridique établi par la Haute Instance de Yadh Ben Achour fut mis en place pour favoriser le mouvement islamiste et faire de lui le premier parti du pays avec pour mission la rédaction de la Constitution et diriger pour une année le pays afin de le sortir de ses difficultés économiques et sociales. De même, l’ISIE de Jendoubi ferma les yeux sur le financement de la campagne permettant ainsi aux islamistes de dépenser sans compter. Comment peut-on expliquer au peuple que Béji Caid Essebsi et Yadh Ben Achour se soient trompés lourdement sur les intentions du parti islamiste ? En l’état actuel des choses, après une année de cacophonie, les tunisiens et tunisiennes n’ont obtenu ni Constitution ni prospérité. Bien au contraire :

(i)ils ont un pays déstabilisé où les bandits et les extrémistes de tout bord agissent en toute impunité rendant la vie des citoyens et citoyennes invivable,

(ii) une économie au bord de la faillite avec une inflation officielle de 5,7%, insupportable car tout a augmenté. Les finances publiques frisent la banqueroute avec un déficit de 6,6 % ayant des fortes chances d’atteindre les 9% à la fin de cette année. Les balances extérieures ont enregistré une régression exceptionnelle obligeant la Banque Centrale à sortir son arsenal réglementaire archaïque des années 70 afin freiner les importations et la consommation locale obligeant le gouverneur imposé de la BCT à parcourir le Monde pour emprunter à des conditions humiliantes,

(iii)un système éducatif menacé sérieusement par la zitounisation de l’enseignement à tous les niveaux. Les gourous de la mosquée Zitouna n’ont-t-ils pas déclaré que « parmi les objectifs de la révolution tunisienne –figure- l’abolition de l’école primaire et son remplacement par une autre coranique » et ajouté : « Nous œuvrons pour un retour de l’enseignement fondamental de la religion dans nos écoles et nos lycées, et nous souhaitons avoir le soutien du ministère de tutelle, nous organiserons des conférences dans ce but, pour élargir les consultations sur le sujet”. … « La fin du parcours d’enseignement secondaire sera couronnée par un « diplôme d’adaptation » remplaçant le baccalauréat et qu’au terme des études universitaires l’étudiant aura un « diplôme religieux ». Plus de doute sur les intentions, le projet et la stratégie adoptée par ces réactionnaires-obscurantistes. Résultat : les enfants des classes populaires et du restant des classes moyennes seront manipulés et n’accèderont jamais à des formations garantissant l’égalité des chances et l’ascension sociale. Seuls les enfants de riches pourront partir à l’étranger faire des études en adéquation avec notre époque, manière de leur transmettre pouvoir et affaires –si jamais ils retournent au pays …

(iv) un pays à céder aux européens à travers l’Accord de libre-échange complet et approfondi (Aleca) qui sera signé le 19 novembre prochain - accord concocté dans le secret total et sans aucune consultation de l’ANC ou des partenaires sociaux comme l’UTICA et l’UGTT sans parler des citoyens et citoyennes … Pourquoi ce silence mortel de toute la classe politique, de l’opposition en particulier ? Pourquoi nos valeureux économistes se taisent-ils à ce moment précis, sachant qu’il y a risque, que les citoyens sont inquiets et disposent de peu d’informations sur un sujet complexe aussi grave et important ?

(v)notre système de transport aérien est réellement menacé par la convention signée entre les autorités tunisiennes et qataries concernant la « 5ème liberté » entre les compagnies aériennes des deux pays. Cet accord « open sky » avec Le Qatar annonce la mort certaine et programmée de toutes nos compagnies aériennes publiques comme privées. L’avantage accordé à Qatar Airways de transporter des passagers à partir des aéroports tunisiens vers d’autres destinations donnera le coup de grâce à Tunisair déjà en grande difficulté. S’ajoute à cet accord une mascarade : Tunisair ne dispose pas de ligne directe sur le Qatar ? En fait, c’est une liquidation à ZERO millime d’un bien public au profit de l’étranger. Un pan de souveraineté tunisienne encore avalé par le minuscule Emirat… Question : quel bénéfice nos gouvernants avisés tirent-ils de cette opération ? En attendant, la flotte tunisienne met en danger la vie de ses passagers pour non-renouvellement de ses appareils obsolètes, en panne régulière.

Trop, c’est trop ! Des mensonges, des occultations, une opacité sans fin. Voilà la récolte des tunisiens et des tunisiennes après deux ans d’errements de la classe politique et de refus de prises de position claires de la part des partis d’opposition. Les partis d’opposition et les organisations nationales sont-ils à ce point neutralisés, phagocytés ou anesthésiés par le discours dominant ? La conférence du dialogue national organisée par l’UGTT en serait une belle illustration, hélas ! Ces partis sont-ils là pour justifier une pseudo-démocratie et légitimer un pouvoir islamiste ? Quelles garanties –avantages- ont-ils obtenu pour jouer ce jeu malsain ? Le peuple tunisien s’enfonce dans le doute et la défiance à l’égard des politiques jusqu’au point de se sentir trahi par ceux-ci. Est-ce cette démobilisation que l’opposition souhaite pour contrer toute volonté de construire une réelle démocratie participative et directe émanant du peuple et engager des réformes structurelles et économiques au profit de la majorité ?

Cependant, doute, défiance et désespoir du peuple tunisien pourraient être les prémisses d’une réelle mobilisation populaire pour un projet révolutionnaire à penser et à faire.

Mustapha STAMBOULI