Par Ons STAMBOULI, Master en ingénierie financière,
La Tunisie a décidé d’entamer à partir du mois prochain un second round de négociations avec l’Union européenne (UE) sur la politique du ciel ouvert « open sky » après une interruption ayant duré plus de 30 mois. Cette nouvelle doit inquiéter les opérateurs tunisiens et plus particulièrement Tunisiair car le moment est mal choisi pour reprendre de telles négociations : un gouvernement appelé à quitter le pouvoir, une crise financière aigue et un marasme au niveau des opérateurs du secteur. Seuls les opérateurs du tourisme cherchent une telle reprise.
La Tunisie a décidé d’entamer à partir du mois prochain un second round de négociations avec l’Union européenne (UE) sur la politique du ciel ouvert « open sky » après une interruption ayant duré plus de 30 mois. Cette nouvelle doit inquiéter les opérateurs tunisiens et plus particulièrement Tunisiair car le moment est mal choisi pour reprendre de telles négociations : un gouvernement appelé à quitter le pouvoir, une crise financière aigue et un marasme au niveau des opérateurs du secteur. Seuls les opérateurs du tourisme cherchent une telle reprise.
Pourquoi ces
professionnels du tourisme trouvent –ils cet
« Open Sky » avec l’Europe comme la panacée pour régler la crise que
traverse leur secteur ? Pourquoi les compagnies aériennes tunisiennes
privées ou publiques craignent –elles l’ouverture du ciel tunisien. Pourquoi
l’Administration tunisienne s’est-elle rangée
en définitive aux positions des tours opérateurs et agences du tourisme ?
La Tunisie pourrait-elle se permettre un tel luxe sachant que plusieurs pays
concurrents dont le Maroc ont déjà adopté cette formule ?
Huit questions méritent réponses si on veut comprendre la
problématique de ce fameux Open Sky Europe-Tunisie.
Le gouvernement
provisoire est-il obligé de reprendre ces pourparlers en ce moment précis ?
A-t-il le choix de refuser aux européens cette exigence ? L’affaiblissement
de l’influence du Qatar sur nos islamistes au pouvoir est-il pour quelques choses
dans cette surprenante reprise ? Le
gouvernement partant a-t-il d’autres stratégies, si oui, lesquelles ?
A notre avis les vraies questions qui méritent une consultation
nationale sont les suivantes :
- Quels sont les apports de l’Open Sky sur l’industrie tunisienne du tourisme ?
- L’Open Sky est-il un outil institutionnel favorisant l’arrivée en Tunisie de 10 millions de touristes en 2016 ?
- L’Open Sky est-il un catalyseur pour les compagnies « Low Cost » ?
- Quels sont les impacts de l’Open Sky sur les compagnies aériennes traditionnelles ?
- Comment ces compagnies peuvent-elles rester compétitives dans un ciel ouvert ?
- L’Accord Open Sky comprend-il des « clauses de sauvegarde » ?
- L’Open Sky renforce-t-il davantage la légitimité de la Tunisie pour accéder à un « Statut Avancé » dans sa relation avec l’UE ?
D’emblée, on peut
dire que tous les pays ayant instauré l'Open sky ont vu leur trafic augmenter
de manière substantielle et au profit de tous les transporteurs et ceci malgré
la concurrence, les exemples du Maroc et de la Turquie, concurrents directs de
la Tunisie, sont, à ce titre, édifiants. La Tunisie est-elle un cas
particulier ? Et pourquoi ? La révolution, l’affaiblissement de
l’Etat et la dégradation sécuritaire sont-ils les bonnes raisons du repli du
ciel tunisien ?
Plusieurs questions méritent réellement réponses si on veut
saisir la problématique de ce fameux
Open Sky Europe-Tunisie. Ne faudrait-il pas une concertation large sous la
forme d’une consultation nationale réunissant tous les intervenants dans le secteur du tourisme
et du transport aérien ainsi que des compétences tunisiennes en économie de transport.
Cette conférence pourrait dégager une stratégie consensuelle capable de donner
à l’Administration les arguments pour avoir un accord juste et équitable avec
l’Union Européenne concernant ce dossier épineux.
Ces assises nationales pourraient esquisser un plan d’action
de restructuration et de mise à niveau en faveur de nos compagnies aériennes
afin d’affronter un tel défi et un schéma directeur de transport aérien pour
nos infrastructures et surtout trouver une solution viable pour l’aéroport
international d’Habib Bourguiba Monastir, victime d’une décision mal
réfléchie / mal intentionnée de la part de l’ancien pouvoir. Cette rencontre de
spécialistes devrait décortiquer l’Impact de l’Accord Open Sky sur les secteurs
aérien et touristique.
La Tunisie ne peut pas se permettre le luxe de laisser le Maroc, pays
frère certainement, mais coururent redoutable, seul pour profiter, à travers
l’open sky, d’un rapprochement
consistant avec l’Union Européenne avec un statut «partenaire méditerranéen le
plus avancé ».
L’Accord Open Sky entre le Maroc et l’Union Européenne signé
en 2006 vise un meilleur ancrage du
Maroc dans l’espace européen. Cet accord consiste essentiellement en la suppression de
la plupart des limitations en matière de trafic aérien commercial, en
contrepartie de la reprise par le Maroc de l’acquis communautaire en ce
domaine. Il vise aussi comme objectif l’intégration totale du Maroc, à terme,
dans l’espace aérien commun européen. Cette intégration se traduira par
l’application de l’ensemble des principes en vigueur sur les plans économique,
commercial et réglementaire.
L’exemple marocain est là pour nous prouver que l’accord
Open Sky n’est autre qu’un laissez-passer pour accéder au statut de partenaire
avancé. La relation avec l’Europe communautaire est un tout, un «package» à
prendre ou à laisser. Il serait difficile à la Tunisie d’avoir le beurre,
l’argent du beurre et le sourire de la crémière !
Quid de l’Open Sky ?
Les termes «Open Sky» désignent l’accord sur les services
aériens entre la Tunisie et l’UE tendant vers une libéralisation du
trafic aérien tunisien via la suppression de la plupart des limitations (nationalité,
fréquence ou capacité) et en échange de la reprise de l’acquis communautaire en
la matière à la Tunisie (droit
d’établissement des compagnies aériennes tunisiennes et européennes au sein de
l’espace commun). L’objectif premier de cet accord substituerait des accords bilatéraux passés
entre la Tunisie et les Etats membres de l’UE. Il réside dans la volonté d’intégrer totalement la
Tunisie dans l’espace aérien commun européen en appliquant l’ensemble des
principes en vigueur sur les plans économique, commercial et réglementaire. La
Tunisie aurait, en cela, à se conformer à 28 règlements et directives dans ce
domaine. Par ailleurs, l’accord Open Sky reconnecterait 5 droits ou libertés :
·
de survol,
·
d’escale technique,
·
d’escale commerciale,
·
d’opérer depuis et vers
l’Etat de nationalité de l’aéronef,
·
d’opérer, de façon
progressive, depuis et vers tout autre Etat, partie de l’accord.
D’autre part, cet accord pourrait prévoir également une
coopération réglementaire (sûreté de l’aviation civile, gestion du trafic aérien,
sécurité des passagers, protection des consommateurs…). Par ailleurs, une
convergence réglementaire ainsi qu’un comité mixte chargé de sa mise en œuvre
ressortira de cet accord, conduisant la Tunisie
à reprendre l’ensemble des dispositions communautaires pertinentes.
Que peut apporter l’accord d’Open Sky à notre pays ?
L’Open Sky Tunisie-Europe ne sera pas différent de celui
signé entre l’UE et le Maroc et probablement, il sera identique. Il permettra,
entre autres :
·
la libéralisation des
marchés, l’amélioration des conditions de concurrence : l’accord supprimerait
toutes les limitations aux compagnies
aériennes - de nationalité, de capacité, de fréquences ou de routes- de
transporter des passagers entre la Tunisie et des pays de l’UE. Cette disposition fait bénéficier la desserte de la Tunisie de
tout le potentiel aérien européen en permettant l’accès à son ciel à des
compagnies aériennes majeures et autorise les
compagnies tunisiennes à desservir librement n’importe quelle route
aérienne entre la Tunisie et l’UE sans limitation de capacité ou de
fréquence.
·
une coopération et un
rapprochement en matière de règlementation régissant l’aviation civile de deux
parties tendant vers l’unification réglementaire dans les domaines de la sûreté et sécurité aérienne,
la gestion du trafic aérien, la protection des consommateurs, ou encore la
protection de l’environnement.
·
une évaluation de
l’impact sur le secteur touristique, les
opérateurs du transport aérien et plus généralement sur l’économie tunisienne de la mise en place de
l’Open Sky entre la Tunisie et l’Union européenne devra démontrer que la
création de cette ouverture du ciel ne
pourrait présenter qu’un bilan
réellement positif en négociant intelligemment toutes les mesures de sauvegarde
nécessaires pour éviter à nos opérateurs la faillite ou l’absorption par des
géants du transport aérien.
L’Europe du Sud de par sa proximité géographique et
culturelle, ses liens historiques, et ses relations commerciales intenses avec
notre pays doit continuer à être un
partenaire de premier ordre. L’Open Sky accouplé à l’accord de partenariat
privilégié constituera le fondement d’un contrat de confiance entre les deux
rives de la méditerranée. C’est à ce
prix que la Méditerranée retrouvera sa vocation de lien de paix et de prospérité.
La Tunisie post 14 janvier 2011 est en mesure, sans crainte
ni suspicion, d’être le pont entre
l’Union Européenne et l’Afrique et le Proche-Orient. Espérons que les
hésitations sur l’Open SKy Tunisie-
Europe ne soient pas la partie visible
de l’iceberg d’un changement profond d’une nouvelle orientation
stratégique ! La Tunisie ne devra pas sortir
de son espace méditerranéen construit depuis plus de trois mille ans.
Ons STAMBOULI, Master en ingénierie financière