Un homme n’est plus : Mandela.
Un continent en deuil et menacé par des divisions internes et des appétits
externes dans le sillage d’une direction indigne du combat sociopolitique du
grand Madiba.
Parmi les hommes publics qui ont
rendu hommage à Mandela à la suite de son décès, seul le Dalaï Lama a su
traduire par les mots l’immense oeuvre accomplie par Madiba : "Le
meilleur hommage que nous pouvons lui rendre est de faire tout ce que nous
pouvons pour contribuer au respect de l'unité de l'humanité et travailler à la
paix et à la réconciliation comme il l'a fait".
Qui peut mieux résumer le combat de Nelson
Mandela que « MADIBA » lui-même : "J'ai lutté contre
la domination blanche et j'ai lutté contre la domination noire. Mon idéal le
plus cher a été celui d'une société libre et démocratique dans laquelle tous
vivraient en harmonie avec des chances égales. J'espère vivre assez longtemps
pour l'atteindre. Mais si cela est nécessaire, c'est un idéal pour lequel je
suis prêt à mourir."
Nelson Mandela est un homme qui a
changé le destin de l’Afrique du Sud. Il a milité durant plusieurs décennies
pour mettre fin au régime de l’Apartheid institué depuis 400 ans par le pouvoir
blanc. Son premier acte hautement politique fut sa participation à la rédaction
de la Charte sur les libertés pour
contrer la politique de ségrégation raciale. Ce militant de la liberté et de
l’égalité entre les hommes et les femmes de l’Afrique du Sud a construit son
combat à partir d’une problématique élémentaire, simple et évidente, celle de
la liberté pour tous sans exception aucune. Lui-même disait : "Je
ne suis pas né avec une faim de liberté". Nelson Mandala a construit avec
intelligence et audace, au prix de la mise en danger de sa vie, un système de
lutte inédit, efficace et rassembleur : l’ANC –African National
Congress-, colonne vertébrale de la
résistance et de la lutte contre système-parti oppressif et discriminateur. La
pertinence de son combat et sa stratégie de non division lui ont permis de
rallier des Blancs à la cause de la lutte antiapartheid –journalistes,
intellectuels-elles dont la « Prix Nobel » de Littérature Nadine
Gordimer et députés – députées surtout, en particulier Susan Mosher Suzman.
Le symbole de la résistance et de la
tolérance nous quitte pour demeurer en nous définitivement. Un homme
exceptionnel qui a su gérer une situation complexe. L’Histoire retiendra que
cet Homme a su répondre par la bonté aux atrocités du racisme haineux et
inhumain. Mandela est un homme d’honneur
qui fait honneur à l’Afrique : un Grand Homme d’Etat porteur
de valeurs universelles. Cet homme a su dénoncer haut et fort le mépris sous
toutes ses formes, le déni de la dignité de l’Africain. Son slogan n’était-il
pas : « un homme, une voix ».
Madiba a-t-il achevé son œuvre historique
alors que les inégalités et la pauvreté
persistent et perdurent dans son
pays ? "Nous devons nous
rappeler que notre première tâche est d'éradiquer la pauvreté et d'assurer une
meilleure vie à tous", n’avait-il pas déclaré, il y a cinq ans :
« Il y a beaucoup de riches en Afrique du Sud et qui pourraient partager
leurs richesses avec ceux qui n'ont pas eu la chance de sortir de la
pauvreté". Constat d’échec et d’impuissance devant l’incapacité de l’Etat à
redresser une situation héritée de l’Apartheid et amplifiée par la nouvelle
bourgeoisie issue des rangs de l’ANC et du pouvoir actuel. Les deux présidents
noirs ayant succédé à Mandala sont aux antipodes de Mandela. L’actuel président
Jacob Zuma, personnage très controversé, a de fortes chances de tomber dans le
piège occidental qui pourrait faire de lui un « Kadhafi» afin justifier un
changement de régime plus accommodant. Son refus de se rendre au sommet de
l’Elysée pour la paix et la sécurité en Afrique (décembre 2013) pourrait le
marginaliser. Ne s’est-il pas exclamé : "Je ne trouve pas l’intérêt
d’aller à un sommet France-Afrique, alors que la France n’encourage pas la
démocratie en Afrique …. La France renforce et
consolide ses intérêts dans ses anciennes colonies. Nous voulons une
Afrique forte et non une Afrique que la France initie dans un processus qui
continue à renforcer le pillage de ses ressources." Certes mais pourquoi Zuma
s’expose-t-il de cette manière ? La France acceptera-t-elle ces accusations
à la Kadhafi ? Nous craignons que ZUMA soit le prochain président délogé par
un processus « printanier» !...
Personne ne nie que des progrès
aient été réalisés pour offrir les services de base à la population noire et
mixte mais la libéralisation de l’économie Sud africaine entreprise par son
successeur Tabo N’BEKI a hypothéqué les rêves et le projet de Nelson Mandela. Le
taux de chômage avoisine les 26% de la
population active, soit plus de 5 millions de chômeurs.
Corolaire du chômage : pauvreté.
Plus de 50 % des Sud-Africains vivent avec moins de deux dollars par jour,
seuil de pauvreté. La République a échoué à réduire les inégalités : les
écarts de revenus entre Noirs et Blancs se sont accentués. Depuis la fin du
régime ségrégationniste, le revenu mensuel moyen des Noirs a augmenté de 37 %,
celui des Blancs de 84 %, données qui
donnent froid dans le dos. Certains spécialistes qualifient l'Afrique du Sud de
société la plus inégalitaire au monde, une menace pour la stabilité et à
l’unité de l’Afrique du Sud, une réelle poudrière qui risque d’exploser et
détruire tous les efforts menés depuis la suppression de l’Apartheid. Une
économie fonctionnant au ralenti et une répartition d’activités héritée de
l’Apartheid n’aident nullement à la réconciliation définitive entre les Sud-Africains.
Pour preuve : la répression féroce à l’encontre des mineurs en grève en
2011. Si cet immobilisme perdure, ce pays n’échappera pas à un «printemps
africain» et une balkanisation certaine. Malheureusement, Madiba ne sera pas là
pour y éviter le chaos.
Mandela aurait-il échoué dans la
transmission de ses convictions et son savoir-faire politique aux plus jeunes
afin qu’ils poursuivent le combat contre les ennemis de l’Afrique et du Tiers Monde.
Notre Continent est orphelin des Mandela, Bourguiba, Lumumb, Sankara, leaders charismatiques, exceptionnels et
visionnaires. Et pourtant, l’Histoire retiendra que ces hommes ont tout prévu
sauf le printemps arabo-africain.
L’impérialisme international soutenu
par le sionisme attend l’enterrement de Madiba pour actionner le verrou du « printemps
africain » à défaut d’achever le « printemps arabe ». D’ailleurs,
aucun officiel israélien ne se déplacera à Pretoria, signe révélateur des
intentions de l’Etat sioniste … Le
sous-traitant Hollande prépare le terrain de la déstabilisation par un sommet France-Afrique que l’héritier de Mandela a boudé… alors
qu’il disposait d’une tribune privilégiée pour dénoncer la mainmise définitive
de l’Occident sur l’Afrique toute entière, du Nord au Sud.
Mustapha STAMBOULI