Le Ministre des Finances du gouvernement provisoire nous
apprend ce samedi 14 septembre que le budget 2014 connaitra une croissance de
2,2 % par rapport à celui de 2013. Il passera de 26,792 Milliards à 28,3
Milliards de DT. Le projet de la loi des finances prévoit une série de
novations répressives afin de maintenir artificiellement un niveau de déficit
aux alentours de 6,5 % contre 7,5 en 2013, pouvant ramener le taux
d’endettement officiel à 49% du PIB.
Pour boucher le Gap budgétaire, l’Etat compte beaucoup sur
le FMI, la garantie américaine pour emprunter sur le marché international et sur
la générosité de l’Union européenne. Voilà comment peut-on résumer un budget
fait à la hâte, sans conviction ni volonté pour améliorer les recettes ou
comprimer les dépenses.
Fakhfakh peu convaincu par l’exercice qu’il mène, il propose
d’une manière démagogique d’exonérer les bas revenus (inférieure à 5000 DT/an),
manière de ne plus considérer ces travailleurs des citoyens à part entière car
l’impôt est un droit et un devoir de tout citoyen. Le même Fakhfakh compte
imposer un taux de 35% pour ceux qui ont des revenus supérieurs à 40.000 DT/an remenant
les prélèvements obligatoires pour cette catégorie de travailleurs aux
alentours de 50% si on inclut la participation à la caisse de compensation (1 à 3% ).
C’est un harcèlement fiscal ni plus ni moins pour des gens
qui payent normalement leurs impôts. C’est une autre manière de réduire les
salaires des cadres de hauts niveaux. Ces compétences seraient tentées par une
expatriation à la première occasion. Cherche-t-on à dégager les meilleurs pour
les remplacer par du tout venant.
De son côté, le journal numérique HUFF POST Maghreb nous
apprend aussi, à travers une source anonyme du Ministère des Finances, que
l’ampleur des reformes fiscales répressives est de toute autre ampleur que
celle annoncée par le Ministre. Il est que Fakhfakh n’était pas beaucoup bavard
lors de sa déclaration sur le budget 2014 laissant les fuites agir afin de
tester la vigilance et la réaction des contribuables. Une stratégie de
communication opportuniste laissant la possibilité au ministère de se rétracter
au cas où l’opinion publique n’accepterait cette répression fiscale.
Les nouvelles orientations de la Loi des Finances
« version anonyme » visent à détruire une conception cohérente
de l’intervention de l’Etat dans les secteurs prioritaires de l’économie à
travers l’outil fiscal. On apprend que les dividendes distribués sur les
actions détenues par les personnes physiques seront imposées à concurrence
de 10%, alors qu'elles en étaient
exonérées. Le gouvernement est-il conscient de cette décision dangereuse qui
poussera fatalement les actionnaires à vendre leurs portefeuilles et faire
fructifier l’argent ailleurs et autrement … C’est une politique d’assèchement
de liquidité sur nos entreprises, manière de vendre le capital de ces dernières
aux investisseurs étrangers à bas prix.
Une autre mesure dangereuse concernant l’immobilier :
la loi des Finances compte soumettre les propriétaires des biens fonciers à une
taxe annuelle obligeant ces derniers à se débarrasser de ces biens et ne
gardant que la résidence principale qui n’est pas concernée par cette taxe
abusive.
Cette disposition participerait à un ralentissement brutal à
court terme de l’activité du secteur de la construction et le retour au déficit
en matière de logement à moyen et long terme. La classe moyenne en sera
forcément pénalisée. Cette mesure est censée pousser les investisseurs dans le
mobilier à placer leurs fonds dans d’autres secteurs alors que le ministre
pénalise ce genre d’investissement par le dispositif de taxation de 10% des
bénéfices distribués, aucune cohérence dans la démarche.
Concernant la caisse générale de compensation, le ministre
utilise le filon des prélèvements sur les salaires pour réduire le trou de la caisse en imposant
soi-disant les hauts salaires. Il entend appliquer cet artifice jusqu’à
concurrence de 3% des salaires bruts. Au
lieu de s’attaquer au mal, le ministre utilise la facilité des prélèvements
obligatoires et à la source. Non, c’est une aberration flagrante de faire payer
aux citoyens-contribuables l’incompétence du gouvernement en matière de
subvention des produits de consommation de base et des carburants, sachant que
la moitié de cette compensation part à l’étranger, en Libye, en Algérie, même
en Italie à travers le réseau mafieux d’échange « pâtes contre poissons ».
Trop, c’est trop.
Je doute fort que ce gouvernement est sérieux dans sa
proposition de budget 2014. Chercher à déplumer ceux qui payent toujours leurs
impôts, c’est assécher la source d’impôt. Le gouvernement joue à la politique
de la terre brulée. Si cette information se confirme, la vraie révolution aura
lieu en janvier 2014, même avant. Ce gouvernement sachant qu’il n’a aucune
chance de terminer la gestion 2013 alors il mine le terrain.
CICERON, 55 avant JC n’avait-il pas annoncé les bonnes règles pour
l’élaboration d’un budget public : « Les finances publiques doivent
être saines, le budget doit être équilibré, la dette publique doit être
réduite, l'arrogance de l'administration doit être combattue et contrôlée, … La
population doit encore apprendre à travailler au lieu de vivre de l'aide
publique».
Fakhfakh est-il capable de traduire ces conseils en réalité
pour la fabrication de son budget. Arrêtons ce bricolage honteux. La Tunisie a une
tradition de plus de 55 ans en matière d’élaboration budgétaire.
Ce projet de budget 2014
ne convainc personne. Pourquoi le gouvernement n’élabore-t-il pas un
budget sans apport extérieur car le
déficit de l’Etat c’est des fonds en moins pour l’investissement des
entreprises, seul créateur d’emplois.
Les tunisiens pourraient accepter de faire l’effort à
condition d’éviter aux générations futures une lourde dette qui
constituerait un véritable impôt à la naissance dont personne ne voudra. Chaque
tunisien hérite à la naissance une dette de plus 3.000 dinars. Sans
assainissement des comptes publics, sécurité sociale et caisses de retraites
comprises, les investisseurs nationaux et étrangers se maintiendront en
position d’attente et d’hésitation.
Le projet de budget 2014 est un document construit à la hâte
sans réel objectif, cherchant la provocation
et la facilité sans rien résoudre : nous aurons toujours un effectif
pléthorique des fonctionnaires, une CGC davantage budgétivore et un déficit
hors norme. Les agences de notation nous guettent et sont prêtes à nous éjecter
si on continue à jouer à l'autruche face aux
problèmes structurels de notre économie ! Les politiques de «go and
go» ne sont nullement une bonne stratégie de gouvernance. La Tunisie invente un
outil miracle de «go and go», chose non-admise en matière de construction
budgétaire.
Le projet de loi des finances est une aberration qui
pousserait les tunisiens et tunisiennes à adopter la « désobéissance
fiscale », chose grave pouvant paralyser le pays. Un seul responsable de
cette éventuelle banqueroute est bel et bien ce gouvernement d’incompétents.
Mustapha STAMBOULI