Personne ne comprend votre entêtement à vouloir imposer encore
une fois un dialogue national ayant
échoué à deux reprises. Il a avorté pour trois raisons :
·
aucune préparation sérieuse
n’a été effectuée au préalable et l’absence d’un cadre de fonctionnement de ce
dialogue.
·
la non-souveraineté des délibérations-décisions
de ce dialogue rend ce processus informel et non contraignant,
·
l’ugtt n’est pas neutre, à
égale distance de tous les acteurs politiques, pour diriger ce forum.
En réalité votre dialogue national n’est qu’une fausse bonne
idée et un clown de notre
proposition concernant la conférence nationale souveraine. A la limite, ce
cadre pourrait convenir pour traiter d’une thématique précise comme
l’insécurité ou la justice transitionnelle par exemple mais débattre de
l’ensemble du processus de reconstruction de l’Etat suite à l’échec de la
transition post 23 octobre, ceci nécessite, à notre avis, d’autres outils plus
réfléchis, plus performants, mieux encadrés et disposant de garanties internes
voire externes. Le dialogue national, version ugtt, est trop léger pour
conduire le pays à une sortie de crise aussi lourde.
La Tunisie est complètement désorganisée et la transition a
échoué terriblement et doublement : (1) la Constitution promise n’est pas
prête et sa rédaction a divisé le peuple tunisien au lieu l’unir. (2) l’échec
de l’action gouvernementale est flagrant sur tous les plans : (a)
l’économie est au bord de la faillite et de la banqueroute : nos déficits
commerciaux et des paiements nous rappellent une autre période sombre de notre
histoire, celle des années 1985.
Pour être constructif, je vous propose d’orienter votre
dialogue national pour préparer une conférence nationale souveraine des Forces
vives de la Nation qui aurait pour tâches :
·
aide à l’installation de la
nouvelle transition et garantir la continuité de l’Etat,
·
désignation d’une instance
composée spécialement de personnalités indépendantes en vue d’achever le projet
de Constitution,
·
établissement d’un agenda
et d’un calendrier précis de la nouvelle transition,
·
établissement d’un Code
électoral tenant compte de la configuration actuelle du paysage politique et
mise en place de l’Administration électorale, organe indépendant de l’exécutif
intérimaire.
Le parti islamiste au pouvoir cherche par tous les moyens de
prolonger à l’infini la transition afin de verrouiller l’appareil administratif
et territorial pour des fins multiples, particulièrement utile pour les
prochaines élections. Votre dialogue
national non contraignant lui convient parfaitement.
L’acceptation d’Ennahdha de votre proposition pour sortir de
la crise n’a qu’un objectif, celui d’éloigner l’ugtt de son fief progressiste
et de vous exposer personnellement aux feux de la société civile et des
indépendants.
Ni l’ugtt ni vous-mêmes ne sortiront indemnes de l’échec du
prochain round de votre dialogue national. Personne ne souhaiterait ce scénario
mais nous craignons que la majorité au pouvoir applaudisse à cette triste fin.
Est-ce un hasard que Ghannouchi accepte aujourd’hui votre initiative,
sachant que la semaine prochaine verra une mobilisation de l’opposition sur
tout le territoire tunisien dans le cadre de l’opération « IRHAL » ?
Complètement isolé, il cherche d'amadouer l’ugtt et perturber l’union sacrée
des forces républicaines par son acceptation d’un processus non défini. Ghannouchi
s’est rendu compte que le gouvernement actuel est complètement désorganisé et
qu’il lui difficile de maitriser la situation par faute de moyen d’autant plus
que l’Armée s’est retirée des rues et des points sensibles.
La situation est grave et nous devons tous dépasser nos
intérêts partisans. La troïka cherche à prolonger la transition avec la
complicité de l’ugtt. Ceci constitue une erreur stratégique ouvrant la porte
grand-ouverte à une prolongation à l’infini, c-à-d, l’installation de la
«dictature des prolongations» ! Alors, agissons ensemble pour déjouer
ce projet diabolique.
Mustapha STAMBOULI