Le ratio masse salariale publique sur le Produit Intérieur Brut (PIB) est un baromètre crucial de la santé économique d'un pays. En Tunisie, cet indicateur est au cœur des débats sur les finances publiques et la viabilité économique. Avec un taux qui a longtemps dépassé la moyenne régionale, le pays fait face au défi de maîtriser ses dépenses de fonctionnement tout en garantissant un service public efficace. L'analyse de l'évolution, des causes et des conséquences de ce ratio met en lumière les enjeux complexes qui pèsent sur l'économie tunisienne.
Introduction : Un indicateur
révélant les choix budgétaires
Le ratio masse salariale publique
sur PIB mesure la part de la richesse nationale absorbée par les salaires des
fonctionnaires. Son évolution est le reflet des politiques d'emploi dans le
secteur public, des politiques salariales et de la performance économique
globale. Dans le cas de la Tunisie, ce ratio est devenu une préoccupation
majeure pour les institutions financières internationales, qui y voient un
facteur de déséquilibre macroéconomique et de fragilité financière.
La dynamique de la masse salariale
publique tunisienne
1. Une augmentation historique et rapide
- Après 2011 : Le ratio a connu une forte
croissance après 2011, principalement en raison de recrutements massifs
dans la fonction publique et d'augmentations de salaires. Ces décisions
politiques, prises dans un contexte de transition, ont conduit le ratio à
atteindre environ 16 % du PIB en 2022, un niveau significativement plus
élevé que dans d'autres pays de la région MENA, comme le Maroc (environ
10,5 %) ou le Liban (environ 11,5 %).
- Les conséquences économiques : Cette augmentation rapide et non
soutenue par une croissance économique suffisante a pesé lourdement sur
les finances publiques, contribuant aux déficits budgétaires et à
l'endettement du pays. Une part croissante du budget a été monopolisée par
les dépenses de fonctionnement, au détriment des dépenses
d'investissement, essentielles pour le développement à long terme.
2. Une décélération récente, mais
fragile
- Efforts de maîtrise : Des efforts ont été entrepris pour
inverser la tendance. Le gouvernement a initié des réformes de la fonction
publique, notamment à travers des départs à la retraite anticipée, afin de
réduire le nombre de fonctionnaires et la masse salariale. Les prévisions
budgétaires pour 2025 et 2026 anticipent une réduction progressive du
ratio, tablant sur une baisse autour de 13,3 % du PIB.
- Une situation toujours délicate : Cependant, cette maîtrise reste
précaire. Les augmentations de salaires continuent d'exercer une pression,
et l'inflation alimente les revendications salariales. Le niveau
d'endettement reste élevé, et la Tunisie est toujours sous surveillance
des institutions financières internationales pour sa gestion budgétaire.
3. Comparaisons internationales : La
Tunisie dans la balance
- Contrastes régionaux : La comparaison avec les voisins et
d'autres pays de la région révèle un décalage persistant. Le ratio
tunisien demeure supérieur à celui de nombreux pays à revenus comparables,
ce qui souligne les défis structurels de la gestion de la fonction publique
dans le pays.
- Leçon des réformes : Des études comparatives montrent que
les réformes de la masse salariale sont plus efficaces et durables
lorsqu'elles sont menées par consensus et pendant les périodes de
croissance économique. La fragilité politique et économique de la Tunisie
rend ces réformes particulièrement complexes.
Conclusion : Les enjeux d'une
gestion durable
La
maîtrise du ratio masse salariale publique sur PIB est cruciale pour la
stabilité financière et la croissance économique de la Tunisie. Si les efforts
récents pour réduire ce ratio sont encourageants, la situation demeure fragile
et les défis structurels persistent. Pour garantir une gestion durable, il est
impératif de poursuivre les réformes de la fonction publique, de stimuler la
croissance économique pour faire croître le PIB, et de trouver un équilibre
entre la qualité du service public et la soutenabilité des finances de l'État.
En fin de compte, la gestion de ce ratio ne se résume pas à un simple exercice
comptable, mais incarne un choix stratégique pour l'avenir du développement
tunisien.
Mustapha STAMBOULI, Ingénieur ENIT/EPFL à la retraite et ancien Expert auprès des
agences des Nations Unies
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