30 octobre 2025

La masse salariale publique tunisienne à l'épreuve du PIB : un poids sur les finances publiques

 

Le ratio masse salariale publique sur le Produit Intérieur Brut (PIB) est un baromètre crucial de la santé économique d'un pays. En Tunisie, cet indicateur est au cœur des débats sur les finances publiques et la viabilité économique. Avec un taux qui a longtemps dépassé la moyenne régionale, le pays fait face au défi de maîtriser ses dépenses de fonctionnement tout en garantissant un service public efficace. L'analyse de l'évolution, des causes et des conséquences de ce ratio met en lumière les enjeux complexes qui pèsent sur l'économie tunisienne.

Introduction : Un indicateur révélant les choix budgétaires

Le ratio masse salariale publique sur PIB mesure la part de la richesse nationale absorbée par les salaires des fonctionnaires. Son évolution est le reflet des politiques d'emploi dans le secteur public, des politiques salariales et de la performance économique globale. Dans le cas de la Tunisie, ce ratio est devenu une préoccupation majeure pour les institutions financières internationales, qui y voient un facteur de déséquilibre macroéconomique et de fragilité financière.

La dynamique de la masse salariale publique tunisienne

1. Une augmentation historique et rapide

  • Après 2011 : Le ratio a connu une forte croissance après 2011, principalement en raison de recrutements massifs dans la fonction publique et d'augmentations de salaires. Ces décisions politiques, prises dans un contexte de transition, ont conduit le ratio à atteindre environ 16 % du PIB en 2022, un niveau significativement plus élevé que dans d'autres pays de la région MENA, comme le Maroc (environ 10,5 %) ou le Liban (environ 11,5 %).
  • Les conséquences économiques : Cette augmentation rapide et non soutenue par une croissance économique suffisante a pesé lourdement sur les finances publiques, contribuant aux déficits budgétaires et à l'endettement du pays. Une part croissante du budget a été monopolisée par les dépenses de fonctionnement, au détriment des dépenses d'investissement, essentielles pour le développement à long terme.

2. Une décélération récente, mais fragile

  • Efforts de maîtrise : Des efforts ont été entrepris pour inverser la tendance. Le gouvernement a initié des réformes de la fonction publique, notamment à travers des départs à la retraite anticipée, afin de réduire le nombre de fonctionnaires et la masse salariale. Les prévisions budgétaires pour 2025 et 2026 anticipent une réduction progressive du ratio, tablant sur une baisse autour de 13,3 % du PIB.
  • Une situation toujours délicate : Cependant, cette maîtrise reste précaire. Les augmentations de salaires continuent d'exercer une pression, et l'inflation alimente les revendications salariales. Le niveau d'endettement reste élevé, et la Tunisie est toujours sous surveillance des institutions financières internationales pour sa gestion budgétaire.

3. Comparaisons internationales : La Tunisie dans la balance

  • Contrastes régionaux : La comparaison avec les voisins et d'autres pays de la région révèle un décalage persistant. Le ratio tunisien demeure supérieur à celui de nombreux pays à revenus comparables, ce qui souligne les défis structurels de la gestion de la fonction publique dans le pays.
  • Leçon des réformes : Des études comparatives montrent que les réformes de la masse salariale sont plus efficaces et durables lorsqu'elles sont menées par consensus et pendant les périodes de croissance économique. La fragilité politique et économique de la Tunisie rend ces réformes particulièrement complexes.

Conclusion : Les enjeux d'une gestion durable

La maîtrise du ratio masse salariale publique sur PIB est cruciale pour la stabilité financière et la croissance économique de la Tunisie. Si les efforts récents pour réduire ce ratio sont encourageants, la situation demeure fragile et les défis structurels persistent. Pour garantir une gestion durable, il est impératif de poursuivre les réformes de la fonction publique, de stimuler la croissance économique pour faire croître le PIB, et de trouver un équilibre entre la qualité du service public et la soutenabilité des finances de l'État. En fin de compte, la gestion de ce ratio ne se résume pas à un simple exercice comptable, mais incarne un choix stratégique pour l'avenir du développement tunisien.

Mustapha STAMBOULI, Ingénieur ENIT/EPFL à la retraite et ancien Expert auprès des agences des Nations Unies

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