27 octobre 2025

Analyse sommaire du projet du budget de l'État pour 2026 : hypothèses, chiffres et critiques

 

Le projet de loi de finances pour 2026, tel que révélé par certains médias et analysé par plusieurs experts, se veut un "budget de relance et de reconstruction nationale" axé sur la "justice sociale". Cependant, il suscite un débat intense, en raison d'hypothèses jugées optimistes et de préoccupations concernant le financement de l'État.

Introduction

Le budget de l'État pour l'année 2026 repose sur un ensemble d'indicateurs et d'hypothèses clés qui définissent les ambitions économiques du gouvernement. Ces estimations, basées sur les résultats de l'année précédente, la croissance attendue et des variables macroéconomiques, servent de fondement aux prévisions de recettes et de dépenses. L'examen de ces hypothèses et des chiffres qui en découlent est essentiel pour comprendre les orientations budgétaires et évaluer leur réalisme.

I. Les hypothèses fondamentales du budget 2026

Le budget s'articule autour de cinq hypothèses majeures :

  1. Les résultats de 2025 : Les estimations prennent en compte l'exécution du budget de l'État jusqu'à la fin août 2025.
  2. La croissance économique : Une reprise progressive de l'économie est anticipée, avec un taux de croissance ambitieux de 3,3 % pour 2026, notamment dans les secteurs de l'agriculture, des services et du tourisme.
  3. Les importations de biens : Le budget table sur une amélioration du rythme de croissance des importations de biens de 4 % par rapport à 2025.
  4. Le prix du pétrole : Le budget est basé sur un prix moyen du baril de pétrole Brent de 63,3 dollars.
  5. Le taux de change : L'une des hypothèses cruciales est la stabilisation du taux de change du dinar tunisien face aux principales devises.

II. Les chiffres clés du budget

Sur la base de ces hypothèses, les principaux chiffres annoncés sont les suivants :

  • Ressources de l'État : Elles sont estimées à environ 79,624 milliards de dinars, soit une augmentation de 3,9 % par rapport aux 76,632 milliards de dinars prévus pour 2025.
  • Recettes budgétaires : Elles s'élèveraient à environ 52,560 milliards de dinars, marquant une hausse de 7,1 % par rapport aux 49,090 milliards de dinars de 2025. Ces recettes représenteraient 66 % du total des ressources de l'État.

Le budget prévoit également un déficit de 11 milliards de dinars. Pour le combler, l'État a recours à des emprunts massifs et prévoit d'obtenir une autorisation pour la Banque Centrale de prêter 11 milliards de dinars à l'État, un mécanisme de financement qui suscite le débat.

III. Les critiques et l'valuation du budget 2026

La présentation de ce budget a déclenché un vif débat parmi les experts économiques.

  • Critique des hypothèses de croissance : L'hypothèse d'une croissance de 3,3 % est considérée comme trop optimiste. Des institutions internationales comme la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International (FMI) prévoient une croissance plus modérée pour la Tunisie, respectivement de 2,4 % en moyenne sur 2026-2027 et 2,1 % pour 2026. L'écart entre les prévisions gouvernementales et celles des institutions internationales suscite des doutes quant à la réalisation des objectifs budgétaires.
  • Critique du financement du déficit : Le recours à l'endettement massif et au financement direct par la Banque Centrale est au cœur des préoccupations. Ce mécanisme de financement par la planche à billets est perçu comme risqué et pourrait avoir des conséquences inflationnistes importantes, selon plusieurs analystes.
  • Absence de vision claire : Certains experts et observateurs avisés estiment que le projet de loi de finances manque d'une vision stratégique globale pour l'économie tunisienne. Ils soulignent l'absence d'une "boussole" claire pour orienter les réformes structurelles nécessaires.

IV. Les points positifs et les orientations sociales

Malgré ces critiques, le budget met l'accent sur plusieurs aspects sociaux et économiques :

  • Justice sociale : Le gouvernement présente le budget comme un moyen d'atteindre la "Justice sociale et le développement régional équilibré".
  • Subventions et postes : Le budget prévoit de poursuivre la politique de subventions ciblées pour les produits de base, les carburants et les transports. Il promet la création de plus de 51 000 postes, incluant la régularisation de certains agents, ce qui pourrait atténuer les tensions sociales.

 Note :L'analyse du mécanisme de financement du budget 2026, notamment le recours à l'endettement massif et à la Banque Centrale, mérite un traitement plus approfondi. Dans un prochain article, nous reviendrons sur les implications économiques de ces choix, notamment en termes d'inflation, de stabilité monétaire et de risques à long terme pour l'économie tunisienne. La gestion de ce déficit et les stratégies alternatives de financement seront au cœur de cette réflexion.

Conclusion

Le budget de l'État tunisien pour 2026 est un document qui reflète les ambitions de relance et de stabilisation de l'économie, tout en mettant l'accent sur la justice sociale. Cependant, il repose sur des hypothèses qui sont perçues par certains experts comme optimistes. La critique principale porte sur le financement de l'État, avec un recours à l'endettement et aux financements non conventionnels qui pourraient être risqués pour l'économie. La crédibilité de ce budget dépendra de la capacité du gouvernement à réaliser ses prévisions de croissance et à gérer efficacement son déficit, tout en affrontant les défis économiques structurels persistants.

Mustapha STAMBOULI, 27/10/2025

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