Récemment, une nouvelle exceptionnelle a secoué la Tunisie, suscitant fierté et admiration au sein de la nation. Monsieur Moungi Baoundi, un Tunisien résidant aux États-Unis, a été honoré du prestigieux prix Nobel de Chimie en collaboration avec deux collègues. Leur travail révolutionnaire a apporté des éclaircissements essentiels sur les interactions entre les molécules et les surfaces, avec des implications majeures dans des domaines clés tels que la catalyse et la chimie des matériaux. C'est une réalisation remarquable qui mérite nos plus sincères félicitations à Monsieur Baooundi !
Cependant, cette victoire remarquable s'accompagne
d'une réflexion profonde sur la relation complexe que la société tunisienne
entretient avec ses talents émigrés. Il semble exister une croyance largement
répandue en Tunisie, selon laquelle la véritable compétence d'un individu est
attestée par son départ à l'étranger, l'obtention de multiples nationalités, et
la décision de ne jamais retourner dans son pays d'origine. Cette vision
paradoxale peut être considérée comme une « hypophrénie » collective, une
distorsion de la perception de la réalité, soulevant des questions importantes
sur l'estime de soi et la confiance dans l'avenir de la Tunisie.
Ce phénomène trouve sa source dans les défis économiques persistants auxquels la Tunisie est confrontée depuis de nombreuses décennies. Des taux de chômage élevés, une précarité de l'emploi prégnante et des inégalités économiques flagrantes ont incité de nombreux Tunisiens à chercher des opportunités ailleurs. Les départs à l'étranger sont souvent perçus comme la quête inévitable de meilleures perspectives économiques, et ceux qui réussissent à l'étranger sont admirés et vénérés.
Cependant, cette admiration pour ceux qui s'expatrient peut également traduire un manque de confiance envers les institutions et les opportunités en Tunisie. Il semble parfois que la réussite à l'étranger soit la seule voie de sortie face aux difficultés économiques et sociales du pays. Cette perspective peut engendrer un sentiment de désillusion parmi la population, accompagné d'une perte de foi dans l'avenir de la Tunisie.
Plus préoccupant encore, cette perception peut être perçue comme un affront envers le pays lui-même. Le talent, la compétence et l'expertise des Tunisiens devraient être reconnus et valorisés au sein du pays, plutôt que d'associer le succès uniquement à l'étranger. Ceci souligne la nécessité urgente de créer un environnement favorable au développement professionnel et personnel en Tunisie, où les individus peuvent exploiter leur plein potentiel sans ressentir le besoin de partir.
En définitive, il est impératif de reconnaître que la Tunisie regorge de talents et de ressources à offrir au monde. L'estime de soi des Tunisiens doit être renforcée par des opportunités, une gouvernance efficace et un soutien à l'échelle nationale. Cela contribuera à créer un environnement où la compétence est reconnue et célébrée en Tunisie, sans que les individus aient besoin de chercher validation et réussite à l'étranger. La Tunisie mérite de prospérer grâce à ses talents locaux, de même que les réussites internationales de ses citoyens devraient enrichir la fierté nationale, plutôt que de souligner une fuite des cerveaux.
Mustapha STAMBOULI, ENIT/EPFL, 04/10/2023
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