Un journal électronique a titré aujourd’hui dans l’un de ses
articles « Abdelfattah Mourou, islamiste, républicain et démocrate ».
C’est un titre provocateur car on ne peut
pas être Islamiste et républicain de
même que islamiste et démocrate. C’est un non sens. Un islamiste pense à la
Oumma islamique comme territoire et à Charia comme dogme de gouvernance. Le
pluralisme ne fait pas partie du vocabulaire des islamistes. La République
est intimement liée à la laïcité de l’Etat,
ce que refusent les islamistes. Donc arrêtons d’utiliser des termes inappropriés
pour qualifier Mourou.
Les tunisiens n’ont pas oublié que ce dernier est le
géniteur et le fondateur d’Ennahda en 1989, avec, entre autres, Rached
Ghannouchi et Salah Karker. Il est aussi un des théoriciens de l’islamisme politique. Cessons de faire de ce
respectable personne une denrée rare ! Oui, Mourou est un
personnage fort sympathique, un bel homme et un vrai « beldi », un orateur hors pair ...
mais il est toujours islamiste. Certains
ou plutôt certaines trouvent en lui la trempe bourguibienne. Mourou est tout simplement une caricature de Bourguiba. Le Combattant suprême est d’abord un grand
patriote, un visionnaire hors pair, un fin stratège politique,
un réformateur courageux, homme de culture sans limite. Bourguiba
avait les qualités d’un homme politique et le leader qui avait marqué le plus
le XXème siècle. Si Lahbib a été de tous les combats, combats gagnés
à chaque fois : émancipation de la femme, laïcité à la tunisienne et
plutôt bourguibienne, développement économique et social, contrôle
des naissances.... Bourguiba est le père de
l’approche systémique avant date. Bourguiba a construit le bourguibisme :
une approche méthodologique pragmatique de combat politique, un
ensemble de concepts, de convictions et un système d’outils d’organisation et
de gestion de la vie politique en adoptant la politique des étapes et
l’essentiel sur l’important. Bourguiba avait construit quelque chose qui
tiendra la route … la Tunisie républicaine du «juste-milieu». Le
Combattant suprême a toujours revendiqué l’arabité et l'islam tolérant.
Cependant, il s’opposait à l’arabisme et à l'islamisme. Bourguiba a croisé la
« roue de l’Histoire » au point de devenir l’incontournable référence
politique en Tunisie.
Où est Mourou dans tout cela ? Lui, c’est un champion du double
langage, il change son discours selon ses auditeurs. Je connais cette personne
depuis 30 ans. Il a toujours le même objectif : installer un pouvoir
«traditionaliste» à référence islamique, exactement à l’opposé de Bourguiba qui a su écarter la religion de la sphère politique pour la
préserver. Pour Bourguiba, la laïcité c'est un axiome qu'on ne peut pas
violer et qu’on n’a pas besoin de démontrer.
Mourou a un problème avec Bourguiba, il a déclaré dans son discours en 1998 : "Notre cause est qu’il n’y ait pas de Bourguiba
après Bourguiba.". Aussi, dans la conclusion de ce même discours, Mourou s'est dévoilé et a donné la stratégie d'ennahdha une fois au pouvoir : "En bref, cela signifie qu’Ennahda utilise le
terme démocratie dans un but tactique, politique, en s’adressant au citoyen
tunisien moyen et aux occidentaux , tout en sachant que « la conception
islamique du pouvoir n’est pas la conception démocratique ». "Dans la
conception islamique du pouvoir, telle que comprise par Ennahda, le peuple peut
décider uniquement dans les domaines qui n’ont pas été réglés par Dieu:
« établir une municipalité ici ou là, imposer un impôt quelconque, tant
que cela est permis par Dieu ». Ennahdha nous promet une République Islamique, chère Madame.
Mourou est un serpent de
mer qui se
mordra un jour la queue . C’est un homme vaniteux, orgueilleux, facile à
abattre. Il n’a pas de l’endurance.