Le nombrilisme des chefs, la magouille et la traitrise de certains ont fait d’une minorité une majorité.
Le bilan de la transition n’est plus mitigé comme je l’avais qualifié, il y
a quelques mois, mais plutôt catastrophique et inquiétant et ceci pour
plusieurs raisons :
Le peuple tunisien, au lieu de se projeter dans
le futur, il est en train de discuter de la 6ème Califa !
Les tunisiens ne se reconnaissent plus dans un
projet politique mais plutôt dans une aire géographique : le succès aux
élections de la Constituante des listes de la « pétition populaire» en est une démonstration, c’est le retour
à la poussière d’individus que Bourguiba a tant combattu.
L’UGTT qui a donné un coup de pouce décisif à
la révolte et à la chute du régime mafieux de Ben Ali en appelant à une grève
générale le 14 janvier se voit exclu de la Constituante, c’est plus qu’une
aberration, c’est une humiliation voire de l’ingratitude !
Ce qu’il faut retenir aussi
des élections de la Constituante du 23 octobre qu’entre «24 % et 49 % des voix
se sont portées sur des listes qui n'ont pas eu d'élus (outre les votes blancs
et les nuls), c'est-à-dire qu'entre le quart et la moitié des voix ont été
perdues selon les circonscriptions, voix qui ne sont pas représentées à la
Constituante». A cela, il faut ajouter les personnes qui ont boycotté les
élections (plus de 45 % de masse électorale).
Ce bilan-inventaire rapide est plus
qu’inquiétant. Tous les progressistes de ce pays en sont responsables. Le
nombrilisme des chefs, la magouille et la traitrise de certains ont fait d’une
minorité une majorité. Nous sommes en droit de
nous demander si nous avons les politiciens que nous méritons. Il semble
évident que la réponse est oui.
L'immobilisme de la
population, sa division et son non-engagement grandissant (la multiplicité des
partis et des listes indépendantes) font en sorte que la déchéance de la classe
politique est en grande partie de la faute de la population, et qu'elle doit en
assumer les conséquences ou prendre les décisions requises pour y remédier.
Finalement, il faut
obligatoirement revoir nos moyens d'implication dans la politique pour assurer
une transition générationnelle dans la gestion des affaires publiques. C'est le
thème du changement récurrent en politique à l'heure actuelle, mais ô combien
important si l'on veut changer les choses. Où sont les jeunes bourguibistes,
démocrates et républicains qui vont faire la Tunisie de demain? Sont-ils
coincés derrière les vieux de la vieille? Assez le jeu de cache-cache, faisons
face à nos responsabilités de citoyens et réparons nos erreurs.
La question
qui se pose maintenant est: nos hommes et femmes politiques glissent-ils
lentement et surement et par touches successives de la démocratie au fascisme
pour atteindre en douceur des objectifs obscurs ? Telle est la question
angoissante qui surgit à voir la lente progression des déclarations diverses et
variées mises en place afin de museler nos libertés et nos droits chèrement
acquis.