Le Général Rachid Ammar s’est
comporté durant les évènements du 14 janvier 2011 d’une manière courageuse et
patriotique. C’est un Homme d’exception dans les pays du Sud où les militaires
ne manquent aucune occasion pour achever les régimes agonisants -la dernière en
date, le putsch au Mali. Le général
Rachid Ammar, pur produit de l’Ecole bourguibienne et authentique républicain
est un réel Homme d’Etat.
Qui pouvait croire que cet homme était en mesure de
dire non au dictateur et sanguinaire Ben
Ali en refusant ses ordres pour rejoindre les forces de répression de
l’appareil «benaliste» afin de mater la révolte déclenchée le 16 décembre 2010 ?
Qui osait croire, après la fuite orchestrée de Ben Ali que ce puissant et
charismatique Général bouderait le pouvoir et le transmettrait aux
civils ? On rêve ! Qui pouvait aussi imaginer qu’il était capable
d’arrêter le puissant Seriati et maîtriser son appareil policier sans le
moindre dégât ? Inimaginable ! Sans pouvoir formel, l’Institution
Militaire a boosté la fragile autorité civile, peu légitime, pour gérer le
pays, durant la première transition, malgré les intrigues, les manipulations
golfiques, les faux pas et le bilan mitigé.
L’institution
militaire, sous l’autorité du général Ammar, a joué un rôle de premier ordre
surtout le 14 janvier 2011 en faisant avorter le coup d’Etat contre la
République en dégageant Ben Ali et son clan mafieux. L’Armée tunisienne a compensé,
lors de la période de stabilisation sécuritaire du pays, le défaut voire
l’absence des forces de l’ordre. Nous devons aussi reconnaitre à l’armée la «réussite»
logistique des élections. Nul ne peut nier l’efficacité de cette institution
pour défendre le territoire tunisien lors de la crise libyenne.
Le
flottement politique actuel pose problème et le pays est réellement menacé d’un
effondrement généralisé : économique et sécuritaire faute de dirigeants
charismatiques et visionnaires. La légitimité du pouvoir issu des élections s’érode
chaque jour et risque, si aucune action courageuse n’est entreprise, de partir
en éclats. Pourquoi le gouvernement provisoire ne tranche-t-il pas d’une
manière définitive avec cette bande de salafistes-jihadistes qui déstabilise,
chaque jour un peu plus, le pays et ses institutions républicaines ?
Pourquoi le gouvernement ne démissionne-t-il pas eu égard à son incapacité à gérer correctement et
efficacement le pays ? Pourquoi ce gouvernement confisque-t-il les libertés
arrachées (liberté d’expression et de
manifester) par le peuple ? Que cherche-t-il en bâillonnant les médias et
matraquant les paisibles journalistes, manifestants et manifestantes ?
A-t-il l’intention de supprimer la mémoire collective du peuple et de la
résistance contre le colonialisme pour imposer sa réécriture d’une l’Histoire
fabriquée afin de raser la République et imposer une autre forme de gouvernance
islamique ?
Pour évoquer
le général De Gaulle, ce dernier a su, la veille du débarquement en Normandie,
éviter à la France sa mise sous tutelle par les Alliés qui songeaient à établir
en France une administration militaire sous leurs ordres en attendant que les
Français puissent établir un nouveau régime. Le général De Gaulle a
su convaincre le Premier ministre britannique Winston Churchill que
depuis l’appel du 18 juin, il assurait, lui, la continuité de l’Etat. Un Général
visionnaire a évité à la France perte de temps et humiliation supplémentaire.
On doit retenir de cet épisode de l’Histoire de la France la
clairvoyance du Général de Gaulle et la justesse de la feuille de route choisie,
résumée dans cet extrait de son discours à Lille le 1er octobre 1940 :
«Nous voulons la mise en commun de tout ce que nous possédons sur cette terre
et, pour y réussir, il n'y a pas d'autres moyens que ce que l'on appelle
l'économie dirigée. Nous voulons que ce soit l'État qui conduise, au profit de
tous, l'effort économique de la nation tout entière et fasse en sorte que
devienne meilleure la vie de chaque Français et de chaque Française (...). Il
faut que la collectivité, c'est-à-dire l'État, prenne la direction des grandes
sources de la richesse commune et qu'il contrôle certaines des autres
activités, sans bien entendu exclure les grands leviers que sont, dans
l'activité des hommes, l'initiative et le juste profit». Voilà une feuille de
route qui ne pouvait nullement plaire aux américains, champions du capitalisme
et du libéralisme et pourtant soutiens essentiels de la France sous l’Occupation par l’Allemagne
hitlérienne. Le Général De Gaulle, Homme d’Etat, a eu le courage de sauver la
France en fonction de l’intérêt de celle-ci, prenant en considération les
exigences du moment en accord avec les patriotes et résistants de l’intérieur
du pays.
Exemple à méditer non dans la forme mais dans le fond. La
Tunisie va mal et les perspectives se rétrécissent voire s’éclipsent au profit
de l’anarchie et de la dictature. La Tunisie a besoin d’une vision et d’une
révision totale des choix socio-économiques hérités de la mafia Ben Ali. Elle
doit revenir aux fondamentaux privilégiant les services publics et une réelle
distribution des richesses pour plus de justice et d’efficacité et repenser la
vente de nos fleurons industriels et économiques cédés au capital étranger
et/ou à des sociétés-écrans. Comment comprendre et accepter qu’aucune des lois
votées sous Ben Ali par un Parlement acquis n’ait été remise en cause, surtout
celles octroyant des avantages illimités à la «cour» et aux
courtisans ? Pourtant la Révolution
est née de la volonté de supprimer ces privilèges auto-attribués.
Le Général Ammar est-il, encore, cette fois-ci, au
rendez-vous pour soutenir une nouvelle feuille de route citoyenne et
participative en phase avec les objectifs de la Révolution ? Lui qui aurait dit :
«Je vais bientôt siffler la fin de la récréation». Récréation signifiant pour
nous incompétence, amateurisme, gabegie, diversion, obscurantisme, absence
d’ouverture sur le futur, bref décomposition de la République au bénéfice du
chaos et de la dictature pour masquer ladite récréation ! Peu importe la
polémique surgie à partir de cette célèbre phrase ! Il conviendrait de
dire ou plutôt de proposer un autre cheminement pour sortir la Tunisie de
l’impasse et des risques d’implosion, de guerre civile, d’autant plus que
l’insécurité s’installe à nos frontières et nous encercle. Cette tâche est du
ressort des hommes exceptionnels. Le Général Rachid AMMAR, serait-il l’un
d’entre eux ? Tout laisse à le croire!
Mustapha STAMBOULI, républicain