Le projet de Loi de Finances 2026, qui est soumis au Parlement tunisien, présente un déficit record de 11 milliards de dinars, une situation qui risque d’aggraver une crise économique déjà profonde. Alors que le recours à la Banque Centrale pour financer cette déroute budgétaire semble offrir une solution temporaire, il comporte des risques de dévaluation du dinar et d’hyperinflation, mettant en péril la stabilité économique du pays. Cet article analyse les causes et les conséquences d’une politique budgétaire à court terme qui, si elle n’est pas réformée, pourrait mener à une implosion économique.
Introduction
L'approbation
de la Loi de Finances 2026, prévue pour le 10 décembre 2026, pourrait-elle
marquer un tournant fatal pour l'économie tunisienne ? Avec un déficit abyssal
de 11 milliards de dinars et un recours controversé à la Banque Centrale, la
situation semble plus que jamais périlleuse. Loin de résoudre la crise
structurelle, cette stratégie de court terme, dictée par l'urgence politique,
hypothèque gravement l'avenir du dinar tunisien et la stabilité financière du
pays, au risque de mener à une implosion économique.
1. Le
constat alarmant : un déficit record aux conséquences néfastes
Le projet de
loi de finances 2026, qui est déjà soumis au Parlement, pourrait autoriser
l'État à fonctionner avec un déficit monumental. Ce chiffre de 11 milliards de
dinars reflète l'incapacité structurelle du pays à équilibrer ses comptes sans
un recours massif à l'endettement. La méthode choisie pour financer ce déficit
est particulièrement risquée. Face à des négociations suspendues avec le FMI et
des difficultés à mobiliser des financements extérieurs, le gouvernement a opté
pour une solution de facilité : un prêt sans intérêt de la Banque Centrale de
Tunisie (BCT). Cette "monétisation" du déficit, équivalente à une
création monétaire, injecte des liquidités dans une économie déjà sous pression
inflationniste, préparant ainsi le terrain pour une dépréciation accélérée du
dinar tunisien.
Les chiffres
de l'endettement donnent le vertige : la dette publique totale devrait
atteindre 156,7 milliards de dinars fin 2026, soit plus de 83% du PIB. Cette
spirale de l'endettement réduit chaque jour un peu plus la souveraineté
économique de la Tunisie.
2. Le
"Titre 1" : le cœur du problème ignoré
Le nœud du
problème réside dans la gestion des dépenses publiques, et plus
particulièrement dans le "Titre 1" du budget, qui regroupe la masse
salariale de la fonction publique. Cette charge, jugée "inadmissible"
par de nombreux économistes, absorbe près de 40% des dépenses totales de
l'État.
Ce poids
colossal génère un "effet d'éviction" dévastateur : chaque dinar
dépensé en salaires ou en subventions généralisées (qui représentent 32% des
dépenses) est un dinar qui n'est pas investi dans des secteurs cruciaux tels
que les infrastructures, la santé, l'éducation ou le développement économique
(dépenses du Titre 2). La volonté de préserver la paix sociale à court terme,
face à la puissance de l'UGTT et la crainte de troubles sociaux, pousse le
gouvernement à temporiser sur les réformes structurelles. Cependant, ce choix
de ne pas toucher au statu quo salarial se paie au prix fort : il est la
principale raison du blocage des négociations avec le FMI et de la dégradation
continue des fondamentaux économiques.
3. Les
risques d'implosion : le dinar tunisien en péril
L'entêtement
dans cette politique n'est pas sans conséquence. Le risque d'une
"implosion" du dinar tunisien est réel et imminent.
- L'inflation galopante : L'injection des 11 milliards
de la BCT dans le circuit économique, sans contreparties productives,
alimente directement l'inflation, érodant le pouvoir d'achat des ménages
et la valeur intrinsèque du dinar. Le gouvernement prévoit une inflation
de 5,3% en 2026, mais ce chiffre semble excessivement optimiste, compte
tenu des dynamiques actuelles du marché.
- La fuite des capitaux : Le manque de confiance des
investisseurs nationaux et étrangers, combiné à l'incertitude économique,
entraîne une fuite des capitaux, mettant sous pression les réserves de
change déjà fragiles de la BCT.
- La dévaluation forcée : Face à la détérioration de la
balance commerciale et le besoin urgent de devises étrangères pour payer
les importations, la BCT pourrait être contrainte de dévaluer brutalement
le dinar, ce qui aggraverait la pauvreté et renchérirait le coût de la vie
pour les Tunisiens.
4. Mise
en demeure et appel à l'action
Cet article
se veut une mise en demeure solennelle adressée aux autorités tunisiennes. La
politique budgétaire actuelle n'est pas seulement risquée, elle est
"suicidaire". Elle sacrifie la viabilité économique à long terme sur
l'autel de la survie politique immédiate.
L'État doit
agir maintenant, avant qu'il ne soit trop tard :
- Maîtriser le Titre 1 : Une réforme courageuse de la
masse salariale est indispensable, via des départs volontaires, une
meilleure gestion des effectifs et un gel des recrutements non essentiels.
Il en va de la soutenabilité de notre système économique.
- Cibler les subventions : Les aides doivent être
réorientées vers les plus démunis, et non bénéficier à tous, réduisant
ainsi le gaspillage budgétaire et permettant un financement plus ciblé des
politiques sociales.
- Restaurer la confiance : Un signal fort vers les
partenaires internationaux est nécessaire, en renouant le dialogue avec le
FMI sur la base d'un plan de réforme crédible. Le gouvernement doit
prouver qu'il est capable de mettre en place une politique économique
réaliste et durable.
Le temps de
l'atermoiement est révolu. La Tunisie est à la croisée des chemins. Ne pas
prendre de mesures courageuses aujourd'hui, c'est accepter le risque d'un
effondrement financier et social demain. Il est temps de choisir la voie de la
réforme avant que le coût de l'inaction ne devienne insupportable pour notre
peuple.
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