«Si tout Etat de droit n’est pas
nécessairement une démocratie, toute démocratie doit être un Etat de droit!»
Nous apprenons par une dépêche que
le président du comité constitutif du Mouvement Ennahdha, Fathy Ayedi, a
déclaré le lundi 18 juin 2012 que son parti compte
proposer à la Constituante un projet de loi interdisant les ex-RCDistes
d’exercer la politique. D’après, ce nahdaoui, ce projet a pour objectif de
protéger la révolution et vise essentiellement les personnes ayant exercé au
sein du RCD et/ou occupé des postes ministériels …
Nous rappelons à cet apprenti de la
politique que l’Etat de droit est un principe élémentaire de base, que le
Président de la République provisoire, le Gouvernement Jbali et la
Constituante doivent respecter, sans
aucune entorse, au risque de perdre leur "légitimité". Rien ne
justifie une justice parallèle, soi-disant de transition, pour régler des
comptes obscurs et préparer le terrain d’une nouvelle dictature. Eliminer des
concurrents politiques incarne un acte, pensons-nous, représentatif
de "l’ère nouvelle" inaugurée par le général Ben Ali, ignoble et
indigne. Le peuple tunisien se rappelle toujours le "nettoyage" opéré
par le putschiste en chef du 7 novembre 1987 de son appareil RCDiste quand il
décida d’éliminer tous les authentiques militants et intellectuels du Parti
Socialiste Destourien pour installer des beni-oui-oui à tous les niveaux des
rouages du RCD, des institutions de l’Etat et même au sein des associations
culturelles et sportives.
Les punitions collectives sont
interdites par le droit international, un non-sens républicain et un déni de
droit, elles constituent un recul sans
précédent, à la fois du point de vue de la justice et de la morale. Le principe
d’individualisation de la punition ou de la sanction doit être respecté et
seules les personnes ayant commis des infractions punissables par la loi
doivent comparaître devant la justice,
unique institution habilitée à juger et sanctionner les délinquants. Seuls les
délits clairement définis par la loi sont passibles d’inéligibilité suite à la
prononciation du jugement par une cour de justice.
Arrêtons les frais de cette
démagogie-aveuglement qui ne peut que participer à la fragilisation du pays et
de son unité nationale. Bourguiba, le visionnaire, à l’aube de l’indépendance
du pays, a refusé de procéder aux purges des «collabos» ayant rendu des
services à la puissance coloniale, bien au contraire, il a su les intégrer,
même à l’intérieur de son parti. Il n’a pas établi une liste de la «honte».
Attitude à méditer. Le pays a déjà suffisamment d’ennemis réels à l’intérieur
comme à l’extérieur.
Les tunisiens du Sahel ne peuvent
accepter cette décision arbitraire et contraire à toute logique. Vouloir et
persister à exclure les hommes politiques de cette région c’est marginaliser
politiquement et économiquement la région la plus dynamique du pays, ce qui est
inacceptable. Une décision dangereuse pour l’Unité Nationale dont les
conséquences sont imprévisibles ! Les sahéliens refusent de devenir les
Aborigènes d’Australie et le feront savoir !
Ne nous étonnons pas si ces
personnes exclus de la vie politique recourent à la compétence du Comité
des droits de l’Homme, en application du Protocole facultatif au Pacte
international sur les droits civiques et politiques pour obtenir réparation,
conformément à son l’article 25 alinéa (b) d’autant plus que la Tunisie l’a bien
adopté.
Il est fort dommage que nos
constituants, au lieu de se mettre sérieusement au travail pour élaborer un
texte de la Constitution, principale mission de la Constituante, passent leur
temps à trouver des combines pour prolonger leur mission, augmenter leurs
indemnités, émoluments, Indemnités, facilites, et tant d’autres avantages et
écarter leurs adversaires. Aucun texte juridique n’autorise cette assemblée à mépriser les droits fondamentaux
des citoyens ou à pratiquer l’apartheid politique et exclure une frange
importante des citoyens honnêtes d’exercer des fonctions ou des mandats
politiques. Je rappelle à cette assemblée que sa mission se terminera le 23
octobre prochain en application du décret-loi ayant appelé aux élections de la
Constituante. Notre grand souhait est que cette Constitution promise soit
ratifiée par référendum constituant avant cette date butoir pour éviter à notre
pays un saut dans l’inconnu !
Mustapha
STAMBOULI