Dans un monde où la quête du profit a transformé le sport en une machine à spectacle, il est impératif de revenir à l’essence même de ce qui fait sa noblesse : l’effort, l’honnêteté et la solidarité. Le sport, autrefois vecteur de cohésion sociale et de fierté locale, se trouve aujourd’hui phagocyté par les logiques financières et les intérêts mondialisés. Face à cette dérive, il est crucial de réaffirmer l’importance du sport amateur, porteur de valeurs éducatives et humaines, et de repenser le modèle économique du secteur pour préserver son intégrité. Cet article invite à une réflexion profonde sur la nécessité d’un retour à des pratiques sportives fondées sur l’honneur et l’identité locale, loin des dérives d’un système commercial qui ne fait plus sens.
Introduction
Le spectacle
sportif moderne nous offre des prouesses athlétiques indéniables, mais à quel
prix ? Le secteur du sport professionnel a subi une mutation radicale,
s'éloignant inexorablement de ses fondements éthiques pour embrasser une
logique purement commerciale et mondialisée. Autrefois, nos clubs incarnaient
fièrement l'âme de nos villes et de nos régions. Aujourd'hui, cette noblesse a
cédé la place à l'odeur âcre de l'argent facile et des arrangements douteux.
Les
dérives d'un système commercial
Le
professionnalisme, initialement justifiable pour récompenser justement l'effort
et le talent, est devenu une machine à cash dénuée de sens. Les sommes
colossales versées aux joueurs sont indécentes et trahissent l'esprit
d'engagement et de fair-play qui devrait primer. Pire, ce système nourrit un
terreau fertile pour les magouilles et la corruption. Les rapports et les
affaires éclatent régulièrement, mettant en lumière des problèmes de
blanchiment d'argent, de manipulation de compétitions et de gestion opaque. Ces
dérives éthiques menacent l'intégrité même du sport, qui perd sa capacité à
être une force positive et éducative, en particulier pour les jeunes
générations qui y voient un modèle de réussite basé sur l'opulence plutôt que
sur l'effort.
Les
dirigeants des clubs, animés par une quête effrénée de résultats immédiats et
de profits, participent à cette mascarade, négociant des avantages financiers
considérables sans se soucier de l'enracinement local ou de la formation des
talents.
Le sport
amateur : une école de la vie
Face à ce
constat désolant, il est légitime de se tourner vers l’idéal du sport amateur.
Ce dernier incarne encore des valeurs d’effort collectif, d’humilité et de
dépassement de soi. Là où le sport professionnel a perdu son âme, le sport
amateur conserve, malgré toutes les difficultés, l’esprit de passion et de
solidarité. Dans un monde où l’individualisme et la quête du succès à tout prix
dominent, le sport amateur est un refuge où les jeunes peuvent apprendre la
discipline, la fraternité et le respect des règles.
Les clubs
amateurs sont les derniers bastions où l’on ne joue pas pour l’argent, mais
pour l’honneur, la fierté de représenter sa communauté. Dans ces structures,
l’objectif n’est pas simplement de gagner, mais de participer, de se dépasser
et de construire des liens sociaux forts. Le sport devient alors un terrain
d’apprentissage unique, loin des logiques commerciales, pour des jeunes qui
aspirent à réussir par leur engagement et non par leur chance ou leur fortune.
La nécessité d'un modèle économique
durable et local
Une approche
militante du sport amateur pourrait insister sur la nécessité de réinventer un
modèle économique basé sur l’implication locale plutôt que sur la surenchère
financière. Cela passe par la valorisation des sponsors locaux et des
partenariats avec des entreprises de la région, en réaffirmant l’importance de
l’enracinement territorial et du soutien aux clubs qui œuvrent dans leurs
communautés. Ce modèle permettrait de lutter contre la spéculation et la
concentration des ressources dans quelques clubs d’élite. Il en résulterait un
sport plus solidaire, plus accessible, qui favorise le développement local
plutôt que les profits des grandes multinationales.
Le sport comme réponse aux dérives
sociétales
Le sport,
dans sa forme la plus pure, est également un puissant vecteur de transformation
sociale. Il offre aux jeunes des alternatives saines et les invite à dépasser
les inégalités sociales, tout en leur offrant des opportunités de réussite
fondées sur l’effort, l’engagement et la persévérance. À l’heure où les
inégalités économiques et sociales se creusent, il devient urgent de réinvestir
le sport amateur comme une solution à ces dérives.
C’est dans
ces clubs que se forgent les futurs leaders, non seulement sur le terrain, mais
aussi dans leur capacité à s’engager pour des causes collectives. En
réinvestissant le sport amateur, nous pouvons créer des espaces où l’on apprend
à vivre ensemble, où l’on forge un véritable esprit de communauté, loin des
dérives capitalistes.
La nostalgie des valeurs perdues et
l’appel à la régulation
Face à cette
dérive du sport moderne, beaucoup d’anciens supporters et passionnés aspirent à
retrouver « le beau vieux temps », celui où l’on jouait par passion, pour
l’honneur du maillot et la fierté de représenter sa région. Le sport amateur,
tel que défendu par Pierre de Coubertin lors de la renaissance des Jeux
Olympiques, prônait un acte désintéressé, fondé sur un principe éducatif fort.
C’est cette essence que les vrais amateurs regrettent aujourd’hui.
Il est
urgent de réfléchir collectivement à une meilleure régulation pour préserver
l’essence du sport qui nous fait vibrer. Pour cela, il est essentiel d’adopter
des mesures qui encouragent l’amateurisme tout en offrant un cadre équitable et
sain :
- Encadrer la masse salariale et
les indemnités de transfert pour mettre fin à la spéculation et aux
inégalités criantes.
- Valoriser la formation
locale et encourager les clubs à s’appuyer sur des joueurs issus de
leur bassin de vie, renforçant ainsi le lien social et l’identité
communautaire.
- Renforcer la transparence
financière et la gouvernance des instances sportives pour lutter
efficacement contre la corruption et les arrangements douteux.
Conclusion : un sport pour tous, pas
pour quelques-uns
Le sport est
un patrimoine collectif, pas un simple outil financier au service de
quelques-uns. C’est en revenant à des valeurs simples d’engagement, de
fair-play et d’identité locale que nous pourrons redonner au sport toute sa
noblesse et sa raison d’être. Le sport doit retrouver son rôle de vecteur
d’inclusion, de cohésion sociale et d’identité locale. Il ne peut se contenter
d’être un simple produit de divertissement mondialisé, régi par les lois du
marché et du profit.
L’honorabilité
du sport doit reprendre le pas sur l’argent. C’est en réaffirmant l’importance
de l’éthique, du respect des valeurs humaines et de l’enracinement local que
nous pourrons redonner à notre sport la place qu’il mérite dans nos sociétés :
celle d’un véritable vecteur de transformation sociale et d’émancipation
collective.
Mustapha STAMBOULI, Ingénieur ENIT/EPFL à la retraite et ancien Expert auprès des
agences des Nations Unies

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