C’est avec une immense tristesse que nous apprenons le décès de Fadhel Jaziri, réalisateur, metteur en scène et figure emblématique de la scène culturelle tunisienne, survenu le 11 août 2025 après une longue lutte contre la maladie.
Fadhel Jaziri a marqué l’histoire
artistique de la Tunisie par son audace et sa créativité sans frontières.
Visionnaire, il a su repousser les limites de l’expression culturelle, offrant
au public des œuvres qui résonnent encore aujourd’hui. Sa filmographie et sa
scène se répondent comme les pages d’un même livre, où chaque pièce ou chaque
image porte la signature d’un artiste intime avec le langage universel du
théâtre et du cinéma. Parmi ses réalisations majeures, son travail sur “Au
Violon” demeure une référence, tout autant que ses séries scéniques comme “Les
Voix de l’Aube” et “Le Silence des Miroirs”, qui ont été portées par des
interprètes d’exception et saluées par la critique pour leur densité poétique
et leur pudeur politique.
Face à la disparition, les hommages
se multiplient, et l’on mesure à quel point Fadhel Jaziri a fait dialoguer les
arts entre eux et avec le monde. Sa maîtrise du dispositif scénique rappelle,
dans une certaine mesure, les recherches d’August Strindberg sur l’individu et
le temps, tout en résonnant avec l’exigence d’un Bertolt Brecht qui place le
spectateur en posture critique. Sur le plan cinématographique, ses choix
esthétiques évoquent, par l’attention portée à la lumière et au son, les
procédés d’André Bazin et d’Ingmar Bergman, tout en restant profondément ancrés
dans le contexte tunisien et maghrébin. Sa démarche s’inscrit ainsi dans une
lignée qui parle autant au corps qu’à l’esprit, et qui fait de chaque
représentation un étrange et lumineux voyage.
Par son ouverture au dialogue
interculturel, Fadhel Jaziri rejoint les grands noms du cinéma et du théâtre
qui, à travers le monde, ont contribué à bâtir une scène universelle sans
renier leurs racines. De la dignité du théâtre grec antique et des visions de
Sophocle, qui mettent en jeu le destin collectif et les dilemmes éthiques, à
l’éclat des scènes du théâtre élisabéthain où le langage dramatique est
politique et vivifiant, son œuvre dialogue avec ces archives vivantes du
théâtre mondial. Au-delà des frontières, il a su convoquer les grandes figures
de la scène contemporaine : Akira Kurosawa et son sens du montage émotionnel,
Peter Brook pour sa recherche des espaces de performance qui franchissent les
obstacles culturels, et Ariane Mnouchkine pour sa dramaturgie collective et
profondément humaine. Chacun de ses projets portait une empreinte d’exploration
et un souffle d’ouverture qui résonnent dans les théâtres et les salles de
cinéma du monde entier.
Sa disparition représente une perte
inestimable pour la Tunisie et pour la communauté artistique internationale.
Fadhel Jaziri rejoint désormais les grands noms du cinéma et du théâtre,
laissant derrière lui un héritage qui continuera d’inspirer les générations à venir
: l’audace de rêver autrement, l’exigence du langage, et la foi dans le pouvoir
des images et des voix pour transformer le réel.
Les œuvres qu’il a laissées — “Au
Violon”, “Les Voix de l’Aube”, “Le Silence des Miroirs”, et d’autres projets
inachevés et initiatiques — peuvent être lue comme un carnet de voyage où
chaque scène invite le spectateur à revisiter ses certitudes et à intégrer la
complexité du monde. Ses choix artistiques ont toujours privilégié la dignité
humaine, la justice sociale et le droit à la parole pour ceux qui en sont
dépourvus, faisant de son art un acte éthique autant qu’esthétique.
Nos pensées accompagnent sa famille,
ses proches et tous ceux qui ont été touchés par son travail et son humanité.
Repose en paix, Fadhel.
Mustapha STAMBOULI, 12/08/2025
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