Dans
sa nouvelle méthodologie d’évaluation des risques des systèmes bancaires des pays, l’Agence S&P
a procédé à un lifting de sa veille méthode. Elle assure maintenant une interconnexion accrue entre les notes
souveraines et bancaires. Pour cela, elle intègre dans son évaluation trois
composantes essentielles :
(1)risques globaux du système bancaire et de l’économie du pays avec
ses deux paramètres économico-financiers et industriels (BICRA),
(2) Facteurs spécifiques à la banque (Profil de l’activité, Capital et rentabilité, Profil de risque, Financement et liquidité),
(3)Soutien externe (gouvernemental, ou du groupe.
(2) Facteurs spécifiques à la banque (Profil de l’activité, Capital et rentabilité, Profil de risque, Financement et liquidité),
(3)Soutien externe (gouvernemental, ou du groupe.
Ainsi,
la nouvelle démarche d’évaluation adoptée par S&P s’apprête de plus en plus
à une approche systémique où les performances économiques et la gouvernance d’un
pays influencent considérablement la décision du classement du système
bancaire. Les pays qui veulent avoir un système de financement viable doivent
balayer les mauvais gouvernants et les remplacer par des compétences confirmées.
L’Italie, l’Espagne et la Grèce ont bien
compris le message en congédiant les gouvernements incapables. La Tunisie
prendra- t- elle le chemin de l’Italie pour
stabiliser le pays, l’économie et son système bancaire ? Nous le saurons
dans quelques semaines : l’échéance du 23 octobre 2012 sera cruciale et déterminera
l’avenir du pays.
L’évaluation « Bicra » (Banking Industry Country Risk Assessment)
compare les différents systèmes bancaires mondiaux en notant les institutions
financières des pays. Bicra attribue ainsi des scores aux systèmes bancaires
sur une échelle de 1 à 10 : le groupe 1 comprenant les secteurs bancaires
les moins risqués et le groupe 10 englobant les plus risqués.
La
Tunisie fait ainsi partie du groupe 8, incluant également le Liban,
l’Argentine, le Kazakhstan, la Lettonie, le Nigeria et l’Uruguay. Standard &
Poors (S&P) a procédé, en effet, le
24 septembre 2012, à la mise à jour de la notation du risque du secteur
bancaire tunisien en lui affectant une note BB/stable/B, ce qui l’autorise à le classer
dans le groupe «BICRA 8». Ainsi la Tunisie rejoint les pays à risque très
élevé. Seuls 7 pays ont fait pire (Grèce, Vietnam, Belarus, Cambodge,
Azerbaïdjan, Belarus, Ouzbékistan).
S&P
a indiqué dans son rapport justificatif que le score attribué à la Tunisie
concernant les risques économiques reflétait la dégradation de notre économique
et de ses perspectives. La Tunisie est
ainsi passée de « risque très élevé » à
risque « extrêmement élevé », tout en maintenant une évaluation
à « haut risque » en termes de déséquilibre économique.
Ainsi la composante économique de Bicra est passée de 7 à 8. Pour en arriver
là, S&P a certainement intégré dans son système d’évaluation une baisse
sensible des prévisions de croissance à moyen terme d’ici à 2014-2016.
L’agence
S&P dispose-telle d’informations confidentielles sur d’éventuelles
dégradation de la situation sécuritaire dans le pays et dans la région (Libye,
Algérie ou carrément l’effondrement de l’économie européenne) ? S&P est-elle inquiète sur le devenir politique du pays.
Doute-elle de l’efficacité de la présente transition et surtout de la
suite post 23 octobre prochain ? Les déficits exceptionnels des balances
extérieures et la montée en puissance de la dette extérieure à partir de 2013 ont
fragilisé la position du pays, surtout
avec perspective peu optimiste en matière de recettes touristiques. Tous ces
facteurs réunis ont convaincu l’agence de rétrograder la Tunisie de la zone 7 à
la zone 8.
Pour
le facteur de risque industriel, S&P juge le risque d’« extrêmement élevé »
et positionne carrément la Tunisie dans la zone 8. Ceci est motivé par des raisons
institutionnelles et de dégradation de la compétitivité du secteur.
La
mauvaise gouvernance du système bancaire, l’absence de restructuration des
banques et la question non résolue des dettes douteuses inquiètent sérieusement
l’agence et place la Tunisie pour ce facteur institutionnel dans la zone 8,
encore « risque extrêmement élevé ».
S&P reproche aux banques tunisiennes leur prise de risque exagéré. La
concurrence rude dans le secteur et les faibles marges bancaires poussent les
banques à des tels comportements. L’agence n’a relevé aucune tentative du
pouvoir public pour reformer sérieusement le secteur ou redynamiser son système
de financement.
Le
limogeage de l’ancien gouverneur de la banque centrale et la démission du
ministre des finances ainsi du
conseiller économique du président provisoire ont fourni à S&P la certitude que le pays
est mal gouverné. A cela, il faut ajouter le désordre sécuritaire régnant dans
le pays, laissant les jihadistes imposer
leur loi à Sejnène, dans les rues, dans les facultés et dans les mosquées. Le
comble est arrivé le 14 septembre dernier avec l’assaut par des
salafistes-jihadites de l’ambassade des
Etats Unis et l’école américaine à Tunis. Le bilan était lourd : quatre morts et 500 blessés côté
agresseurs, une centaine de véhicules ont été brûlés, pillage
systématique de l’Ecole américaine. La police nationale a eu son lot de blessés
estimé à 91 policiers.
Pourquoi
nos banques sont-elles arrivées à une
situation aussi délicate ? Tout n’est pas à mettre sur le dos du
régime de Ben Ali. Si ce dernier n’a rien fait pour reformer le système
bancaire, c’est parce que cette reforme n’était pas aussi urgente eu égard des
performances économiques du pays avec une croissance insolente du PIB et des
déficits gérables aussi bien pour les balances extérieures que pour les
finances publiques. Le départ de Ben Ali a provoqué un relâchement total induisant
une désorganisation totale du pays sur tous les plans (politique, économique et
sécuritaire).
La transition post 23 octobre 2011 a échoué sur tous les plans. Il faudra un sursaut national pour sauver la Tunisie. Sommes-nous capables d’imaginer une solution consensuelle pour mettre en place une dernière transition afin de créer des emplois, réduire la pauvreté et surtout stabiliser le pays au niveau sécuritaire en chassant définitivement la mafia de Ben Ali et les enfants du gourou ?
La transition post 23 octobre 2011 a échoué sur tous les plans. Il faudra un sursaut national pour sauver la Tunisie. Sommes-nous capables d’imaginer une solution consensuelle pour mettre en place une dernière transition afin de créer des emplois, réduire la pauvreté et surtout stabiliser le pays au niveau sécuritaire en chassant définitivement la mafia de Ben Ali et les enfants du gourou ?
Mustapha
STAMBOULI