Sommes-nous condamnés à subir un modèle d’organisation
administrative et économique critiqué de tous bords et rejeté aussi bien par les
régions de l’Intérieur que par les régions du Littoral ? Le pouvoir
central est accusé, à juste titre, de dépenser l’essentiel des fonds publics pour
des projets concernant la région-capitale
dans le but de résoudre les problèmes de
surpopulation et de transport. Il est temps de mettre à plat toutes les
questions d’organisation et d’aménagement du territoire. Investir sans avoir
une vision claire revient à gaspiller l’argent du peuple.
Pour redonner du sens à la vie en commun, il faudrait mettre
en place une gouvernance républicaine basée sur l'implication du peuple dans la
prise de décision. Ce processus pourrait être organisé selon de nouveaux modes
de pouvoir, de nouvelles pistes de représentativité et d'outils de
démocratie directe et participative avec un pouvoir local très engagé
dans la citoyenneté et le développement en sus de ses prérogatives en matière
de gestion de la Cité. Ce mode de gouvernance pourra, à terme,
réinstaurer la confiance entre le citoyen et les représentants politiques
et conforter son adhésion aux institutions républicaines.
L’abandon du centralisme au profit du fédéralisme et de la décentralisation
locale peut constituer une piste de réflexion pour une meilleure gouvernance et
davantage d’équité. Deux (Est, Ouest) , trois (Nord, Centre, Sud) , six (Nord Est, Centre Est, Sud Est, Nord Ouest, Centre Ouest, Sud Ouest) entités autonomes peuvent former
la Fédération tunisienne. Le choix d'une des variantes pourrait se décider suite à une conférence nationale sur le fédéralisme et la décentralisation locale intégrale.
Que signifie le fédéralisme décentralisateur sinon le transfert de compétences de l'État central à
des institutions distinctes et indépendantes ? Cependant l’Etat unitaire
garde des prorogatives fortes en matière de défense, politique étrangère, planification
stratégique, politique monétaire et législation fédérale. Les politiques de
développement doivent être intégralement déplacées vers les régions et les
communes de même que les ressources.
Dans une optique fédératrice, l’Etat central doit réviser sa
planification nationale pour être moins prescriptif, plus incitateur et
régulateur. Pour exercer pleinement ses fonctions stratégiques, l’Etat devrait adopter
des politiques de contrats-programmes dans ses relations avec les régions
autonomes et les communes.
Le transfert, le plus rapidement possible de la Capitale vers le Centre du pays, constituerait un acte-phare. Ce Centre, une fois acquis des potentialités économiques importantes et un système d’infrastructures stratégiques performant, serait en mesure d’entrainer les régions de l’intérieur (Kasserine, Sidi Bouzid) dans une dynamique et un processus de développement effectif.
Le second acte fort de la décentralisation consiste à
confier aux régions l’arsenal de
l’apprentissage et de la formation professionnelle. Les régions sont les mieux placées
pour comprendre et analyser la problématique de l’emploi et de la formation en
fonction des besoins des entreprises implantées ou non dans leur zone.
La mise en place progressive d’une fiscalité afin d’assurer l’autonomie financière aux régions autonomes et aux communes constitue la condition nécessaire pour leur assurer une autonomie effective et viable.
Sur le plan institutionnel, les instances régionales doivent
être élues au suffrage universel. Le gouverneur, première autorité de la région
devra être élu directement par les citoyens pour être accepté et non contesté...
Les scènes de ces dernières mois réclamant le «dégagement» de gouverneurs parachutés
d’en haut illustrent le refus du centralisme bureaucratique et partisan.
Un Conseil économique, social, environnemental regroupant
les compétences régionales en matière de développement (CESER) doit être créé afin de remplir une mission de consultation auprès des instances
politiques de la région. La saisie pour avis du CESER est obligatoire, avant
examen par le conseil régional des documents relatifs :
- au projet de budget de la région et de son bilan annuel d’exécution;
- aux schémas régionaux d’aménagement et de développement du territoire.
Notre système politique et territorial malade
nécessite une intervention chirurgicale d’urgence. Faute de choix clairs et
courageux, l’autorité de l’Etat s’érode chaque jour un peu plus. Refuser ou
reporter cette décision de décentralisation intégrale signifie négligence et
trahison envers la République et l’Unité
Nationale.
Avons-nous le choix de différer la réorganisation du
territoire tunisien sur la base du principe de subsidiarité impliquant les
citoyens et citoyennes directement ou indirectement dans la gestion territoriale
pour assurer le bien-être de tous et de toutes ?
2 ou 3 ou à la rigueur 6 cantons autonomes mais l’essentiel est de s'engager dans la voie du fédéralisme et de la décentralisation locale car un Etat
central est source de distorsions multiples. La Constitution promise devra
prévoir une organisation territoriale. Sans cette réforme courageuse, la
Tunisie aurait de sérieux problèmes car la gouvernance centralisée à partir de
la Capitale est rejetée par les populations des régions et des communes.
Vouloir persister dans cette direction, c’est ramer à contre courant et bloquer
in fine le développement du pays et son efficacité économique. Aucun
gouvernement ne pourra imposer des choix préfabriqués et partisans à moins de
réinstaller une nouvelle dictature. Hypothèse impossible après le 14 janvier
2011. Le peuple n’acceptera plus sa mise sous tutelle quelque soit le motif.
L’Etat central est remis en cause et contesté dans ses décisions de
planification, de programmation et d’arbitrage.
Mustapha STAMBOULI