23 octobre 2012

Le Fédéralisme intégral 2-3-6 : une option inévitable ?


Sommes-nous condamnés à subir un modèle d’organisation administrative et économique critiqué de tous bords et rejeté aussi bien par les régions de l’Intérieur que par les régions du Littoral ? Le pouvoir central est accusé, à juste titre, de dépenser l’essentiel des fonds publics pour  des projets concernant la région-capitale dans le but  de résoudre les problèmes de surpopulation et de transport. Il est temps de mettre à plat toutes les questions d’organisation et d’aménagement du territoire. Investir sans avoir une vision claire revient à gaspiller l’argent du peuple.


Pour redonner du sens à la vie en commun, il faudrait mettre en place une gouvernance républicaine basée sur l'implication du peuple dans la prise de décision. Ce processus pourrait être organisé selon de nouveaux modes de pouvoir, de nouvelles pistes de représentativité et d'outils de  démocratie directe  et participative avec un pouvoir local très engagé dans la citoyenneté et le développement en sus de ses prérogatives en matière de gestion de la Cité. Ce mode de gouvernance pourra, à terme, réinstaurer  la confiance entre le citoyen et les représentants politiques et conforter son adhésion aux institutions républicaines.

L’abandon du centralisme au profit du fédéralisme et de la décentralisation locale peut constituer une piste de réflexion pour une meilleure gouvernance et davantage d’équité. Deux (Est, Ouest) , trois (Nord, Centre, Sud) , six (Nord Est, Centre Est, Sud Est, Nord Ouest, Centre Ouest, Sud Ouest)  entités autonomes  peuvent former la Fédération tunisienne. Le choix d'une des variantes pourrait se décider suite à une conférence nationale sur le fédéralisme et la décentralisation locale intégrale. 

Que signifie le fédéralisme décentralisateur sinon  le  transfert de compétences de l'État central à des institutions distinctes et indépendantes ? Cependant l’Etat unitaire garde des prorogatives fortes en matière de défense, politique étrangère, planification stratégique, politique monétaire et législation fédérale. Les politiques de développement doivent être intégralement déplacées vers les régions et les communes de même que les ressources.

Dans une optique fédératrice, l’Etat central doit réviser sa planification nationale pour être moins prescriptif, plus incitateur et régulateur. Pour exercer pleinement ses fonctions stratégiques, l’Etat devrait adopter des politiques de contrats-programmes dans ses relations avec les régions autonomes et les communes.  

Le transfert, le plus rapidement possible de la Capitale vers le Centre du pays, constituerait un acte-phare. Ce Centre, une fois acquis des potentialités économiques importantes et un système d’infrastructures stratégiques performant, serait en mesure d’entrainer les régions de l’intérieur (Kasserine, Sidi Bouzid) dans une dynamique et un processus de développement effectif.

Le second acte fort de la décentralisation consiste à confier aux régions l’arsenal  de l’apprentissage et de la formation professionnelle. Les régions sont les mieux placées pour comprendre et analyser la problématique de l’emploi et de la formation en fonction des besoins des entreprises implantées ou non dans leur zone.

La mise en place progressive d’une fiscalité afin d’assurer l’autonomie financière aux  régions autonomes  et aux communes constitue   la condition nécessaire pour leur assurer une autonomie effective et viable.

Sur le plan institutionnel, les instances régionales doivent être élues au suffrage universel. Le gouverneur, première autorité de la région devra être élu directement par les citoyens pour être accepté et non contesté... Les scènes de ces dernières mois réclamant le «dégagement» de gouverneurs parachutés d’en haut illustrent le refus du centralisme bureaucratique et partisan.

Un Conseil économique, social, environnemental regroupant les compétences régionales en matière de développement (CESER) doit être créé afin de remplir une mission de consultation auprès des instances politiques de la région. La saisie pour avis du CESER est obligatoire, avant examen par le conseil régional des documents relatifs :

  • au projet de budget de la région et de son bilan annuel d’exécution;
  • aux schémas régionaux d’aménagement et de développement du territoire.

Notre système politique et territorial malade nécessite une intervention chirurgicale d’urgence. Faute de choix clairs et courageux, l’autorité de l’Etat s’érode chaque jour un peu plus. Refuser ou reporter cette décision de décentralisation intégrale signifie négligence et trahison envers la République  et l’Unité Nationale.

Avons-nous le choix de différer la réorganisation du territoire tunisien sur la base du principe de subsidiarité impliquant les citoyens et citoyennes directement ou indirectement dans la gestion territoriale pour assurer le bien-être de tous et de toutes ?


2 ou 3 ou à la rigueur 6 cantons autonomes mais l’essentiel est de s'engager dans la voie du fédéralisme et de la décentralisation locale car un Etat central est source de distorsions multiples. La Constitution promise devra prévoir une organisation territoriale. Sans cette réforme courageuse, la Tunisie aurait de sérieux problèmes car la gouvernance centralisée à partir de la Capitale est rejetée par les populations des régions et des communes. Vouloir persister dans cette direction, c’est ramer à contre courant et bloquer in fine le développement du pays et son efficacité économique. Aucun gouvernement ne pourra imposer des choix préfabriqués et partisans à moins de réinstaller une nouvelle dictature. Hypothèse impossible après le 14 janvier 2011. Le peuple n’acceptera plus sa mise sous tutelle quelque soit le motif. L’Etat central est remis en cause et contesté dans ses décisions de planification, de programmation et d’arbitrage. 

Mustapha STAMBOULI