«La Nation n'y trouve pas son
compte. Les travailleurs et travailleuses non plus»
L’accord tripartite Gouvernement-UTICA-UGTT concernant le
contrat social a été signé ce lundi 14 janvier au siège de l'Assemblée
nationale constituante (ANC) au Bardo. Ce document comporte cinq principaux
axes, à savoir :"la croissance économique et le développement
régional", "les politiques de l'emploi et de la formation professionnelle",
"les relations professionnelles et le travail décent", "la
protection".
Les tunisiens et tunisiennes se demandent pourquoi le
gouvernement a exclu du contrat social les autres partenaires sociaux comme
l’UTT, la centrale agricole (ETAP),
la Confédération Générale Tunisienne du Travail (la CGTT) et l’Association professionnelle des banques
(l’APTBEF) et tant d’autres.
Comment l’UGTT s’autorise-t-elle à signer un tel accord sans
connaitre la stratégie du gouvernement en matière de développement ? Cet
accord est anachronique eu égard à la détérioration de l’économie tunisienne et
des agrégats macroéconomiques du pays. Ce document ne peut être au plus qu’un
préambule à un vrai Contrat Social. Que des généralités et des intentions avec
un agenda flou de discussions sur des problèmes cruciaux comme la réforme des
caisses de retraites (CNRPS, CNSS). Un document muet sur des questions
essentielles comme la répartition des revenus de l’effort national, la lutte
contre le chômage ou la pauvreté. Comment la masse laborieuse pourrait-elles
accepter des gels de salaire avec une inflation régnante de plus de 5,5% par
an. Tout laisse croire que ce document a été signé pour faire probablement
plaisir au patron du Bureau international du travail (BIT) en visite en Tunisie
couronnant plusieurs mois d’appui technique de l’organisation à la Tunisie.
Comment le BIT accepte-t-il la mise à l’écart de plusieurs partenaires sociaux
dans ce processus de dialogue social ? Le BIT serait-il sous
influence ? Ismail Sahbani, secrétaire général de l’UTT, n’a-t-il
pas vivement dénoncé ce « contrat social ? Pour ce
dernier, ce pacte social serait même un pas en arrière, une grave atteinte à la
démocratie et au pluralisme syndical.
Les salariés vont-ils obtenir une place dans les vrais
organes de décision des entreprises ? Les salariés auront-ils des droits institutionnels à la formation et à une
meilleure protection sociale ? La
masse laborieuse a-t-elle le droit de remettre en cause un code de travail
benaliste faisant des employés des esclaves des patrons ? Les patrons des
entreprises vont-ils partager des
informations stratégiques avec les représentants des salariés ? A ces
seules conditions, les employés peuvent accepter un contrat social
contraignant.
Jbali comme Abassi savent-ils que le contrat social, au sens
de Rousseau, établit des règles limitant les libertés au profit du vivre
ensemble. Rousseau s'inspira en partie des idées de Montesquieu et des théories
de Hobbes et Locke. Le Contrat Social est essentiel dans l'histoire des idées
politiques : les révolutionnaires, comme Robespierre ou Saint-Just y trouveront
des références pour mener leurs réformes sociales. De même, la Déclaration des
Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789 y puise sa source et ses concepts. Ce
contrat social post 14 janvier fait-il sens ?
Comment Abassi ose-t-il conclure un contrat social de cette ampleur sans consulter sa base
travailleuse ? A-t-il renoncé à l’action syndicale pour être accepté dans
le cercle des politiciens ? Le Gouvernorat du Kef l’a dénoncé aujourd’hui en
décidant d’organiser une grève générale, très bien suivie par les populations.
Le Kef désavoue le chef et ce contrat social bidon qui n’engage que ses
signataires.
Pourquoi Abassi s’est-il empressé de signer un tel document
en catimini ? A-t-il reçu, en contrepartie, l’appui des islamistes pour
être élu ou désigné 5ème
président de la République ? Après sa conférence alibi de dialogue
national octroyant une légitimité illimitée au pouvoir, Abassi confirme sa loyauté à la majorité provisoire, ne
l’oublions pas.
Personne ne comprend la tactique de l’UGTT. Nous assistons à
une réelle cacophonie se traduisant par des discours et actions
contradictoires.
L’UGTT perd ses repères idéologiques et tactiques par faute de dirigeants charismatiques et
visionnaires. L’Histoire ne se répète jamais sauf en se caricaturant selon
Marx. Abassi ne sera jamais Achour. L’Histoire se construit à partir d’un
combat réfléchi et juste et non de compromissions et de concessions. L’UGTT
doit se consacrer à défendre la masse laborieuse –travailleurs-retraités et
chômeurs inclus. La politique doit être du ressort du citoyen à travers la
société civile et les partis politiques. Solidarnosc, fédération de syndicats
polonais, restera une exception historique, non transposable par essence.
Comment la Centrale syndicale de Hached signe-t-elle un
Contrat social sans l’adoption définitive de la Constitution ? A notre
avis, nous considérons que ce document appelé « contrat social » est
un mort-né sans l’organisation d’une conférence nationale souveraine
établissant une feuille de route claire, des objectifs consensuels et un agenda
réaliste/contraignant pour mettre la Tunisie sur la bonne voie démocratique et
révolutionnaire. Ce contrat social doit
faire partie d’un document plus général que nous pouvons appeler « pacte
politique ».
Personne ne croit à ce
contrat social mort-né. Aux signataires de ce pacte vide, je dis ceci : le
Contrat social est une belle invention et un concept efficace pour protéger l’économie,
la Nation et la République des dérapages
partisans d’où ils viennent. Cet outil est une chose sérieuse ne méritant pas
d’être malmenée ainsi pour servir des agendas personnels ou faire de la diversion en faveur de certains ou
de l’exclusion à l’égard d’autres.
Mustapha STAMBOULI