L’inefficacité de l’Assemblée Constituante et son rendu
quasiment nul justifient la remise en cause de cette institution par ses
détracteurs qui sont de plus en plus nombreux. L’éviction du président
égyptien et ses acolytes islamistes booste ce mécontentement.
Tous les analystes sont unanimes pour dire que la
Constituante (ANC) n’est plus représentative du peuple tunisien pour trois
raisons : non respect de la loi par ceux qui sont censés d’écrire les lois,
et d’un accord moral conclu entre les partis influents et surtout un défaut de résultat:
i- l’article 6 du décret n° 2011-1086 du 3 août 2011, stipule, entre
autres, que "l'assemblée nationale constituante se réunie, après la
proclamation des résultats définitifs du scrutin par la commission centrale de
l'instance supérieure indépendante des élections, et se charge d'élaborer
une constitution dans un délai maximum d'un an à compter de la date de son
élection",
ii- l'accord préparé à la hâte par Yad Ben Achour signé le 15
septembre 2011 par 11 partis dont Ennahdha et Ettakattol et qui prévoit
l'engagement ferme sur un mandat d'un an accordé à l’ANC,
iii- le bilan de l’ANC est plus que décevant :
·
le projet de la Constitution
devise les tunisiens et tunisiennes particulièrement les dispositions de
l’article 141 quo prépare les conditions objectives pour l’installation d’un
pouvoir théocratique.
·
Rien n’a été fait pour
préparer sérieusement des élections libres et transparentes.
Toutes ces raisons poussent le peuple tunisien à dire non à
ces incompétents du Palais du Bardo qui cherchent à légitimer la stratégie des
prolongations en vue d’installer une dictature de fait.
Rien d’étonnant si les jeunes et moins jeunes réclament
aujourd’hui la dissolution de cette assemblée de la honte et de l’incompétence.
Le mouvement Tamarrod-Tunisie s’organise et collecte les signatures pour
réaliser cet objectif.
Les « tamorrodistes » ont-ils une idée claire sur
l’au-delà de la dissolution brutale de l’ANC ? Pensent-ils que l’Armée
tunisienne pourrait intervenir pour imposer une nouvelle feuille de route et
installer une dernière transition et un
pouvoir intérimaire ? L’Armée osera-t-elle, en absence de son
charismatique et influent Général Ammar, imposer une solution d’urgence en cas
de débordement ? La Centrale syndicale se rallie-t-elle à l’Armée
républicaine pour aider à trouver une solution consensuelle ? Des questions
brulantes auxquelles il faudra rapidement trouver des réponses satisfaisantes,
faute quoi, la gabegie profitera aux voyous et aux jihadistes-takfiristes.
Pour notre part, nous avons une ébauche de solution capable d’éviter à la Tunisie
perte de temps et errements-égarements, nocifs pour la sécurité intérieure et
extérieure de la Tunisie et à son économie, déjà fragilisée par l’absence d’une
vision et d’une paix sociale. Cette solution pourrait satisfaire les
revendications de l’opposition tunisienne, la société civile et surtout le
Mouvement Tamarrod.
Nous proposons, comme il l’a bien fait Taieb Baccouche lors
de son interview sur shems FM le vendredi 12 juillet, au lieu et place d'une
dissolution brutale de l'ANC, un processus de Conférence Nationale Souveraine (CNS)
–je souligne bien souveraine- des Forces Vives de la Nation (CNS-FVN). Tamarrod
peut constituer une force pour convaincre les députés d'un tel processus.
Cette CNS viserait à prendre une série de décisions
consensuelles et installer une nouvelle et ultime transition garantissant la
continuité de l’Etat. Parmi celles-ci devraient figurer les suivantes :
• mise en place d’un exécutif formé exclusivement de
personnalités indépendantes à la tête de l’Etat en fonction de la loi
fondamentale provisoire à adopter,
• désignation d’un organe législatif de transition,
• désignation d’une instance composée de personnalités indépendantes pour achever le projet de Constitution fondé obligatoirement sur la Constitution de 1959 revue et améliorée grâce aux dispositions correspondant aux aspirations révolutionnaires exprimées par le peuple,
• soumission à référendum populaire de ce projet,
• rédaction d’un code électoral en rapport avec le paysage politique actuel et mise sur pied d’une Administration électorale indépendante de l’exécutif intérimaire.
• désignation d’une instance composée de personnalités indépendantes pour achever le projet de Constitution fondé obligatoirement sur la Constitution de 1959 revue et améliorée grâce aux dispositions correspondant aux aspirations révolutionnaires exprimées par le peuple,
• soumission à référendum populaire de ce projet,
• rédaction d’un code électoral en rapport avec le paysage politique actuel et mise sur pied d’une Administration électorale indépendante de l’exécutif intérimaire.
Le premier pas à faire est que cette idée de Conférence
Nationale souveraine soit acceptée solennellement par les trois instances de la
transition actuelle (ANC, gouvernement et président provisoire) et les Forces
Vives de la Nation par l’intermédiaire de déclarations officielles.
La seconde étape de ce processus est la mise en place d’un
Comité National Préparatoire de la Conférence Nationale (CNP-CN) dont la
désignation devrait faire l’objet d’un décret présidentiel après accord du
gouvernement et de l’ANC. Cet organe provisoire doit être composé de 6 à 9
membres choisis pour leur républicanisme, leur intégrité morale et leur
compétence. Ce comité aura pour charge, essentiellement, de définir les
modalités pratiques de l’organisation de la conférence, d’en arrêter le
programme et d’élaborer les documents de base. Ce Comité pourrait faire appel à
toute personne ou créer tout groupe de travail et recueillir toute suggestion.
Le Comité devrait remettre son rapport aux trois présidents au plus tard 15
jours après la publication du décret de création du CNP-CN.
Ce Comité devrait répondre d’une manière précise aux huit
questions fondamentales suivantes :
(i) Qui convoquer à la Conférence Nationale
?
(ii) Que discuter lors de la tenue de la Conférence Nationale ?
(iii) Comment
organiser cette Conférence ? (iv) quelle durée pour la tenue de cette
Conférence ? (v) Quel contenu donner au règlement intérieur de la CNS?
(vi)
Quelle loi fondamentale adopter pour gérer la nouvelle transition ?
(vii)
Faut-il remettre «en service » la Constitution de 59 afin d’éviter le vide
constitutionnel ?
(viii) Quels documents fournir aux délégués de la Conférence
afin de faciliter le travail des Commissions de la CN ?
A l’évidence, la question de la souveraineté de la Conférence
Nationale devrait être clarifiée avant la convocation de cette dernière. A
notre avis, la Conférence Nationale doit être souveraine et ses décisions
exécutoires. Cette Assemblée devra publier, dès le lancement de ses travaux,
une Déclaration sur les objectifs et les compétences de la Conférence
Nationale.
Nous avons l’obligation de commencer ce processus de
Conférence Nationale au plus tard dans une semaine ou deux. Au-delà, cette
proposition deviendrait caduque et sans intérêt eu égard à l’imminence du
débordement et du flottement crée par l’initiative Tamarrod.
Par ailleurs, je dirai que la rébellion est une chose trop
sérieuse et grave : Tamarrod n’est pas un petit jeu en ligne pour ados ! Nous
conseillons sincèrement les initiateurs de ce mouvement afin d’adopter une
ligne de revendication réaliste avec des propositions pratiques afin d’éviter
le chaos pour le pays. Notre proposition concernant la CNS pourrait être améliorée,
adaptée et adoptée par ce mouvement en vue de rendre ses revendications
réalistes et acceptables par tous. Ne ratons pas cette belle occasion pour
remettre la Révolution sur la bonne voie.
La Réussite du Mouvement Tamarrod en Egypte s’explique par
la présence d’un Sissi, d’un Baradei et d’une cible bien identifiée en la personne du président
Morsi, chef de l’exécutif qui avait échoué intégralement à satisfaire les
objectifs de la révolution.
Le cas tunisien est tout à fait différent :
i- la cible est diffuse- un président tartour démobilise, un chef
de gouvernement plat, effacé et surtout évasif ne constitue pas un adversaire à
combattre,
ii-le Baradei tunisien n’existe pas pour le moment- BCE a perdu
son aura par son acharnement pour s’installer à Carthage. Néjib Chabbi est très
contesté par les siens et une grande partie de l’intelligentsia pour ses prises
de position souvent anachroniques.
iii- la grande inconnue reste le Sissi tunisien. Il est
difficile de se prononcer sur cette question mais tout à laisse à croire que l’institution militaire
dispose d’une popularité immense et qu’elle pourra jouer un rôle décisif si le
mouvement tamorrod pourrait s’imposer.
Il est clair que la Rébellion Tunisienne a beaucoup de chance d’aboutir car les conditions
objectives sont là :
i- une situation économique catastrophique et que la
banqueroute est à l’ordre du jour,
ii- l’incompétence du pouvoir est une
réalité vécue au quotidien – pas de Constitution, pas d’agenda clair. On vit au
jour le jour avec les arrivistes de la constituante,
iii- le projet de
constitution est miné par des dispositions dangereuses comme l’article 5 et
l’article 141. Le premier reconnait l’apostasie et la liberté de conscience, la
seconde pose les jalons de l’islamisation de la Tunisie. Deux articles versant
dans une stratégie de division et d’éclatement de l’unité nationale.
Si nous fixons une deadline pour le 23
octobre 2013 pour le jour J et que nous y tenons, cela contribuera au succès du
mouvement tamarrod et donne fatalement une légitimé certaine à cette
révolte-rébellion auprès du peuple tunisien.
Mustapha STAMBOULI