« C'est dans
la résistance et c'est dans le combat
qu'en ce moment se révèlent les hommes que notre peuple
jugera dignes et capables de diriger ses actions». Le Général De
Gaulle, il y a 70 ans !
Vos déclarations du 25 juin 2013
sur la chaîne Ettounsiya constitue un acte de courage digne d’un authentique
patriote, d’un militaire courageux, d’un
stratège hors pairs et d’un visionnaire pragmatique. Nous sommes fiers de vous
car vous avez dit la vérité, toute la vérité sur les évènements du 14 janvier
2011. Oui, notre révolution n’est ni une
révolution du jasmin ni un printemps arabe, c’est une révolution qui a chassé
un dictateur/usurpateur et sa mafia redoutable. Cette révolution a un seul
objectif : instaurer la liberté- matrice de la démocratie, de la justice,
de l’égalité-équité, de la dignité et de la solidarité.
L’Histoire retiendra, forcément
et à juste titre, votre volontarisme,
votre lucidité, votre obstination et vos qualités morales, techniques et
intellectuelles. Ces attributs d’Homme d’Etat vous oblige de vous consacrez exclusivement
à partir de maintenant à sauver la Tunisie. Sauver la Tunisie, suppose prendre l’initiative de rebâtir son
système sécuritaire, territorial et social, sur les bases de la citoyenneté, de
la démocratie directe, et de l’équité … l’Etat central s’est pratiquement
effondrée et que le système politique a perdu toute légitimité et toute
capacité à perdurer.
Vous êtes l’homme qui n’a pas peur
de dire non : d’abord à Ben Ali
quand il vous a demandé de mettre fin au soulèvement populaire par la force et
les armes, ensuite à ceux qui ont voulu vous installer-piéger à Carthage le 15
Janvier 2011 et enfin à Marzouki qui ne voulait pas vous laisser partir. Vos
« non » sont des rendez-vous avec l’Histoire. Vous partagez cette qualité avec Bourguiba,
lui savait aussi dire non à tous ses détracteurs : aux allemands lors de
la deuxième guerre mondiale, aux arabes quand il avait refusé de rompre ses
relations diplomatiques avec l’Allemagne et enfin aux américains lors du raid
israélien sur Hammam Echatt. Alain n’a-t-il pas dit : « Penser c’est
dire non ».
Oui, votre institution militaire,
dès le déclenchement des événements de décembre 2010, a joué un rôle de premier
ordre surtout le 14 janvier 2011 en faisant éviter à la Tunisie le chaos.
L’Armée tunisienne a compensé, lors de la stabilisation sécuritaire du pays, le
défaut voire l’absence des forces de l’ordre. Nous devons aussi reconnaitre
à l’armée la réussite logistique des élections. Vos interventions
réfléchis et intelligentes au Jbel Chaambi ont montré le degré de patriotisme
de nos soldats et l’intelligence de notre institution militaire.
Vous avez raison de dire que le système
actuel en matière sécuritaire n’est plus
fiable car il est amputé de son organe essentiel, celui des renseignements.
Votre proposition pour la création d’une agence nationale de renseignements est
une excellente idée pouvant booster les performances de notre système
sécuritaire. Cette agence pourrait, si elle est mise en place rapidement, mettre
fin : (i) au terrorisme et aux actes visant à porter atteinte à la
République et à l'autorité de l'État, (ii) au crime organisé, (iii) au
blanchiment d’argent sale et le trafic-commerce de tout genre, (iv) à l’exportation
illégale de notre patrimoine historique et génétique.
Votre retrait volontaire des plus hautes
fonctions militaires est une sage résolution. Grâce à cette courageuse
décision, le peuple tunisien a bien compris la gravité de la situation dans
laquelle se trouve note pays. La Tunisie doit changer rapidement de stratégie
pour éviter le piège de la somalisation et de l’implosion de l’Etat unitaire.
Votre évaluation objective et pertinente de
la transition et les solutions proposées constituent une feuille de route
efficace pour déjouer le projet diabolique du wahhabisme international cherchant
à balayer à jamais de notre mémoire collective tous nos réformateurs
tunisiens ainsi que la route de la liberté et du progrès amorcée par la
Révolution.
L’échec de toutes les transitions
et de toutes les initiatives du dialogue national exige de la classe politique
une action salutaire pour prendre des décisions collectives, seules aptes à
remettre la Tunisie sur le chemin de la reconstruction et de la paix civile. Il
vous revient maintenant, eu égard à votre disponibilité, à votre parcours, à
votre engagement, à votre intelligence, au capital-confiance dont vous
disposez, de prendre l’initiative, en concertation avec toutes les Forces Vives
de la Nation, d’organiser une Conférence Nationale obligatoirement Souveraine,
seule voie du salut et de la refondation de l’Etat. Cette
conférence doit être minutieusement préparée par des personnalités compétentes
et indépendantes afin de faciliter la prise rapide et juste des décisions
pouvant débloquer la situation chaotique dans laquelle se trouve notre pays.
Ne rien faire, c’est défaire la
République… c’est laisser les forces du mal transformer notre pays en quelques émirats
insignifiants et permettre au wahhabisme de nous empoisonner.
La Tunisie n’est ni orpheline ni
stérile. Seuls notre silence, notre égoïsme, notre indifférence, notre
complicité et notre compromission peuvent transformer la Tunisie en
« tounistan ».
J’ai la conviction que les
conditions «objectives» du chaos sont
réunies. Mobilisons-nous. Vous êtes la seule personne à pouvoir incarner un large
mouvement de citoyenneté capable d’apporter un changement radical, pacifique,
unique alternative pouvant épargner à notre Tunisie le chaos programmé.
Pour terminer, je vous dis que l’écrasante
majorité du peuple tunisien partage avec vous votre analyse de la situation
critique dans notre pays et adopte vos solutions pour sauver la République et
ses acquis.
Mustapha STAMBOULI