Dans un contexte économique tendu, où les subventions représentent une part significative du budget national tunisien, la question se pose : ces fonds, destinés à soutenir les plus vulnérables, sont-ils véritablement un levier pour l'avenir ? Alors que les subventions, souvent perçues comme un filet de sécurité, contribuent à un déficit budgétaire croissant, il devient crucial de rediriger ces ressources vers des investissements productifs et durables. Agriculture moderne, éducation, santé, technologies et infrastructures : ces secteurs doivent devenir les véritables moteurs de la croissance tunisienne. L’enjeu est de taille : préserver le pouvoir d’achat à court terme tout en préparant l’économie de demain.
Introduction
Depuis plusieurs années, notre
budget de subventions, s’élevant à 11 milliards de dinars pour, est présenté
comme un filet social indispensable : contenir l’inflation, préserver le
pouvoir d’achat et assurer l’accès à des biens essentiels. Or, ces mêmes
subventions alimentent un déficit budgétaire croissant et alimentent une
dépendance qui fragilise notre capacité à investir dans l’avenir : agriculture
moderne, éducation, santé, technologies et infrastructures. L’analyse converge
vers une contradiction : face à une inflation aggravée par les coûts
subventionnés et à un déficit budgétaire proche de 11 milliards en 2026,
persister dans le statu quo n’est pas une solution, mais une fuite en avant.
- Le paradoxe du “droit à l’abri” versus le
     droit à l’avenir
 Les subventions protègent temporairement le quotidien des ménages, mais elles n’écrivent pas une stratégie de croissance ni de résilience. Elles soutiennent des prix qui masquent des inefficiences et une distorsion des incitations : l’agriculture, l’industrie et l’innovation se retrouvent en compétition avec des formes de soutien qui ne créent pas durablement d’emplois ou de valeur ajoutée. Pire encore, lorsque le financement public repose sur l’endettement, même “sans intérêt” sur 15 ans, nous exportons les coûts futurs vers les générations présentes et futures, tout en exposant l’économie à des aléas externes et à des pressions inflationnistes.
- Le déficit comme boussole
 Le déficit budgétaire et le niveau des subventions ne sont pas des variables isolées : ils se conditionnent mutuellement. Réduire brutalement les subventions risque d’alimenter une inflation ponctuelle et d’éroder le pouvoir d’achat, surtout pour les biens essentiels. Maintenir les subventions sans transformation structurelle de notre économie consignera le pays dans une logique de maintien du statu quo, dépense après dépense, sans retour sur investissement réaliste. Il faut donc une vision qui conjugue rigueur budgétaire, justice sociale et transition dynamique vers des secteurs à haute valeur ajoutée.
- Une voie d’avenir : investissement
     productif, équité et compétitivité
 Proposer de réorienter les 11,6 milliards vers des investissements productifs est une proposition simple et audacieuse : agriculture moderne et sécurité alimentaire, éducation et compétences, santé pour renforcer la productivité, technologies et économie numérique, infrastructures vertes et énergie durable. Cette réorientation ne signifie pas abandonner les populations vulnérables, mais les protéger par des mécanismes plus ciblés et plus efficaces (transferts directs, filets de sécurité, bourses, cantines, accès équitable à l’éducation), tout en déployant des projets qui créent des emplois, diminuent la dépendance aux importations et positionnent le pays comme un hub régional en agro-technologie et en numériques.
- Un cadre de mise en œuvre responsable
- Financement mixte et intelligemment articulé
     : dette concessionnelle, aides internationales, Partenariat
     Public-Privé (PPP) et fonds d’investissement pour l’agriculture, les
     infrastructures et l’éducation.
- Phasage et résultats mesurables : plan
     pluriannuel sur 5 ans, avec « Key Performance Indicator »  KPI clairs (rendement agricole, taux
     d’accès à l’éducation, couverture numérique, emploi créé, réduction des
     pertes post-récolte, etc.).
- Gouvernance et transparence : audits
     indépendants, tableaux de bord publics et reddition de comptes régulières.
- Protection sociale ciblée : mécanismes de
     transferts et de soutien social ajustés pour les ménages les plus
     vulnérables, afin d’éviter les chocs de pouvoir d’achat et les tensions
     sociales.
- Transition verte et équité : privilégier
     les projets qui créent des emplois “verts” et qui réduisent les coûts
     énergétiques, tout en permettant l’accès à des technologies et des
     services essentiels.
- Message pour nos décideurs et notre
     société
 L’objectif ne doit pas être de supprimer l’aide sociale, mais de rationaliser et d’orienter nos ressources vers des investissements qui bâtissent des fondations solides pour demain : autosuffisance alimentaire, compétitivité internationale par l’innovation et le numérique, et une qualité de vie améliorée grâce à une éducation et une santé renforcée. Cette démarche exige courage politique, discipline budgétaire et une culture du résultat.
Conclusion
Les 11,6 milliards de subventions ne sont pas une fin en soi: ils sont
l’expression d’une politique publique. Pour transformer ce budget en levier de
croissance inclusive, il faut :
- Rediriger progressivement les ressources
     vers des investissements productifs et durables (agriculture moderne,
     éducation, santé, technologies, énergie verte et infrastructures),
- Tout en protégeant les populations
     vulnérables par des mécanismes ciblés et efficaces (transferts directs,
     bourses, cantines scolaires, accès équitable à l’éducation),
- Instaurer une gouvernance stricte,
     transparente et mesurable (KPI clairs, audits indépendants, rapports
     publics réguliers),
- Et mobiliser des ressources
     complémentaires (financement mixte : PPP, prêts concessionnels, aides
     internationales) pour limiter l’impact sur le budget courant et la dette
     publique.
Cette démarche exige du courage
politique, une planification rigoureuse et une culture du résultat. En
réorientant judicieusement les fonds, nous pouvons non seulement stabiliser le
pouvoir d’achat à court terme, mais surtout bâtir une économie résiliente,
autosuffisante et compétitive sur les marchés mondiaux, grâce à une agriculture
performante, une éducation renforcée, une santé plus efficace, et une économie
numérique dynamique.
Mustapha STAMBOULI, Ingénieur ENIT/EPFL à la retraite et ancien Expert auprès des
agences des Nations Unies
 
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire