Le projet de loi présenté par ce qui reste du parti du Congrès
pour la République prévoit des peines allant de 3 mois à 3 ans de prison pour
quiconque critiquerait le président de la République, les membres du gouvernement
et les instances qui relèvent de leur pouvoir.
Une dérive flagrante en matière de liberté de la presse qui s’inscrit dans le droit fil de la volonté
du pouvoir d’instituer un nouvel ordre contre-révolutionnaire basé sur
l’information soigneusement filtrée, cqfd un ordre à la ben ali.
Si les partis politiques républicains et la société civile
n’agissent pas maintenant, les conséquences seront désastreuses, non seulement
pour la liberté de la presse mais pour la liberté tout court.
S’il est normal que la loi reconnaisse les libertés, elle
doit définir aussi des limites pour les garantir. Les délits de presse devront
être clairement arrêtés (incitation à la haine et à la violence, aux
crimes ou aux délits : meurtre, pillage, incendie, etc.) instaurant des
responsabilités individuelles et collectives à la fois (depuis le
journaliste jusqu’à l’éditeur de publication). Inventer des délits non
inscrits dans la loi est une imposture voire un fait relevant d’une dictature.
Le journalisme basé sur le pluralisme, la liberté
d’expression, constitue un des piliers de la démocratie. L’information et la
liberté de la presse exigent un détachement intégral de l’État et son
engagement à renoncer à la mise sous-tutelle des médias,
fussent-elles publiques. L’exemple britannique est là pour nous
convaincre. Les ex-exilés, aujourd’hui au pouvoir ont bien profité de cette
liberté d’expression en Grande- Bretagne et ils n’ignorent en rien sa
signification et son impact dans la construction et la préservation d’un modèle
démocratique !
Il nous faut une presse entièrement indépendante pour
garantir une information non partisane et non truquée, une information pour une
réelle émancipation des mentalités et du pays. Chacun a le droit de s’exprimer
dans tous les domaines sans censure, seul garde-fou contre la dictature et le
pouvoir personnel.
Dans ce contexte et suite à notre constat sur ces
accrocs à la loi, lesquels maintiennent le pays dans une situation
d’incertitude, j’en appelle à l’émergence d’une presse citoyenne qui
pourrait constituer une solution contre les dérives autoritaires et l’ingérence
de l’argent sur l’information.
Une presse libre et indépendante ne relève pas d’un luxe que
seuls les pays riches peuvent s’offrir. Au contraire, il faut la considérer
comme condition essentielle à l’existence d’une réelle démocratie.
Par ailleurs, on observe une exigence de plus en plus
affirmée pour pousser le pouvoir à assumer correctement ses
responsabilités face à la nécessité de bien informer les citoyens. Si tout
le monde s’accorde sur son bien-fondé, les mécanismes pour mettre en place une
presse libre paraissent moins évidents.
Une conférence réunissant les professionnels des
médias, les intellectuels indépendants et la société civile pourrait aider
à arrêter les réformes indispensables pour garantir une information juste,
fiable, responsable et indépendante.
Espérons que ces mots ironiques de BEAUMARCHAIS ne trouvent
plus écho chez-nous : « Pourvu que je ne parle ni de l’autorité, ni
du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des
corps en crédit, ni de l’Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui
tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l’inspection
de deux ou trois censeurs. » … Et méditons cet énoncé de
CHATEAUBRIAND : « Plus vous prétendez comprimer la presse, plus
l’explosion sera forte. Il faut donc vous résoudre à vivre avec
elle. »
Pour terminer, je dirai que la liberté d’expression n’est
nullement un supplément que s’offrirait une société. Elle est notre droit.
Mustapha STAMBOULI