Face à l’annonce du projet de création d’une banque postale en Tunisie, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur sa crédibilité et sa viabilité. Derrière la façade d’une solution sociale et moderne, ce vaste chantier soulève de sérieuses questions techniques, économiques et stratégiques. Cet article analyse pourquoi ce projet apparaît aujourd’hui comme une initiative sans fondement solide, susceptible d’engendrer des coûts exorbitants et de mettre en danger la stabilité financière, tout en soulignant la responsabilité du Parlement dans la prise de décision en la matière.
Une initiative aux allures populistes et sans fondements économiques solides
Depuis l’annonce du projet de
transformation de la Poste tunisienne en une banque postale, de nombreux
acteurs économiques, politiques et experts en finances ont exprimé leur
scepticisme. Si l’objectif affiché de renforcer l’inclusion financière et de moderniser
le paysage bancaire national est louable en apparence, l’analyse approfondie
montre que ce projet repose sur des bases fragiles, voire inexistantes.
Un manque flagrant d’évaluation de
la rentabilité
Première critique majeure : aucune
étude sérieuse ne vient étayer la viabilité économique de cette nouvelle
banque. La rentabilité d’un établissement bancaire repose sur un modèle
d’affaires solide, avec une gestion efficace des coûts et la capacité à générer
des marges suffisantes. Or, la création d’une telle institution requiert une
modélisation précise, comprenant l’estimation des revenus, la maîtrise des
investissements et la projection de la rentabilité à moyen et long terme. En
l’absence de telles études, toute assertion sur la viabilité de cette
initiative demeure spéculative et peu crédible.
Des coûts d’investissement
exorbitants et non justifiés
La modernisation des
infrastructures, la formation du personnel, le déploiement des solutions
technologiques et la sécurisation des transactions représentent des
investissements considérables. La théorie économique et l’expérience
internationale montrent que tout projet de cette envergure doit faire l’objet
d’études de faisabilité détaillées, y compris des appels d’offres publics, afin
de garantir la meilleure utilisation des ressources et la maîtrise des coûts.
Sans ces analyses, il est impossible d’estimer précisément le montant
nécessaire ou d’assurer la rentabilité future, ce qui expose à des risques
financiers majeurs.
Un projet à l’absence d’arguments
techniques ou stratégiques solides
Au-delà des aspects financiers, ce
projet apparaît manquer totalement d’un argumentaire technique ou stratégique
cohérent. La diversification de l’offre bancaire ou l’inclusion sociale ne
peuvent justifier, à eux seuls, la création d’un nouvel établissement, surtout
dans un marché où plusieurs acteurs sont déjà présents et compétitifs. La
littérature économique recommande une différenciation claire, une stratégie de
niche ou d’innovation pour qu’un nouveau concurrent puisse réussir. Or, rien
dans ce projet ne semble répondre à ces exigences fondamentales.
Risques de gestion et de stabilité
L’introduction d’un acteur bancaire
supplémentaire sans une gestion experte et sans respect strict des normes
prudentielles peut mettre en danger la stabilité financière, comme cela a été
observé dans plusieurs pays où des banques mal gérées ont entraîné des crises
majeures. La gestion d’une banque requiert une expertise spécifique, que le
personnel de la Poste, initialement spécialisé dans les services postaux, n’a
pas nécessairement. La présence de risques significatifs doit faire l’objet
d’une évaluation rigoureuse et transparente.
Une démarche populiste, conçue pour
des bénéfices électoraux
Face à ces enjeux, il est évident
que ce projet pourrait facilement devenir un outil de communication politique,
destiné à élargir la base électorale ou à donner une image de progrès social,
sans véritable fondement économique. La population mérite une gouvernance
responsable et une analyse sérieuse, plutôt qu’un discours populiste basé sur
des promesses vides de fond.
Une démarche scientifiquement non
fondée, basée sur des standards internationaux
Les bonnes pratiques en gestion
financière et en politique économique insistent sur la nécessité d’études de
faisabilité indépendantes, détaillées et transparentes avant toute mise en
œuvre d’un tel projet. La littérature et les expériences internationales
montrent que toute nouvelle banque doit disposer d’un business plan solide,
d’une étude coûts-avantages, et d’une estimation précise de ses coûts
d’investissement et de ses perspectives de rentabilité. Faute de cela, le
projet apparaît comme une initiative dénuée de fondement technique et
économique.
Conclusion : un projet à remettre en
question
Conclusion : une responsabilité
inscrite dans la décision du Parlement
Au vu des enjeux techniques,
économiques et financiers présentés, il appartient désormais au Parlement
tunisien de prendre ses responsabilités. Avant de s’engager dans la mise en
œuvre d’un projet aussi coûteux et potentiellement risqué, le Parlement doit
exiger une étude de faisabilité indépendante, détaillée et transparente. À
défaut, il risque d’engager des ressources publiques dans une initiative sans
fondement solide, susceptible d’engendrer des coûts importants sans bénéfices
tangibles pour la population. La responsabilité de garantir la stabilité
financière et l’utilisation efficace des deniers publics incombe à ses membres.
Il est donc impératif que le Parlement refuse de valider cette démarche tant
qu’une évaluation sérieuse n’a pas été réalisée, afin d’éviter une décision
irréversible basée sur des promesses vides et des hypothèses non vérifiées.
Mustapha STABOULI
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