Monsieur le Président
Abdullah Gül, votre slogan «zéro problème avec les voisins» n’a pas fait long
feu. Ce n’est qu’un fantasme et un idéal rêvé par votre ministre et idéologue Davutoğlu. La Turquie en tant
qu’alliée de l’Occident et membre de l’OTAN, applique à la lettre les consignes
pour déstabiliser la Syrie. Vos alliés occidentaux vous forcent –ils la main
pour armer et aider les jihadistes, salafistes, les soi-disant opposants syriens ?
Auriez-vous réellement un intérêt direct ou indirect pour imploser la
Syrie ? Toute votre politique le donne à croire !
Monsieur le
Président, la Turquie aspire à être le leader du Moyen-Orient et de l’Afrique
du Nord ; c’est légitime mais la politique adoptée par vos éminents
stratèges ne semble pas la plus appropriée. Les peuples arabes n’apprécient pas du tout votre volte-face vis-à-vis de la Syrie.
Pourtant ce pays a signé avec la Turquie des accords stratégiques à long terme
dans tous les domaines - en votre faveur en plus ! Incompréhensible comme logique !
La Syrie n’a jamais aidé le mouvement kurde PKK pour déstabiliser votre pays.
Bien au contraire, le régime syrien était votre complice, toujours à vos côtés
dans cette question kurde. A l’avenir, la Syrie réactualisera probablement sa
position et adoptera une politique plus favorable à ses intérêts quitte à
s’allier avec le diable !
Monsieur Gül, vous
avez tout perdu : la Syrie définitivement, plus d’influence en Egypte car
ce pays s’enfonce dans l’obscurantisme pour 40 ans. La Libye, avec qui vous
aviez de grands intérêts économiques, vous échappe totalement et sera sans doute et sous peu sous influence
voire sous mandat israélien à l’instar
de Chypre.
Quant à la Tunisie
réelle, celle du peuple, elle hésite
beaucoup pour renforcer sa coopération avec votre
pays : le dossier de l’Aéroport d’Enfida plombe les volontés et nous
incite à la prudence. Savez-vous, Monsieur le Président, que les employés de
l’aéroport de Monastir sont en grève perlée depuis 14 mois revendiquant la
rétrocession de ses activités et leur plein emploi ? Comment une puissance
économique telle que la Turquie n’a-t-elle pas relevé l’infaisabilité du projet d’Enfida
? Par quel modèle de simulation vos savants spécialistes ont-ils déduit la
rentabilité de l’investissement ? Le Sahel, quatre gouvernorats (Kairouan,
Sousse, Monastir, Mahdia), est victime d’un arrangement douteux sur le compte
de l’Aéroport Habib Bourguiba – Monastir. Les «Sahéliens» sont en colère et
désespérés en raison des pertes énormes d’emplois et de revenus et n’apprécient guère le transfert du trafic de cet aéroport à celui
d’Enfida pour rentabiliser ce dernier. La Mafia Ben Ali vous a piégé et il ne
revient pas au peuple tunisien de payer la facture. Le peuple tunisien attend
un geste courageux de votre part pour résoudre cet épineux litige. Sachez-le, Monsieur
Gül, ce peuple apprécierait une solution
préconisant le retour de l’exploitation de l’Aéroport de Monastir aux
autorités tunisiennes.
Monsieur le Président
Abdullah Gül, la république de Chypre vient de signer un accord de défense avec
Israël. Cet accord ne vous inquiète-t-il pas ? En le signant, l’Etat
sioniste défie tous les pays méditerranéens, l’Union Européenne et plus
particulièrement la Turquie. Israël compte exploiter seule toutes les richesses
gazières sous-marines dans cette zone quitte à provoquer une guerre régionale
visant à déloger spécialement la Turquie du Nord chypriote. La
Turquie doit se remettre au travail pour redresser sa politique étrangère
et jouer son rôle naturel de
rééquilibrage et non de déstabilisation du monde arabe, son allié stratégique
et historique.
La région arabe ne
conteste pas à la Turquie son leadership mais elle exige en contre-partie des
relations d’égal à égal, la non-ingérence dans les affaires intérieures des
pays, en d’autres termes, les peuples arabes revendiquent la dignité tout simplement.
Monsieur le Président, la Turquie ne sera jamais membre de l’Union
Européenne. Votre pays doit faire le deuil de cette adhésion et vous ne
l’ignorez pas. Cette Union est en voie d’éclatement sinon de disparition à plus
ou moins long terme pour des raisons profondes dépassant le cadre de cette
missive.
Par contre, la Turquie, puissance économique
de taille, pourrait constituer le moteur d’une union économique et culturelle
alternative regroupant tous les pays de la rive sud de la méditerranée, une union
solidaire ouverte sur l’Occident et l’Orient, une union pour la paix et la prospérité de ses Etats-membres. A
cette fin, la Turquie doit changer sa stratégie géopolitique pour être acceptée
et doit faire fi des reliquats de son
arrogance dominatrice héritée de son passé ottoman.
Mustapha STAMBOULI,
arrière-petit-fils d’un authentique turc.
Monastir, le 07 mars
2012