Il y a trois semaines, jour pour jour, Jomaa et son équipe se
sont installés à la Kasbah et ailleurs pour diriger normalement la dernière
transition après le départ humiliant des islamistes. Ce gouvernement a été
porté au pouvoir par un processus « hiwariste» d’une manière peu
orthodoxe. En effet, le dialogue national, trouvaille typiquement tunisienne
dans sa version «abassite», consistant à greffer la moitié d’un exécutif
sur un système politique issu des
élections du 23 octobre 2011 et ayant échoué sur tous les plans est une
absurdité caractérisée. Maintenir une ANC formée principalement d’incompétents
après la mise en place de la Constitution est une autre absurdité : cela
équivaut à utiliser une fonction
mathématique hors de ses bornes-limites. Avec cette équation, on pourrait
obtenir n’importe quoi sauf la bonne réponse. C’est une insulte à notre
intelligence. Comment nos constitutionalistes se taisent-ils sur cette
aberration ? Arrêtons de marcher sur la tête ! Ce système a été mis en
place par le « Himar peu watani » pour faire perdurer un mode de
gouvernance instable pouvant faciliter/favoriser la mise sous tutelle de notre pays.
Le doute s'installe encore une fois … : trop de
communications inutiles et peu d’actes fondateurs d’une politique républicaine rénovée
: (i) les institutions internationales et régionales veulent nous inonder de projets inutiles – autoroutes-
transversales et une doublure de la A1, sources de la ruine annoncée du pays.
Avons-nous les moyens pour entretenir et exploiter plus de 500 km d’autoroutes
sans trafic ? Le ministère de l’Equipement devrait commencer par s’inquiéter de l’état de dégradation de l’autoroute
A1 dans sa section Hammamet-Sousse. Nos routes locales sont dans un état catastrophique
et nos pistes rurales en panne d’entretien, ii) un pays-ami cherche à mettre la
main sur notre territoire à travers l’énergie renouvelable- solaire en
particulier, (iii) l’Oncle SAM quant à lui, se dépense pour obtenir des privilèges militaires sur le
sud du pays, (iv) l’amateurisme du gouvernement des « compétences » nous laisse
perplexe sur l’avenir de la Tunisie. Après quelques semaines d’optimisme suite
au départ des islamistes, un doute s'installe sur la capacité du nouvel
exécutif.
Les derniers actes mafieux-terroristes dont notre population
à Jendouba a été victime cachent-ils une stratégie de report sine die des
élections pour maintenir un gouvernement au pouvoir sans réel contrôle ? Deux,
trois ans pour finaliser tous les contrats énergétiques, lancer tous les
travaux inutiles du programme autoroutier et enterrer toute la classe
politique. Durant trois ans, les tunisiens et tunisiennes vont s’accommoder des
nouveaux visages du gouvernement des
"compétences". Peut-on dire que l'histoire se répète?
Je crains que la classe politique ne soit pas en mesure
d’éradiquer la violence mafieuse et jihadiste car tout laisse croire que des
forces extérieures contrôlent notre territoire et agissent en toute impunité :
rappelons les snipers de la période décembre 2010-Janvier 2011, l’attaque de
l’ambassade US, les assassinats de Chokri et Brahmi, les épisodes interminables
du Mont Chaambi et tout récemment les attaques de Jendouba. Il est urgent de
décentraliser la sécurité du pays pour échapper à la mainmise étrangère.
Si nous voulons éviter à notre pays errements et perte en
vies humaines, il faut placer rapidement à Carthage et à l’Avenue Habib Bourguiba
deux hommes capables de mettre en place un système sécuritaire bien coordonné
et sans faille afin de mettre les hors-la-loi (jihadites et mafieux
trafiquants) sous les verrous. Gérer le pays sans tenir compte des failles créées
par les différents gouvernements depuis le 14 janvier 2011, signe un manque d’analyse
et de vision constituant une erreur grave sinon une trahison pouvant
déstabiliser la Tunisie pour longtemps. Comment peut-on organiser des élections
dans des zones où les forces de l’ordre ne sont pas elles-mêmes en sécurité ?
Arrêtons cette démagogie et commençons par le commencement.
Par ailleurs et sur un autre plan, la « jeune dynamique»
ministre du Tourisme doit réaliser qu’avec des villes sales voire insalubres,
une insécurité régnante et une absence totale d’autorité à l’échelon local,
faire du lobbying pour le tourisme tunisien s’avère pure démagogie. Il faut
commencer par le début : oser réinstaller l’autorité de l’Etat en écartant les
mauvaises graines locales et régionales derrière tous les dérapages
–banditisme, drogue, braquages, pillage de nos richesses archéologiques,
usurpation du domaine public, prostitution, etc. Vouloir passer outre sur cet
état de fait, c’est faire une mauvaise publicité pour le tourisme tunisien.
John Kerry, secrétaire d’Etat américain aux affaires
étrangères n’avait pas jugé utile de
venir un peu plus tôt pour fêter avec François Hollande la Constitution
tunisienne, il s’est permis de se rendre en Tunisie sans invitation pour
annoncer une série de mesures lourdes de conséquences. Comment la diplomatie
tunisienne a-t-elle accepté l’atterrissage de Kerry sur notre territoire sans préavis ? La
Tunisie est-elle devenue à ce point l’Afghanistan ou l’Irak ? Pourquoi Kerry
s’est-il précipité de cette manière ? Est-il venu pour préparer le
dialogue stratégique tuniso-américain qui aura lieu dans les prochains jours à
Washington entre Obama et Jomaa ? Comment Marzouki accepte-t-il cette
humiliation d’autant plus que la nouvelle Constitution lui donne toutes les
prérogatives en matière de sécurité (militaire et intérieure) et de
diplomatie ? Les prochaines semaines dévoileront à coup sur les vraies
raisons de la visite-éclair de John Kerry. Cette visite a selon nous pour but
de poser les bases d’un nouveau tournant
stratégique et géopolitique de la Tunisie.
Modestement, nous suggérerons un petit conseil à l’optimiste MEJO :
notre pays n’est ni à vendre ni à louer à quiconque … Bourguiba a construit un
Etat libre et indépendant hors zone d’influence des puissances étrangères. Le
peuple tunisien, grâce à la société civile républicaine, mettra en échec toute
tentative de nuire à notre neutralité et à notre souveraineté nationale. La
Tunisie est grande par ses voisins immédiats et ses amitiés multiples à travers
la région arabe et l’Europe. Changer de cap sans prendre toutes les
dispositions pourrait nous faire basculer dans l’inconnu voire l’abime. Ceux
qui promettent aux tunisiens et tunisiennes une prospérité et une
croissance à la Singapour se trompent
sur tous les plans. Notre pays doit demeurer la Tunisie et non devenir la « Tunipoor » sous
l’œil bienveillant de notre futur allié stratégique !