L’élection
du président de la République au suffrage universel
direct constitua une victoire du camp des républicains et des démocrates sur le
camp islamiste lors de l’établissement de la nouvelle Constitution. Ce mode de
scrutin consacrera la rencontre d’un
homme et d’un peuple. Certains veulent porter atteinte à cette victoire en la rendant
illisible par la multiplication des candidatures. Pire, les islamistes veulent
imposer un candidat consensuel afin de vider les élections de tout sens et de neutraliser le verdict
populaire, un complot contre la démocratie et le peuple tunisien au vu et au su
de tout le monde.
Nous
décomptons à ce jour quarante-cinq candidats pour les prochaines élections présidentielles.
Faut-il se réjouir ou s’inquiéter de cet état de fait ? Est-ce un signe de
bonne santé de notre jeune démocratie ? Cette ruée sur Carthage est-elle
spontanée ? Ou faut-il croire à la manipulation intérieure et/ou extérieure ?
Qui pourrait agir masqué derrière cette
inflation de candidatures à deux chiffres ? Le gourou islamiste tire-t-il
les ficelles afin de passer en force son concept de candidat-président
consensuel ? Le petit qatari s’activerait-t-il en coulisses pour
multiplier les candidatures et faire passer son candidat favori – l’actuel
occupant de Carthage ? Les Etats Unis et les européens peuvent-ils être
impliqués dans cette mascarade de course à la « Maison Blanche
tunisienne » en vue de faciliter la
candidature de Mehdi Jomaa, l’actuel locataire provisoire de la Kasbah ?
Que de questions et d’interrogations sur cette «marche forcée» sur Carthage.
Ces 45
candidats sont-ils sincères dans leur démarche ? Que proposent-ils pour la
République et la Nation ? Ont-ils des programmes précis à mettre en
œuvre ? A notre connaissance, rien
n’a filtré sur leurs intentions et leurs motivations réelles. Seul BCE nous a
fait part, lors de son premier meeting de précampagne de ses petites histoires,
de son discours rhétorique habituel et surtout du complot le visant. En jouant sur le registre de la "victimisation"
et de la «théorie du complot », BCE nous prouve encore une fois qu’il n’a rien
à dire et qu’il n’a pas de projet à proposer au peuple tunisien.
Qui sont ces
candidats ? On trouve de tout : (i) des vieux routards représentant
leurs partis comme Béji Caid Essebsi (BCE), Néjib Echabi, Hamma Hammami, (ii)
des anciens rcdistes à la recherche d’une reconnaissance à l’instar de Kamel
Morjane (KM), Abderrahim Zouari, Mondher Znaidi, Noureddine Hached (iii) des
candidats fantaisistes venant du secteur des médias comme Taher Ben Hassine,
Larbi Nasra, Hechmi Hamdi, Zied El Heni, (iv) des hommes de la transition post
23 octobre 2011 assoiffés de pouvoir comme Moncef Marzouki (3M) l’actuel président provisoire et Mustapha Ben
Jaafar (MBJ) , président de l’ANC (v) des candidats indépendants sérieux à
l’instar de Kalthoum Kannou, (juge), Mustapha Kamel Nabli (MKN) , universitaire
et ancien commis de l’Etat.
A part 4 ou 5
candidats qui peuvent espérer franchir l’obstacle du premier tour (BCE, MKN,
3M, MBJ, KM), les autres constituent des figurants de cette mascarade d’élections
présidentielles. Ils sont là pour gêner les quatre candidats pouvant gagner les
« épreuves » du premier tour. Ces candidats-alibis jouent-ils le jeu des fossoyeurs de la démocratie et la
marginalisation des hautes fonctions de l’Etat ? « Roulent-ils »
pour les islamistes qui cherchent à imposer un
président par un consensus de type « himar watani» ? Le peuple
tunisien découvrira rapidement les
intentions de ces personnes et prendra les mesures de rétorsion contre ces
figurants.
Rien
n’indique que la liste des prétendants ne s’allonge d’ici quelques semaines.
D’ailleurs, la candidature de l’actuel premier ministre est à
l’ordre du jour. Ses sympathisants sont en train de collecter les 10.000
signatures pour lui permettre de se présenter aux élections
présidentielles. La candidature de Jomaa
est-elle une solution ou une complication de plus ?
Devant cette
course pour le palais de Carthage, pourquoi les islamistes adoptent-ils une position de boycott ? Même l’ancien
secrétaire général du mouvement islamiste n’a pas été coopté par l’instance
suprême du mouvement.
Il n’est pas
difficile de comprendre les intentions et les messages d’un tel comportement
vis-à-vis des institutions de l’Etat. L’ancien MTI ne voudrait pas d’un
président élu au suffrage universel direct, donnant au président de la République une légitimité
populaire et incontestable et garde-fou
contre les dérives en provenance de l’Assemblée du Bardo dont les représentants sont élus sur la base d’un scrutin
proportionnel plurinominal sur des listes.
Le parti islamiste ne manque aucune
occasion pour renier la démocratie et surtout le régime républicain.
Ceci étant,
le patron de ce parti islamiste cherche à tout prix à installer à Carthage un
candidat qu’il pourrait maitriser, influencer et à qui dicter des directives.
Il voudrait rééditer la détestable transition post 23 octobre 2011.
Si les
élections ont lieu comme prévu avec une quarantaine de candidats, plusieurs
scénarii sont possibles :
(i)
Scénario 1 (catastrophe) : les islamistes voteront
massivement pour 3M et MBJ donnant aux deux candidats 12 à 15 % des voix, sachant que le poids électoral
des islamistes et de leurs satellites se situe dans la fourchette de 25 à 30 %. Les autres candidats partageraient
70% des voix sachant que les petits
candidats (au nombre de 35) ne peuvent récolter au plus que 20% des voix. Donc, 50% des voix seront à
partager entre les trois candidats rcdistes, BCE, MKN,
Hamma Hammami et Néjib Chabbi. Soit une moyenne de 8%. La probabilité d’un des six candidats d’obtenir
16% est de l’ordre 30%. ainsi, le risque est réel de retrouver au second tour
les deux favoris des islamistes à savoir Marzouki et Ben Jaafar. Un réel drame en
perspective. La situation politico-sécuritaire pourrait tourner au vinaigre et l’hypothèse
d’un soulèvement populaire non à écarter.
(ii)
Scénario 2 (surprise) : Mehdi Jomaa poussé par «les
amis de la Tunisie» pourrait être coopté par les islamistes et la centrale patronale
et espérer récolter 30 à 35 % dès le premier tour. Il aura en face de lui dans
cette configuration soit BCE soit Mustapha Kamel Nabli. Si Caïd Essebsi passe
au second tour, il aura du mal à battre
Jomma qui en plus des voix des islamistes et des patrons, aura celles du
Grand Sahel. Si MKN se qualifie pour le
second tour, il pourrait espérer gagner
avec le report des voix de Nidaa Tounès
et des destouriens. Dans ce scénario, le Sahel et le Bassin minier voteront
massivement pour MKN.
(iii)
Scénario 3 (neutralité islamiste) : si le parti
islamiste se conforme à son idéologie et sa stratégie, il pourrait bouder ces
élections présidentielles et laisser le clan républicain s’entretuer afin de créer une ligne de rupture dans ce
front. Dans ce cas, BCE et MKN sortiraient vainqueurs du premier tour. La
partie sera très aisée pour MKN qui pourrait remporter haut la main les élections avec plus
de 80% contre BCE.
Conclusion
importante à tirer de cette brève analyse : la présence de Béji Caïd
Essebsi dans ce scrutin à haut risque s’avère non souhaitable sinon négative.
Elle participe amplement à la
complication de la situation et à l’effondrement du Front républicain. La
simulation des 3 scénarii sans BCE donne favori Mustapha Kamel Nabli. BCE
grandira aux yeux des tunisiens et tunisiennes s'il se retire de la course présidentielle et laisse une grande place à
Mustapha kamel Nabli. Omar S’Habou dans sa dernière lettre ouverte à BCE
n’a-t-il pas conseillé à ce dernier de se retirer de cette aventure
hasardeuse ? S’Habou a tiré sa dernière cartouche sur son vieux compagnon, à ses yeux incapable de diriger un pays
malade, conséquence des mauvaises
décisions prises par BCE lors de la première transition. Les dérives de BCE n’ont-elles pas promu l’ancien MTI premier parti de notre pays
(code électoral sur mesure, ISIE partisane, assistance militaire aux voyous de
Tripoli, promotion de la NAKBA auprès des autorités américaines et du G8, etc…) ? Amor S’Habou, l’homme
politique et le journaliste exceptionnel, ne pouvait se taire sur une
absurdité, celle de la candidature d’un homme fini – par l’âge et toutes ses erreurs stratégiques et politiques.
Lors de ce
premier exercice de démocratie post 14 janvier 2014, la démocratie ne sortirait
pas victorieuse car elle serait malmenée à cause des déchirements au sein de la
même famille démocrate et républicaine.
Les dégâts de telles élections pourraient affecter définitivement la
démocratie et amèneraient le peuple tunisien à refuser à l’avenir ce genre de
mascarade.
Afin
d’éviter une telle gabegie, il ne serait pas inutile d’organiser
exceptionnellement des élections à 3 tours au lieu
de deux tours. Le premier tour permettrait de garder les 4-5 premiers candidats ayant obtenu un minimum de
5% des voix. Le second tour retiendrait deux candidats et le troisième tour
désignerait le futur président. Dans ce cas, Il y a lieu de reprendre
rapidement le code électoral afin d’éviter une catastrophe annoncée !
La Tunisie
sortira gagnante en introduisant dans le cursus des élections présidentielles cette
nouveauté des primaires nationales pour ceux et celles qui veulent se présenter.
Cette démarche ne portera nullement atteinte à la démocratie, bien au contraire, elle introduit une dose
de démocratie directe. Les Primaires
permettront d’associer le peuple au
choix des candidats crédibles disposant d’un projet de société en conformité
avec les aspirations populaires.
Refuser ces
« primaires » sous prétexte du timing ou de tout autre alibi, c’est
phagocyter notre démocratie et laisser les ennemis de la République et de la
Nation agir en toute impunité pour défaire la Tunisie.
A défaut
d’un premier tour sous forme de primaires, il y a lieu d’organiser des vraies élections
primaires pour le Front républicain. Cette alternative constitue la seule réponse possible pour sauver les
élections présidentielles. Encore une fois, BCE est appelé à jouer un rôle de premier plan
surtout s’il retire sa candidature et prend l’initiative d’organiser ces
« primaires » sous son patronage. BCE, en accord avec tous les
candidats aux primaires républicaines, pourrait inviter mille personnalités
indépendantes provenant de toutes les communes du pays qui auraient pour charge d’élire un représentant du Front
républicain en vue d’affronter les candidats soutenus par les islamistes.
La
candidature de Béji Caid Essebsi constitue un problème insoluble pour le Front républicain. Le
retrait de BCE est une réelle solution surtout s’il s’engage à unir toutes les
sensibilités démocrates et républicaines autour des primaires acceptées pour
toutes et tous. Une chance pour BCE, pour le front progressiste et pour la
Tunisie et la République. Je ne dirai pas à BCE ce qu’Amor S’habou avait
claironné le 14 septembre dernier sur le plateau de Samir Wafi, lors de son
émission politique « Pour ceux qui osent » : «Soyez un Mandela,
retirez-vous de la course!» mais je lui dirai : basta avec votre
entêtement suicidaire qui risque de porter atteinte à la République, à notre
République et à la Tunisie de Bourguiba.
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