18 septembre 2014

Présidentielles : un troisième tour s’impose !

L’élection du président de la République au  suffrage universel direct constitua une victoire du camp des républicains et des démocrates sur le camp islamiste lors de l’établissement de la nouvelle Constitution. Ce mode de scrutin  consacrera la rencontre d’un homme et d’un peuple. Certains veulent porter atteinte à cette victoire en la rendant illisible par la multiplication des candidatures. Pire, les islamistes veulent imposer un candidat consensuel afin de vider les élections  de tout sens et de neutraliser le verdict populaire, un complot contre la démocratie et le peuple tunisien au vu et au su de tout le monde.

Nous décomptons à ce jour quarante-cinq candidats pour les prochaines élections présidentielles. Faut-il se réjouir ou s’inquiéter de cet état de fait ? Est-ce un signe de bonne santé de notre jeune démocratie ? Cette ruée sur Carthage est-elle spontanée ? Ou faut-il croire à la  manipulation intérieure et/ou extérieure ? Qui pourrait  agir masqué derrière cette inflation de candidatures à deux chiffres ? Le gourou islamiste tire-t-il les ficelles afin de passer en force son concept de candidat-président consensuel ? Le petit qatari s’activerait-t-il en coulisses pour multiplier les candidatures et faire passer son candidat favori – l’actuel occupant de Carthage ? Les Etats Unis et les européens peuvent-ils être impliqués dans cette mascarade de course à la « Maison Blanche tunisienne » en vue  de faciliter la candidature de Mehdi Jomaa, l’actuel locataire provisoire de la Kasbah ? Que de questions et d’interrogations sur cette «marche forcée»  sur Carthage.

Ces 45 candidats sont-ils sincères dans leur démarche ? Que proposent-ils pour la République et la Nation ? Ont-ils des programmes précis à mettre en œuvre ?  A notre connaissance, rien n’a filtré sur leurs intentions et leurs motivations réelles. Seul BCE nous a fait part, lors de son premier meeting de précampagne de ses petites histoires, de son discours rhétorique habituel et surtout du complot le visant.  En jouant sur le registre de la "victimisation" et de la «théorie du complot », BCE nous prouve encore une fois qu’il n’a rien à dire et qu’il n’a pas de projet à proposer au peuple tunisien.
Qui sont ces candidats ? On trouve de tout : (i) des vieux routards représentant leurs partis comme Béji Caid Essebsi (BCE), Néjib Echabi, Hamma Hammami, (ii) des anciens rcdistes à la recherche d’une reconnaissance à l’instar de Kamel Morjane (KM), Abderrahim Zouari, Mondher Znaidi, Noureddine Hached (iii) des candidats fantaisistes venant du secteur des médias comme Taher Ben Hassine, Larbi Nasra, Hechmi Hamdi, Zied El Heni, (iv) des hommes de la transition post 23 octobre 2011 assoiffés de pouvoir comme Moncef Marzouki (3M)  l’actuel président provisoire et Mustapha Ben Jaafar (MBJ) , président de l’ANC (v) des candidats indépendants sérieux à l’instar de Kalthoum Kannou, (juge), Mustapha Kamel Nabli (MKN) , universitaire et ancien commis de l’Etat.

A part 4 ou 5 candidats qui peuvent espérer franchir l’obstacle du premier tour (BCE, MKN, 3M, MBJ, KM), les autres constituent des figurants de cette mascarade d’élections présidentielles. Ils sont là pour gêner les quatre candidats pouvant gagner les « épreuves » du premier tour. Ces candidats-alibis jouent-ils  le jeu des fossoyeurs de la démocratie et la marginalisation des hautes fonctions de l’Etat ? « Roulent-ils »  pour les  islamistes qui cherchent à imposer un président par un consensus de type « himar watani» ? Le peuple tunisien découvrira  rapidement les intentions de ces personnes et prendra les mesures de rétorsion contre ces figurants.

Rien n’indique que la liste des prétendants ne s’allonge d’ici quelques semaines. D’ailleurs, la candidature de l’actuel premier ministre   est à l’ordre du jour. Ses sympathisants sont en train de collecter les 10.000 signatures pour lui permettre de se présenter aux élections présidentielles.  La candidature de Jomaa est-elle une solution ou une complication de plus ?

Devant cette course pour le palais de Carthage, pourquoi les islamistes adoptent-ils  une position de boycott ? Même l’ancien secrétaire général du mouvement islamiste n’a pas été coopté par l’instance suprême du mouvement.

Il n’est pas difficile de comprendre les intentions et les messages d’un tel comportement vis-à-vis des institutions de l’Etat. L’ancien MTI ne voudrait pas d’un président élu au suffrage universel  direct, donnant au président de la République une légitimité populaire et incontestable  et garde-fou contre les dérives en provenance de l’Assemblée du Bardo  dont les représentants  sont élus sur la base d’un scrutin proportionnel plurinominal sur des listes.  Le parti islamiste ne manque aucune  occasion pour renier la démocratie et surtout le régime républicain.
Ceci étant, le patron de ce parti islamiste cherche à tout prix à installer à Carthage un candidat qu’il pourrait maitriser, influencer et à qui dicter des directives. Il voudrait rééditer la détestable transition post 23 octobre 2011.

Si les élections ont lieu comme prévu avec une quarantaine de candidats, plusieurs scénarii sont possibles :
(i)              Scénario 1 (catastrophe) : les islamistes voteront massivement pour 3M et MBJ donnant aux deux candidats 12 à 15  % des voix, sachant que le poids électoral des islamistes et de leurs satellites se situe dans la fourchette de  25 à 30 %. Les autres candidats partageraient 70% des voix  sachant que les petits candidats (au nombre de 35) ne peuvent récolter au plus  que 20% des voix. Donc, 50% des voix seront à partager entre les trois  candidats rcdistes,  BCE, MKN,  Hamma Hammami et Néjib Chabbi. Soit une moyenne de   8%. La probabilité d’un des six candidats d’obtenir 16% est de l’ordre 30%. ainsi, le risque est réel de retrouver au second tour les deux favoris des islamistes à savoir Marzouki et Ben Jaafar. Un réel drame en perspective. La situation politico-sécuritaire pourrait tourner au vinaigre et l’hypothèse d’un soulèvement populaire non à écarter.
(ii)            Scénario 2 (surprise) : Mehdi Jomaa poussé par «les amis de la Tunisie» pourrait être coopté par les islamistes et la centrale patronale et espérer récolter 30 à 35 % dès le premier tour. Il aura en face de lui dans cette configuration soit BCE soit Mustapha Kamel Nabli. Si Caïd Essebsi passe au second tour, il aura du mal à battre  Jomma qui en plus des voix des islamistes et des patrons, aura celles du Grand Sahel.  Si MKN se qualifie pour le second  tour, il pourrait espérer gagner avec le report des voix de Nidaa Tounès  et des destouriens. Dans ce scénario, le Sahel et le Bassin minier voteront massivement pour MKN.
(iii)           Scénario 3 (neutralité islamiste) : si le parti islamiste se conforme à son idéologie et sa stratégie, il pourrait bouder ces élections présidentielles et laisser le clan républicain s’entretuer  afin de créer une ligne de rupture dans ce front. Dans ce cas, BCE et MKN sortiraient vainqueurs du premier tour. La partie sera très aisée pour MKN qui pourrait  remporter haut la main les élections avec plus de 80% contre BCE.

Conclusion importante à tirer de cette brève analyse : la présence de Béji Caïd Essebsi dans ce scrutin à haut risque s’avère non souhaitable sinon négative. Elle  participe amplement à la complication de la situation et à l’effondrement du Front républicain. La simulation des 3 scénarii sans BCE donne favori Mustapha Kamel Nabli. BCE grandira aux yeux des tunisiens et tunisiennes s'il se  retire de la course  présidentielle et laisse une grande place à Mustapha kamel Nabli.  Omar S’Habou  dans sa dernière lettre ouverte à BCE n’a-t-il pas conseillé à ce dernier de se retirer de cette aventure hasardeuse ? S’Habou a tiré sa dernière cartouche sur son  vieux compagnon,  à ses yeux incapable de diriger un pays malade, conséquence des  mauvaises décisions prises par BCE lors de la première transition.  Les dérives de BCE n’ont-elles pas promu  l’ancien MTI premier parti de notre pays (code électoral sur mesure, ISIE partisane, assistance militaire aux voyous de Tripoli, promotion de la NAKBA auprès des autorités américaines  et du G8, etc…) ? Amor S’Habou, l’homme politique et le journaliste exceptionnel, ne pouvait se taire sur une absurdité, celle de la candidature d’un homme fini – par l’âge et toutes  ses erreurs stratégiques et politiques.
Lors de ce premier exercice de démocratie post 14 janvier 2014, la démocratie ne sortirait pas victorieuse car elle serait malmenée à cause des déchirements au sein de la même famille démocrate et républicaine.  Les dégâts de telles élections pourraient affecter définitivement la démocratie et amèneraient le peuple tunisien à refuser à l’avenir ce genre de mascarade.

Afin d’éviter une telle gabegie, il ne serait pas inutile d’organiser exceptionnellement des élections à 3 tours au lieu de deux tours. Le premier tour permettrait de garder les 4-5  premiers candidats ayant obtenu un minimum de 5% des voix. Le second tour retiendrait deux candidats et le troisième tour désignerait le futur président. Dans ce cas, Il y a lieu de reprendre rapidement le code électoral afin d’éviter une catastrophe annoncée !  
La Tunisie sortira gagnante en introduisant dans le cursus des élections présidentielles cette nouveauté des primaires nationales pour ceux et celles qui veulent se présenter. Cette démarche ne portera nullement atteinte  à la démocratie,  bien au contraire, elle introduit une dose de  démocratie directe. Les Primaires permettront d’associer  le peuple au choix des candidats crédibles disposant d’un projet de société en conformité avec les aspirations populaires.
Refuser ces « primaires » sous prétexte du timing ou de tout autre alibi, c’est phagocyter notre démocratie et laisser les ennemis de la République et de la Nation agir en toute impunité pour défaire la Tunisie.

A défaut d’un premier tour sous forme de primaires, il y a lieu d’organiser des vraies élections primaires pour le Front républicain. Cette alternative constitue  la seule réponse possible pour sauver les élections présidentielles. Encore une fois,  BCE est appelé à jouer un rôle de premier plan surtout s’il retire sa candidature et prend l’initiative d’organiser ces « primaires » sous son patronage. BCE, en accord avec tous les candidats aux primaires républicaines,  pourrait inviter mille personnalités indépendantes provenant de toutes les communes du pays qui auraient  pour charge d’élire un représentant du Front républicain en vue d’affronter les candidats soutenus par les islamistes.

La candidature de Béji Caid Essebsi constitue un problème  insoluble pour le Front républicain. Le retrait de BCE est une réelle solution surtout s’il s’engage à unir toutes les sensibilités démocrates et républicaines autour des primaires acceptées pour toutes et tous. Une chance pour BCE, pour le front progressiste et pour la Tunisie et la République. Je ne dirai pas à BCE ce qu’Amor S’habou avait claironné le 14 septembre dernier sur le plateau de Samir Wafi, lors de son émission politique « Pour ceux qui osent » : «Soyez un Mandela, retirez-vous de la course!» mais je lui dirai : basta avec votre entêtement suicidaire qui risque de porter atteinte à la République, à notre République et à la Tunisie de Bourguiba.

Mustapha STAMBOULI, militant républicain

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