Face à la surpopulation carcérale qui porte atteinte à la dignité humaine et compromet l’avenir, il est impératif de repenser nos fondements. Plutôt que de continuer à multiplier les incarcérations, nous devons privilégier des alternatives, renforcer l’accompagnement, l’éducation et la prévention. Inspirons-nous des modèles internationaux, tels que la réhabilitation en Norvège ou la justice préventive au Portugal, pour tracer une voie plus humaine, plus efficace et plus durable. Et si la justice se consacrait avant tout à restaurer le bien et à transformer des vies, plutôt qu’à simplement sanctionner le mal ?
La
réinvention du système pénal : un impératif de justice sociale
L'incarcération
de masse a montré ses limites. Bien plus qu’une simple question de politique
pénale, cette problématique touche au cœur de nos valeurs humaines. La citation
de Fiodor Dostoïevski trouve ici tout son sens : « La véritable mesure d’une
société civilisée ne réside pas dans le nombre de ses prisons, mais dans celui
de ses écoles, de ses bibliothèques et de ses dispensaires. » Cette réflexion
doit guider notre démarche : une société véritablement civilisée ne se mesure
pas à sa capacité à punir, mais à son engagement à prévenir la criminalité et à
offrir des solutions constructives.
Aujourd’hui,
le système pénitentiaire tunisien est à un carrefour. Confronté à une crise
structurelle, il souffre d'une surpopulation chronique et de conditions de
détention inhumaines. Les prisons tunisiennes fonctionnent à des taux
d’occupation dépassant régulièrement les 120 %, parfois jusqu’à 200 % dans
certains établissements. Cette situation, déjà dénoncée par les organisations
de défense des droits humains, entraîne des conditions de vie déplorables :
surpopulation, insalubrité, et manque d'infrastructures adaptées. En outre, le
recours excessif à la détention provisoire aggrave ce phénomène, enfermant des
individus dans des conditions préjudiciables, parfois avant même qu’ils aient
été jugés.
Face à ce
tableau préoccupant, il est évident que la réforme du système pénal s'impose.
Les autorités tunisiennes ont bien tenté des solutions, telles que
l’introduction du bracelet électronique pour désengorger les prisons.
Cependant, ces initiatives restent insuffisantes pour résoudre l’ampleur de la
crise. Il est grand temps de repenser notre approche de la justice pénale et
d'explorer des alternatives plus humaines et plus efficaces.
Le modèle
de la réhabilitation : des exemples internationaux à suivre
Loin d’être
une utopie, des modèles alternatifs ont déjà fait leurs preuves ailleurs dans
le monde. En Norvège, les prisons sont conçues comme des lieux de
réhabilitation et non de punition. Le résultat ? Un taux de récidive parmi les
plus bas au monde, autour de 20 %, contre environ 60 % dans d'autres pays où
l'incarcération reste la norme. Ce modèle repose sur l’accompagnement
psychologique, la formation professionnelle et l’éducation, permettant aux
détenus de se réinsérer sereinement dans la société.
De même, en
Finlande, le recours à des peines alternatives, telles que le travail
communautaire ou la surveillance électronique, a permis de réduire
considérablement la population carcérale tout en préservant la sécurité
publique. Ce système, tout en limitant les coûts pour l'État, favorise une
réinsertion réussie et réduit le risque de récidive.
Au Portugal,
un modèle axé sur la prévention et le traitement, notamment pour les délits
liés à la drogue, a radicalement transformé le système pénal. Là-bas, la
répression a été remplacée par un soutien ciblé, ce qui a non seulement réduit
les coûts sociaux, mais aussi amélioré la cohésion sociale en favorisant la
réintégration des délinquants.
Le besoin
d'une réforme globale en Tunisie
Ces exemples
nous montrent qu'il est possible de réinventer notre système pénal en adoptant
des alternatives à l’incarcération, favorisant l'éducation, la réinsertion et
la prévention plutôt que la punition pure et simple. Mais pour que cette
transformation devienne une réalité, il est essentiel d’agir rapidement.
En Tunisie,
l'urgence est palpable. L’un des obstacles majeurs reste la dépendance
excessive à l’incarcération préventive, qui entraîne des drames humains et
sociaux. Ce système non seulement nuit à l’individu, mais aussi à la société,
car il enferme des personnes dans des situations qui favorisent leur
marginalisation et leur radicalisation. L'incarcération devrait être une
solution ultime, et non la première option pour des délits mineurs ou des
prévenus en attente de jugement.
La solution
réside dans une refonte globale du système pénal tunisien. Un investissement
dans l’éducation, le soutien psychologique, les formations professionnelles et
les programmes de réinsertion pourrait non seulement alléger la surpopulation
carcérale, mais aussi aider à prévenir la criminalité avant qu'elle n’éclate.
Plutôt que de punir, il est plus judicieux d’accompagner, d’éduquer et de
réintégrer.
Un appel
à l’action : réinventer la justice pour construire un avenir meilleur
Il est temps
d'oser la réforme. Il est temps de remettre en question les pratiques actuelles
et d’investir dans un système plus humain. Un système où la réhabilitation
prend le pas sur la punition, et où la prévention devient la priorité. Il est
crucial de sensibiliser les décideurs, les acteurs de la société civile et le
public à cette nécessité de transformation.
Comme l’a
dit Simone Veil : « Le but de la justice n'est pas de punir le mal, mais de
rétablir le bien. » Cette citation doit guider notre réflexion. Il est de notre
responsabilité collective d’imaginer un système pénal qui respecte la dignité
humaine tout en assurant la sécurité et la cohésion sociale.
Nous devons
nous inspirer des exemples internationaux et faire en sorte que la Tunisie
prenne le chemin de la réhabilitation, de la prévention et de l’éducation. Un
avenir sans prisons surpeuplées, sans déshumanisation, mais avec des solutions
réalistes, humaines et pérennes.
Mustapha STAMBOULI
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