A son Excellence,
Maître Béji Caïd Essebsi, Premier Ministre,
Sauvons les acquis
républicains.
Excellence,
Etant fils, neveu et frère de résistants, ayant
activement participé au combat anticolonialiste aux cotés de Bourguiba, je
m’adresse à vous compagnon et héritier du Combattant suprême.
La Tunisie a réussi un second combat
magnifique : chasser le dictateur – usurpateur Ben Ali. Cet acte héroïque,
exemplaire doit être concrétisé et complété par un acte fondateur, se déclinant,
selon moi, sur trois axes émanant de votre part, pour préserver l’œuvre et les
acquis bourguibiens et tenir compte des aspirations et inquiétudes légitimes du
peuple tunisien.
Bourguiba, vous le savez, a transformé "une
poussière d’individus " en une nation unie grâce à un
projet émancipateur et républicain touchant l’ensemble de la société et en
particulier la femme tunisienne.
A partir de décembre 2010, le peuple révolté a
revendiqué et réinscrit dans l’Histoire la vision émancipatrice de Bourguiba gravement
atteinte par la désintégration systématique et planifiée des institutions de
l’Etat par le régime benaliste.
Malheureusement, cette exigence de réinstallation
des valeurs républicaines et du renouveau mal encadrés par la classe politique
très pressée de prendre le pouvoir génère un état de décomposition pouvant
transformer un état unifié en « poussières d’individu » : on
assiste au délitement de la société ouvrant une voie royale au courant
anti-historique et anti-républicain.
Le choix d’une constituante pour "débénaliser
"
le pays et en préparer un avenir cohérent l’incluant dans la modernité s’avère
périlleux sinon producteur d’effets pervers en plongeant notre pays dans
l’inconnu : le système retenu pour les élections de la Constituante, le
refus d’un pacte républicain par la majorité dans la Haute Instance pour la
réalisation des objectifs de la Révolution, plus grave encore, le rejet d’une
limite de temps de cette constituante anticipent un pouvoir monocolore
forcément opposé au pluralisme (un Président, un gouvernement et un parlement
de la même tendance, n’est-ce pas une nouvelle dictature ?).
Tout annonce que ce pouvoir monocolore sera
anti-républicain et conduira à l’instabilité et au retour à la case départ –
c.à.d avant le régime séculier instauré par Bourguiba.
Par ailleurs, l’insécurité prévalant dans le pays,
les incivilités permanentes, la transgression des lois requièrent un pouvoir
républicain fort pendant cette période de transition et d’incertitude.
Pourquoi ne pas mettre en place un Conseil
Supérieur Républicain Militaire qui épaulerait le Président de la république et
pourrait assurer l’intérim de ce dernier en cas de vacance ?
Je n’ignore pas que cette suggestion pourrait heurter
votre sensibilité et vos convictions bourguibistes, mais seul l’intérêt de la
Nation commande, à mon avis, une telle prise de décision.
En tant que fils spirituel de Bourguiba et eu
égard à votre parcours et votre engagement, ne pourriez-vous pas prendre
l’initiative de rassembler dans un front uni toutes les sensibilités
républicaines et progressistes, contribuant ainsi à l’émergence d’un courant
politique puissant, convaincu, capable de résister aux courants politiques
cherchant à balayer à jamais de notre mémoire collective Tahar Haddad, Abou
Kacem Chebbi, Farhat Hached et tant d’autres figures ayant participé à la
construction de la Nation tunisienne ainsi que la route du progrès et
l’espérance démocratique amorcées par la Révolution.
Veuillez, agréer, Excellence, l’expression de ma
très haute considération.