Le 6 juin 2011, j’avais adressé
à Béji Caid Essebsi, en sa qualité de Premier Ministre, une lettre intitulée
«Sauvons la République». Dans cette lettre-appel, j’avais demandé à BCE de compléter
l’acte héroïque et exemplaire du peuple tunisien qui a réussi un combat magnifique,
celui de chasser le dictateur-usurpateur Ben Ali par un acte fondateur, se
déclinant, selon moi, sur trois axes émanant de sa part, pour préserver l’œuvre
et les acquis de Bourguiba et tenir compte des aspirations et inquiétudes
légitimes du peuple tunisien.
Malheureusement,
ma missive n’a pas pu convaincre BCE de l’abandon de l’option de la Constituante
au profit de l’option du Référendum, solution, peut-être
moins spectaculaire, mais plus démocratique, facile, rapide, garde-fou contre l’inconnu.
Les élections du 23 octobre dernier, grâce à un code électoral truqué, ont sorti une majorité qui cherche, à présent,
à accaparer définitivement tous les pouvoirs. BCE a oblitéré ma demande de
donner des prorogatives à l’institution militaire pour garantir la sécurité
interne du pays. Seul mon appel pour rassembler
dans un front uni toutes les sensibilités républicaines et progressistes est
sur le point de se concrétiser. ! Voici le contenu intégral de la lettre
adressée à BCE :
"Etant fils, neveu et
frère de résistants, ayant activement participé au combat anticolonialiste aux
cotés de Bourguiba, je m’adresse à vous compagnon et héritier du Combattant
suprême.
La Tunisie a réussi
un second combat magnifique : chasser le dictateur – usurpateur Ben Ali.
Cet acte héroïque, exemplaire doit être concrétisé et complété par un acte
fondateur, se déclinant, selon moi, sur trois axes émanant de votre part, pour
préserver l’œuvre et les acquis bourguibiens et tenir compte des aspirations et
inquiétudes légitimes du peuple tunisien.
Bourguiba, vous le
savez, a transformé une "une poussière d’individus "
en une nation unie grâce à un projet émancipateur et républicain touchant
l’ensemble de la société et en particulier la femme tunisienne.
A partir de décembre
2010, le peuple révolté a revendiqué et réinscrit dans l’Histoire la vision
émancipatrice de Bourguiba gravement atteinte par la désintégration
systématique et planifiée des institutions de l’Etat par le régime benaliste.
Malheureusement,
cette exigence de réinstallation des valeurs républicaines et du renouveau mal
encadrés par la classe politique très pressé de prendre le pouvoir génère un
état de décomposition pouvant transformer un état unifié en « poussière
d’individus » : on assiste au délitement de la société ouvrant une
voie royale au courant anti-historique et anti-républicain.
Le choix d’une
constituante pur "débénaliser " le pays et en
préparer un avenir cohérent l’incluant dans la modernité s’avère périlleux
sinon producteur d’effets pervers et plongeant notre pays dans l’inconnu :
le système retenu pour les élections de la Constituante, le refus d’un pacte
républicain par la majorité dans la Haute Instance pour la réalisation des
objectifs de la Révolution, plus grave encore, le rejet d’une limite de temps
de cette constituante anticipent un pouvoir monocolore forcément opposé au
pluralisme (un Président, un gouvernement et un parlement de la même tendance,
n’est-ce pas une nouvelle dictature ?).
Tout annonce que ce
pouvoir monocolore sera anti-républicain et conduira à l’instabilité et au
retour à la case départ – c.à.d avant le régime séculier instauré par
Bourguiba.
Face à ces risques,
j’en appelle à la tenue d’un référendum, solution, peut-être moins
spectaculaire, mais plus démocratique, facile, rapide, garde-fou contre l’inconnu.
Mon article paru dans La Presse le 26/05/2011 sous le titre « constitution :
un Référendum pour le peuple tunisien » détaille cette proposition.
Par ailleurs,
l’insécurité prévalant dans le pays, les incivilités permanentes, la
transgression des lois requièrent un pouvoir républicain fort pendant cette
période de transition et d’incertitude.
Pourquoi ne pas
mettre en place un Conseil Supérieur Républicain Militaire qui épaulerait le
Président de la république et pourrait assurer l’intérim de ce dernier en cas
de vacance ?
Je n’ignore pas que
cette suggestion pourrait heurter votre sensibilité et vos convictions
bourguibistes, mais seul l’intérêt de la Nation commande, à mon avis, une telle
prise de décision.
En tant que fils
spirituel de Bourguiba et eu égard à votre parcours et votre engagement, ne
pourriez-vous pas prendre l’initiative de rassembler dans un front uni toutes
les sensibilités républicaines et progressistes, contribuant ainsi à
l’émergence d’un courant politique puissant, convaincu, capable de résister aux
courants politiques cherchant à balayer à jamais de notre mémoire collective
Tahar Haddad, Abou Kacem Chebbi, Farhat Hached et tant d’autres figures ayant
participé à la construction de la Nation tunisienne ainsi que la route du
progrès et l’espérance démocratique amorcés par la Révolte populaire.
Mustapha STAMBOULI"