09 avril 2012

Tunisie - 9 Avril : lundi noir, une barbarie, une infamie !


Triste, parce que nous avons maintenant la certitude que le régime islamiste est fascisant et que la junte policière anti-émeute s’est comportée d’une manière non républicaine. Comment peut-on expliquer la violence avec laquelle ont été traités les manifestants et manifestantes paisibles venus de toutes les régions de la République pour commémorer la journée des Martyrs.  Même si ce rassemblement n’était pas autorisé et  l’Avenue Habib Bourguiba interdite abusivement par une autorité peu familiarisée avec  la prise de décision et ignorante de l’Histoire de la libération de la Tunisie, tous les observateurs tunisiens et  étrangers ont qualifié cette violence  de disproportionnée à tel point  qu’on se serait cru en territoire occupé ! La décision d’interdire l’Avenue Habib Bourguiba aux manifestations est abusive,  ce qui justifie en droit son non respect d’autant plus que l’arrêté d’interdiction, s’il existe, n’a pas été publié au journal officiel.
Comment peut-on accepter l’humiliation et l’agression des représentants de la Ligue des droits de l’Homme, de quelques figures de la société civile et des constituants venus briser l’interdiction en manifestant leur solidarité avec les manifestants ? Comment peut-on accepter, après le 14 janvier 2011, la présence d’une milice pro-gouvernementale à côté de la police pour agresser les manifestants ? Comment la police va-t-elle justifier l’agression  commise à l’encontre de la  journaliste de l’hebdomadaire  français Le Point ? Les tunisiens ont vécu ce lundi 9 avril 2012 une journée sombre avec son lot de morts et de blessés. Une barbarie, une infamie !
Même si la manifestation n’a pas réalisé ses objectifs comme ce fut le cas le 20 Mars dernier à l’occasion de la fête de l’Indépendance, les manifestants portant des drapeaux tunisiens ont pu crier à la face  des lanceurs de bombes lacrymogènes: "ni peur, ni terreur, l'avenue appartient au peuple", "Dégage! Dégage!", slogan du 14 janvier.
Triste encore,  parce que  la fête a été gâchée et massacrée. Les jeunes et moins jeunes se sont  rassemblés,  nombreux, précisément à cette Avenue symbolique chargée de l’histoire de la résistance et de la contestation pour  «la journée des martyrs», en souvenir de la répression sanglante par les troupes françaises d'une manifestation à Tunis le 9 avril 1938. Aujourd’hui, des jeunes  bouzidiens , venus, à pied de Sidi Bouzid  à Tunis après une longue marche de plusieurs journées, épuisés mais déterminés pour commémorer cet évènement majeur dans l’Histoire de la Tunisie, ont été lâchement réprimés. Quelle déception et  quel désenchantement !  Nos jeunes sont sous le choc et ne comprennent pas ce qui se passe. Personne ne pouvait songer revoir une telle violence, assister  à de telles scènes de barbarie et de sauvagerie ! Ils sont rentrés, tête basse, chargés de haine, maudissant le 23 octobre 2011, journée des élections de la Constituante !
Triste enfin, car on  a  découvert à notre stupéfaction et grand désarroi, l’absence de préparation et d’organisation de cet évènement. Le mot d’ordre a circulé sur les médias sociaux sans contrepartie sur le terrain. Les organisateurs ont brillé par leur absence ! Ni les militants des partis, ni ceux de l’UGTT n’étaient présents pour encadrer une telle manifestation redoutée, à haut risque. Comment peut-on expliquer une telle  gabegie  et un tel laxisme, synonymes d’irresponsabilité et d’amateurisme -  d’où les dégâts corporels subis par les manifestants et manifestantes.
Que fait Marzouki dans son palais alors que  des tunisiens et tunisiennes subissent une répression sauvage de la part d’hommes censés les protéger et les encadrer ? Que fait Ben Jaafar en tant que président de la Constituante pour préserver les acquis de la Révolution ? Pourquoi ces deux présidents n’ont-ils pas  riposté à la confiscation de l’Avenue Habib Bourguiba ?
Le Ministre de l’Intérieur, responsable du drame, doit démissionner au plus vite et que la justice instruise sans tarder les crimes commis aujourd’hui et punisse les coupables, ceux qui ont exécuté la basse besogne et ceux qui ont donné les ordres de réprimer.
La population a vite réagi   après le drame de Tunis. Les habitants de Monastir  et d’autres villes de l’intérieur sont sortis manifester nombreux à l’annonce du décès des jeunes martyrs  pour condamner les actes de violence gratuits et brutaux.
La Troïka doit tirer les conclusions de son incompétence à gérer des situations sécuritaires. Il ne lui reste qu’à déposer son bilan et dégager du paysage politique de la Tunisie à jamais.
Mustapha STAMBOULI, républicain