Le timing choisi par Standard & Poor’s pour dégrader la
Tunisie aux derniers rangs de son échelle de notation à savoir le BB n’est pas
le fait du hasard. Cette agence de notation a attendu l’adoption de la
loi de finances pour l’année 2012 par la constituante pour se
décider à tirer sur ce gouvernement formé principalement de «bleus» et d’amateurs. S&P a
communiqué sa décision de relégation au moment même où les constituants discutaient
et négociaient une augmentation de leurs salaires de 105 %, l’équivalent de 10
SMIGs voire plus.
Le président provisoire sans pouvoir, à défaut d’agir par
lui-même, a sous-traité à Mohamed Chawki Abid, Conseiller auprès du président
de la République, chargé des affaires économiques, la tâche de lyncher et de
déstabiliser le gouvernement Jebali. N’a-t-il pas demandé la démission des
ministres des départements de l’Économie, de la Coopération internationale, du Tourisme, du Développement régional et de les
remplacer par des ministres qui pètent le feu ?
Cette manière d’apostropher un gouvernement par un proche du
président provisoire sonne-t-elle la fin de l’exécutif dans son
intégralité ? Sinon comment Jebali accepterait-il une tel affront, une
humiliation et une agression gratuite précisément à un moment
aussi critique ?
« Quand le bateau coule, les rats quittent le
navire". Cet adage traduit l’ambiance dans laquelle nage la Troïka ou ce
qui reste de ses débris.
A l’évidence, les fléchettes d’un illustre inconnu et conseiller d’un président provisoire ne
peuvent pas inquiéter le premier ministre mais plutôt le communiqué de S&P
qui a mis en doute la capacité du gouvernement provisoire à redresser le pays
et son économie. Aucun investisseur de l’intérieur ou de l’extérieur ne prendra
le risque de financer le déficit d’un gouvernement battu par KO. Si ce
gouvernement s’entête à rester en place, il doit gommer le déficit budgétaire
et ramener l’équilibre à ce budget. Cet
exercice suppose le retour devant l’Assemblée Constituante avec une version
revisitée et Zéro déficit. Mathématiquement parlant, seul un plan d’austérité
constitué de mesures drastiques de réduction des dépenses de l’Etat pourra décaler le moment fatidique
de cessation de paiement de l’Etat. Parmi les mesures à prendre : (i) l’annulation de tous les nouveaux projets d’investissement,
(ii) réduire au minimum l’intervention de la Caisse de compensation, (3) un
abaissement significatif des salaires des fonctionnaires et des retraités (4)
renoncement définitif au recrutement de la fonction publique. C’est une
hypothèse d’école qui n’a aucune chance d’être envisagée. Jebali et ses ministres sont incapables d’agir
rapidement et faire des propositions acceptables par la rue et les institutions
internationales come le FMI et la Banque Mondiale.
Cette majorité a été élue parce qu’elle a promis aux
tunisiens une mobilisation massive des fonds golfiques pour financer des
projets de développement à travers le budget de l’Etat. Elle a fait miroiter
l’arrivée d’investisseurs de ces mêmes pays
pour relancer la machine économique
en panne du pays. Que de
promesses électorales non tenues !
Les bailleurs de fonds sont unanimes pour un changement de
feuille de route pour la Tunisie privilégiant le retour à la légalité
constitutionnelle par l’adoption d’une Constitution, la mise en place d’un
gouvernement efficace formé de technocrates chevronnés et le retour à l’Etat de
droit en faisant disparaitre de la scène les barbus salafistes jihadistes.
Comment la Troïka envisage-telle la mise en œuvre de cette
feuille de route imposée par les amis de la Troïka? A défaut d’un arrangement,
le scénario d’un soulèvement populaire à l’instar de celui de l’année dernière
est envisageable et facile à rééditer d’autant plus que les principales forces
ayant contribué à la réussite du soulèvement du 14 janvier sont toujours actives
et capables de dégager les imprudents et de les renvoyer à Londres ou à Riadh.
La Tunisie a besoin d’un régime démocratique, fort et juste
respectant les libertés d’expression et de communication, libertés
individuelles et collectives. La République ne tolérera plus des partis
religieux au pouvoir. On doit séparer le
religieux du politique comme en Turquie avec la garantie de l’institution
militaire.
La gestion du pays avec un pseudo régime parlementaire
reflète l’amateurisme de la classe politique tunisienne. Nul n’a admis qu’un
tel mode de gouvernance est réservé aux seuls pays stables économiquement et
socialement ayant une tradition ancienne dans la démocratie et une unité et une
cohésion nationales irréprochables. La Tunisie est un pays fragile, sans
ancrage démocratique, menacée réellement dans son fondement en tant qu’Etat, confrontée
à une crise aigue de lutte pour le pouvoir et une situation géopolitique
extrêmement défavorable pour nous.
L’intérêt général nous commande de réactiver sans tarder la Constitution de 1959
à travers un référendum à organiser dans les semaines à venir pour éviter au
peuple tunisien tant d’inquiétudes et de souffrances. Les Martyrs de la
Tunisie apprécieront cet acte digne et
courageux.
Vive la République, vive le peuple tunisien.