24 juillet 2012

La Banque Mondiale met-elle son grain de sel dans la cuisine tunisienne ?


«La religion est la maladie honteuse de l'humanité. La politique en est le cancer.» Victor Hugo"
La Banque mondiale vient d’annoncer le lancement d’un  nouveau programme de soutien à la Tunisie. Au lieu de l’habituelle Cadre de Partenariat Stratégique (CPS), de trois ans, elle introduit dans sa relation avec la Tunisie la Note de Stratégie Intérimaire (NSI), document de cadrage plus court et réservé généralement aux pays instables politiquement (Haïti, Madagascar, Mali, etc.). C’est la première fois qu’un tel instrument de planification est utilisé pour la Tunisie.

Le NSI diffère  du CPS particulièrement par sa durée (12 mois au lieu de trois ans pour la CPS) et par son contenu plus léger et traitant des problématiques peu structurantes. La BM a recours à ce genre d’intervention lorsqu’elle a besoin de temps pour réfléchir sur le moyen terme. C’est le cas dans les périodes de transition, après une crise politique.
Pourquoi la Banque Mondiale change-t-elle de stratégie en matière de coopération avec la Tunisie ? Pourquoi préfère-t-elle établir des documents de planification de courte durée (NSI) au lieu de  document de stratégie à moyen terme (CPS). Préférer un document NSI au lieu une stratégie CPS dit long sur le positionnement stratégique du Groupe de la Banque Mondiale en Tunisie.
En termes politiques, la Banque Mondiale conditionne-t-elle sa participation effective dans le financement des projets de développement à la réalisation des élections dans les délais fixés, justes et transparentes. En filigrane, la BM suspend-elle toute collaboration consistante si ce gouvernement traine à lancer les préparatifs des prochaines élections. Faut-il comprendre que les institutions internationales vont "boycotter" les islamistes au pouvoir afin de les obliger à respecter les engagements pris avant 23 octobre dernier. Rendez-vous pris dans 90 jours !
Le NSI couvre normalement la période de légitimité électorale allant jusqu’au 23 octobre prochain. La Banque mondiale déclare qu'elle  élaborera, en concertation, avec le nouveau gouvernement issu des nouvelles élections une CPS conforme aux priorités de développement du pays. En cas de retard dans l’adoption de la constitution et la réalisation des élections, comment la BM régirait-elle ? Serait-elle amenée à reconduire un second NSI en cas de retard de mise en place d’une nouvelle légitimité ?

Comment les agences de notation vont-elles interpréter ce revirement de la Banque Mondiale qui considère, à tort ou raison, la Tunisie comme un pays instable à haut risque et ne présente pas les garanties nécessaires d’investissement à moyen terme.
On apprend par ailleurs que l’agence "Moody's Investors Service", a publié  un rapport critique sur la Tunisie dans lequel elle évoque  le limogeage de  Mustapha Kamel Nabli de ses fonctions  de gouverneur de la Banque centrale en mettant en relief l’impact négatif d’un tel  limogeage sur le secteur bancaire tunisien et la stabilité monétaire en Tunisie. Moody’s reproche à l’exécutif et à l’Assemblée Nationale Constituante (ANC) leur empressement  à liquider le gouverneur de la BCT dans une période difficile caractérisée par une tension politique et un flottement économique. Cette décision  nuit à la crédibilité de l’institution monétaire et donne des mauvais signes aux investisseurs tunisiens et étrangers déjà hésitants à investir dans le pays.  Moody’s a des doutes sur la capacité de Chadly Ayari, le nouveau titulaire de la BCT, d’être opérationnel dans l’immédiat, ce qui provoquerait des complications dans le fonctionnement de la BCT. Ce rapport n’est-il pas le prélude à une nouvelle dégradation de la note de la Tunisie ? Je crains que oui et ce déclassement pourrait constituer une très mauvaise nouvelle pour les tunisiens.
Les tunisiens sont très inquiets de l’attitude de la plupart des élus appartenant à la coalition tripartite qui sont plus occupés par leurs indemnités, avantages et salaires  que par le risque d’implosion de notre économie et de notre système monétaire.
La note de stratégie intérimaire et le rapport de Moody’s sont-ils des signaux forts que la Troïka devrait décrypter ? Je crois que oui !
Je termine par cette citation "Il y a longtemps que le vrai pouvoir n'est plus dans les urnes… Les démocraties sont de belles coquilles vides."
Mustapha STAMBOULI