La Banque mondiale vient d’annoncer le lancement d’un nouveau programme de soutien à la Tunisie. Au lieu de l’habituelle Cadre de Partenariat Stratégique (CPS), de trois ans, elle introduit dans sa relation avec la Tunisie la Note de Stratégie Intérimaire (NSI), document de cadrage plus court et réservé généralement aux pays instables politiquement (Haïti, Madagascar, Mali, etc.). C’est la première fois qu’un tel instrument de planification est utilisé pour la Tunisie.«La religion est la maladie honteuse de l'humanité. La politique en est le cancer.» Victor Hugo"
Le NSI diffère du CPS particulièrement par sa durée
(12 mois au lieu de trois ans pour la CPS) et par son contenu plus léger
et traitant des problématiques peu structurantes. La BM a recours à ce
genre d’intervention lorsqu’elle a besoin de temps pour réfléchir sur le moyen
terme. C’est le cas dans les périodes de transition, après une crise
politique.
Pourquoi la Banque Mondiale change-t-elle de stratégie en
matière de coopération avec la Tunisie ? Pourquoi préfère-t-elle établir
des documents de planification de courte durée (NSI) au lieu de document
de stratégie à moyen terme (CPS). Préférer un document NSI au lieu une
stratégie CPS dit long sur le positionnement stratégique du Groupe de la Banque
Mondiale en Tunisie.
En termes politiques, la Banque Mondiale conditionne-t-elle
sa participation effective dans le financement des projets de développement à
la réalisation des élections dans les délais fixés, justes et transparentes. En
filigrane, la BM suspend-elle toute collaboration consistante si ce
gouvernement traine à lancer les préparatifs des prochaines élections. Faut-il
comprendre que les institutions internationales vont "boycotter" les
islamistes au pouvoir afin de les obliger à respecter les engagements pris
avant 23 octobre dernier. Rendez-vous pris dans 90 jours !
Le NSI couvre normalement la période de légitimité
électorale allant jusqu’au 23 octobre prochain. La Banque mondiale déclare
qu'elle élaborera, en concertation, avec le nouveau gouvernement issu des
nouvelles élections une CPS conforme aux priorités de développement du pays. En
cas de retard dans l’adoption de la constitution et la réalisation des
élections, comment la BM régirait-elle ? Serait-elle amenée à reconduire
un second NSI en cas de retard de mise en place d’une nouvelle
légitimité ?
Comment les agences de notation vont-elles interpréter ce revirement de la Banque Mondiale qui considère, à tort ou raison, la Tunisie comme un pays instable à haut risque et ne présente pas les garanties nécessaires d’investissement à moyen terme.
On apprend par ailleurs que l’agence "Moody's Investors
Service", a publié un rapport critique sur la Tunisie dans lequel
elle évoque le limogeage de Mustapha Kamel Nabli de ses fonctions
de gouverneur de la Banque centrale en mettant en relief l’impact négatif
d’un tel limogeage sur le secteur bancaire tunisien et la stabilité
monétaire en Tunisie. Moody’s reproche à l’exécutif et à l’Assemblée Nationale
Constituante (ANC) leur empressement à liquider le gouverneur de la BCT
dans une période difficile caractérisée par une tension politique et un
flottement économique. Cette décision nuit à la crédibilité de
l’institution monétaire et donne des mauvais signes aux investisseurs tunisiens
et étrangers déjà hésitants à investir dans le pays. Moody’s a des
doutes sur la capacité de Chadly Ayari, le nouveau titulaire de la BCT, d’être
opérationnel dans l’immédiat, ce qui provoquerait des complications dans le
fonctionnement de la BCT. Ce rapport n’est-il pas le prélude à
une nouvelle dégradation de la note de la Tunisie ? Je crains que
oui et ce déclassement pourrait constituer une très mauvaise nouvelle pour
les tunisiens.
Les tunisiens sont très inquiets de l’attitude de la plupart
des élus appartenant à la coalition tripartite qui sont plus occupés par leurs
indemnités, avantages et salaires que
par le risque d’implosion de notre économie et de notre système monétaire.
La note de stratégie intérimaire et le rapport de Moody’s
sont-ils des signaux forts que la Troïka devrait décrypter ? Je crois que
oui !
Je termine par cette citation "Il y a longtemps que le
vrai pouvoir n'est plus dans les urnes… Les démocraties sont de belles
coquilles vides."
Mustapha STAMBOULI