Monsieur Béji Caïd Essebsi nous a surpris par un appel «bis repetita»
n’exprimant rien de nouveau, décevant par le contenu. Un appel fourmillant de sous-entendus. BCE
a-t-il pour mission de sauver Ennahdha de sa débâcle ? A moins que nous n’ayons
pas la même grille de lecture !
Les tunisiens et tunisiennes ont
compris à travers le premier appel que Monsieur Béji Caïd Essebsi ambitionnait de rassembler toutes les forces
républicaines, progressistes, modernistes, laïques et séculaires. Se rabattre à
présent sur le sauvetage du gouvernement dirigé par Ennahdha et ses satellites nous
consterne.
Tout le travail consacré pour
réussir le rassemblement des forces progressistes et républicaines à Monastir le
24 Mars 2012 a été biffé. Dommage, car ce meeting reste l’un des évènements mobilisateur majeur de
l’année. Est-ce la réussite de la rencontre qui gêne ou le lieu emblématique «Monastir» ?
En tout cas, cette volonté de tricher avec l’histoire signe un mauvais début et
une ingratitude envers les organisateurs, les contributeurs et l’assistance.
Peut-être le «dégagement» d’Al Jazeera par la foule unie lors du meeting a-t-il
déplu aux stratèges de l’initiative ? Ont-ils considéré cette mise au rancart
comme contre-productive !
Désolé, mais les bourguibistes
ne peuvent pas suivre cette aventure vouée forcément à l’échec et empreinte de confusionnisme.
Au lieu d’appeler à l’Union nationale au nom d’un consensus fictif, pourquoi ne
pas fédérer - et tout de suite - tous les courants bourguibistes pour créer un
grand parti apte à faire des alliances avec les forces progressistes ? Défi
certes difficile à réaliser eu égard au nombrilisme de certains lieutenants se
réclamant de la famille bourguibienne unique moyen de contrecarrer Ennahdha.
Nous faisons fausse route, hélas, trois fois hélas !
Le Bourguibisme signifie d’abord rassemblement et non dispersion ou exclusion.
Le Bourguibisme identifie clairement ses ennemis et ses alliés. Le Bourguibisme
tranche et prend des risques quitte à
affronter le peuple.
Apparemment, BCE n’a pas lu mes
lettres citoyennes du 6 juin 2011 (Sauvons la République) et du 12 avril 2012
(Le bourguibisme : clairvoyance, transparence et fondamentaux …). Ces lettres
sont le fruit d’une réflexion personnelle et collective et ne consistent
nullement en un exercice de style ou de rhétorique visant à valoriser un égo. Seuls le présent et
l’avenir de la République nous guident.
Les défis de la Tunisie sont
énormes. L’unanimité autour d’un projet-fondateur politique, sociétal, économique
consacrant définitivement la démocratie, les libertés individuelles et collectives,
le partage juste des revenus et les produits du travail, en bref, les valeurs
de la République comme fondamentaux inaliénables pourrait faire redémarrer une
machine en panne.
Le retour au pouvoir en lui-même
ne constitue pas notre objectif mais la pérennité des valeurs de la République
et la construction d’un Etat indépendant de la vie politique se traduisant par
la non ingérence dans les institutions de la République (Armée, Police, Justice,
Banque Centrale et Appareil Administratif).
Notre souci premier est que les citoyens
et citoyennes se réapproprient la chose publique et que soit rayé à jamais le
terme «rizq biliq» reflétant le mépris du bien public. Hélas, cette mentalité
demeure présente en Tunisie sinon comment peut-on expliquer les multiples actes
de vandalisme visant des édifices publics (écoles, postes de police, sièges de
communes et autres administrations)? Cet objectif n’est réalisable que suite à
une refonte totale et intégrale de l’organisation des pouvoirs avec une option claire
au bénéfice de la double décentralisation régionale et locale. Dans une
prochaine réflexion, nous détaillerons cette question.
La Tunisie se trouve dans la
tourmente et son avenir à moyen et long termes menacé par les forces obscures
du salafisme wahhabite qui ne manquera pas une occasion pour porter un coup
fatal à notre pays et le ramener dans le giron de l’obscurantisme. En attestent
les récents actes d’agression de députés, avocats, journalistes par des
individus se réclamant d’un Islam jihadiste.
Seul un enseignement de qualité, à tous les niveaux, privilégiant la
réflexion, le doute et l’analyse pourrait nous éloigner des spectres du
conservatisme et de l’obscurantisme.
L’économie doit être au service
du social et non l’inverse. Il faut chercher la bonne équation pour réduire
substantiellement le chômage et faire en sorte que le filet de l’Etat apporte
moyens et confort aux exclus du système. La solidarité doit être le maître-mot
de l’action publique pour éviter à notre pays errements et déroute consécutifs
au creusement des inégalités sociales.
Les partis à référence
bourguibienne ont l’obligation morale et historique de compléter l’œuvre
inachevée de Bourguiba. BCE a la responsabilité de catalyser les énergies pour
atteindre ce but et éviter la régression et l’intrusion du fait religieux dans
la vie politique. Faisons en sorte que la révolte du 14 Janvier soit une
formidable avancée sociétale et non l’inverse.
BCE va tenter de nous vendre l’union
nationale donc la cohabitation. Méfions-nous des hypothèses improbables. Seule
la volonté du peuple sera déterminante dans la construction
d’une authentique démocratie mise en place par lui et pour lui en dehors de tous
ces jeux politiciens.
Nous terminons par une citation
de Shakespeare : «Les hommes à
certains moments, sont maîtres de leur sort; et si notre condition est basse,
la faute n'en est pas à nos étoiles; elle en est à nous-mêmes.».
Mustapha STAMBOULI