Tout le monde parle de
l’échéance du 23 octobre 2012 pour signifier
la fin de la légitimité de la Constituante et des pouvoirs subséquents à
celle-ci (Président de la république et gouvernement). Béji Caïd Essebsi,
président de Nidaa Tounès et l’homme de la
transition post 14 janvier, ne cesse d’évoquer cette deadline sans rien
proposer comme alternative à l’actuelle transition !
Pourquoi la classe politique
cherche-t-elle à éviter de parler de la suite du 23 octobre ? Cette classe
est-elle au courant d’un agenda secret concoctée par une tierce partie pour ne pas dire étrangère ? C’est énigmatique, inquiétant et
déprimant pour la majorité des citoyens et citoyennes ! Seules les
multinationales pharmaceutiques profitent de cette situation d’ambiguïté et du
flou car la vente des calmants progresse au rythme des incohérences de la
classe politique !
La semaine dernière, nous
avons lancé un appel pour la mise en place d’un processus de ConférenceNationale des Forces Vives de la Nation pour éviter le vide constitutionnel qui
pourrait s’imposer le 23 octobre prochain. Cet appel a trouvé un écho favorable
dans la communauté des réseaux sociaux mais sans obtenir un seul écho de la
part des autorités officielles ou des partis politiques.
La Conférence Nationale
souveraine que nous proposons comme solution à cette impasse devra aider à
prendre une série de décisions consensuelles et installer une nouvelle et ultime transition afin de garantir
la continuité de l’Etat : (1)
dissolution des organes issus des élections du 23 octobre 2011 et mise en place
d’un nouvel exécutif à la tête de l’Etat en fonction des dispositions de la loi
fondamentale provisoire à adopter ; (2) désignation d’un organe législatif
de transition ; (3) désignation d’une instance composée spécialement de
personnalités indépendantes en vue d’achever le projet de Constitution qui ne
peut être que l’amélioration de la Constitution de 59 par des dispositions
pertinentes et soumettre ce projet de Constitution à un référendum
populaire ; (4) établissement d’un agenda et d’un calendrier précis de la
nouvelle transition tout en responsabilisant le nouveau Chef de l’Etat
intérimaire dans cette tâche ; (5) établissement d’un Code électoral
tenant compte de la configuration actuelle du paysage politique et mise en
place de l’Administration électorale, organe indépendant de l’exécutif
intérimaire.
Pourquoi l’Assemblée
Constituante n’organise-t-elle pas un débat général sur cette question afin de
connaitre les avis des uns et des autres pour que le peuple tunisien puisse
comprendre et éventuellement soutenir les propositions intéressantes qui
éviteraient à la Tunisie perte de temps et saut dans l’inconnu !
Pourquoi le Président de la
République ne prendra-t-il pas l’initiative de convoquer cette Conférence
Nationale Souveraine et garantir la pérennité de l’Etat tunisien dont il est
l’unique responsable ? A défaut, il pourra inviter, très rapidement, le
peuple tunisien à se prononcer sur une de deux alternatives : (1) prolongation
de la Constituante pour une durée d’une année au maximum ou (2) la convocation
d’une Conférence Nationale dont l’objectif sera de mettre en place une nouvelle
transition.
Si personne ne prend
l’initiative pour esquisser une solution permettant d’évier à notre pays une
«somalisation» certaine, les propositions émises par certaines personnalités
politiques appelant l’institution militaire à organiser une troisième transition
pour sortir le pays de son égarement deviennent sérieuses et inévitables !
Si l’opposition songe
sérieusement à organiser une méga-manifestation la veille du 23 octobre
prochain pour déloger la Troïka, il lui faudra mobiliser 2 millions de
personnes pour pouvoir s’opposer à une manifestation-monstre islamo-salafiste ! Non, jamais un rassemblement ne pourrait
chasser un pouvoir disposant maintenant de tous les verrous de l’Etat. D’autres
formes de protestation peuvent obliger un régime à quitter les lieux : une
grève générale de plusieurs jours ou une désobéissance civile multiforme de
plusieurs mois peuvent achever un exécutif car la désobéissance civile
constitue un refus de se soumettre à une situation considérée comme injuste ou
inégale. C'est un mode d'action particulièrement efficace et surtout non
violent.
Une manifestation n’est pas un outil approprié
pour dégager un pouvoir en place. Un remake du 14 janvier 2010 n’est pas
réalisable ni souhaitable car un tel désordre justifierait une intervention
étrangère dont les conséquences sont imprévisibles !
La déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen dans son
article 35 n’a-t-elle pas encouragé le peuple à se soulever contre son
gouvernement qui ne respecte pas ses droits légitimes ? « Quand le
gouvernement viole les droits du peuple, l'insurrection est, pour le peuple et
pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus
indispensable des devoirs. »
Dans l’indifférence
généralisée de tous (intellectuels et politiciens), la machine destructrice de
la République et de ses acquis avance à un rythme accéléré ! Sommes-nous
capables maintenant de stopper ce monstre invisible ! Sinon, votre silence
constituerait un délit de non-assistance à peuple en danger.
Il est inutile de rappeler aux partis politiques qu’ils sont
responsables de la situation actuelle par leur acceptation d’une feuille de
route préconisant la mise à l’écart de la Constitution de 59 et la mise en
place d’une Constituante. Cette feuille de route conçue et réalisée par le
parti islamiste avec la connivence de l’extrême gauche. Comment la classe
politique a-t-elle accepté un code électoral établi pour favoriser encore une
fois ce parti islamiste ? Personne n’avait réclamé un mode scrutin plus logique
préconisant un second tour ! Après le manque flagrant d’anticipation,
peut-on espérer, maintenant, un réveil tardif mais salvateur ?
Je termine par cette célèbre phrase : «Les tragédies de l’Histoire révèlent les grands hommes, mais ce sont les médiocres qui provoquent les tragédies».
Mustapha STAMBOULI