Les tunisiens et tunisiennes se demandent pourquoi l’ANC a-t-elle
fait circuler une version non approuvée par les commissions spécialisées
chargées de la rédaction de la constitution ? Une version dont le contenu
est incohérent voire contradictoire et plein de déclarations inutiles
n’apportant rien de juridique. Un travail bâclé semblable à un mémoire de fin
d’études d’un étudiant médiocre qui n’a fait que plagier un texte hors
contexte.
La table ronde de nos imminents constitutionalistes qui a
lieu le 23 Août dernier vient nous confirmer, ce que nous savons déjà, que le
travail fait par l’ANC n’a pas été construit sur une base méthodologique approuvée ni à partir d’un
plan cohérent pour la rédaction du projet de Constitution. Une erreur
fondamentale a été commise sans que personne ne se rende compte de cette
méprise à temps !
La démarche cohérente aurait dû :
(1) partir d’un document définissant clairement les
objectifs, les résultats attendus, les délais de remise des documents
intermédiaires ((i) Avant projet sommaire (APS) définissant les problématiques,
les grands enjeux et choix précis en matière de régime politique avec un
canevas du projet, (ii) Avant projet détaillé (APD) formulant les énoncés de
l’APS et présentant la version zéro de la Constitution) et du document final
(projet de Constitution). Cette note est appelé « Termes de Référence (TDR)»,
normalement préparé par commanditaire, en l’occurrence, l’Assemblée Constituante.
Déjà, nous sommes partis avec un faux pas sur une mauvaise piste dont les
conséquences sont graves sur la suite du déroulement de la rédaction.
(2)Le deuxième document essentiel pour l’élaboration des
différents rendus de la prestation est la méthodologie d’approche que le chef
de fil du groupe chargé de ce travail de rédaction aurait dû remettre à la
l’Assemblée pour approbation en séance plénière. Cette méthodologie a pour
finalité de traduire les objectifs généraux
des TDR en termes plus précis et informer de l’origine des sources et des
références que le groupe de travail compte utiliser. Un programme-chronogramme précis
aurait dû être joint à cette méthodologie.
Dans ces conditions, comment peut-on exiger de quiconque une
prestation de qualité si aucune spécification n’a été exigée ni aucune offre
méthodologique n’a été faite.
Un non-sens de dire que l’avant projet de la constitution
est médiocre, incohérent ou incomplet ! La grille d’évaluation réside normalement
dans les TDR et la méthodologie et ces deux documents n’ont pas vu le
jour ! Peut-on faire l’exercice à l’envers maintenant pour juger de la
qualité du travail fait par nos constituants et leurs médiocres consultants
ayant pris part à l’élaboration de ce document ? Absurde !
Etablir aujourd’hui, les TDR et la méthodologie pour juger un
avant-projet presque fini, c’est marcher sur la tête ! Le monde entier
nous prendra pour des fous et débiles mentaux !
Accepter le principe d’évaluer un travail construit sans TDR
ni méthodologie et sans grille d’évaluation est une action irréfléchie,
subjective qui ne peut être entreprise que par de non professionnels ou des
amateurs.
La table ronde organisée par nos imminents constitutionalistes
n’est qu’une initiative médiatique et une démarche erronée qui nous laisse
perplexes et inquiets sur les intentions des uns et des autres dans une période
critique de l’histoire de la Tunisie.
Il est inutile de résumer les interventions des uns et des
autres lors de cette table ronde car nous avons entendu la chose et son
inverse. Yadh Ben Achour illustre bien cette cacophonie. N’a-t-il pas dit que
cette constitution représente la
contre-révolution et elle prépare une dictature théocratique, qui est la pire
des dictatures. C'est contraire à la révolution qui avait appel à un
Etat civil. Le même jour, il nous dit que le préambule rédigé est
respectable et il insiste sur l'islam modéré et sur les libertés. Ce même
préambule renferme d’une manière claire
et concise, les valeurs de la république, l’Etat civil, les droits de l’Homme,
l’indépendance de l’administration, la pluralité et la suprématie de la
loi…etc. Allez donc comprendre où
il voulait arriver !
Une question importante doit être posée : pourquoi YBA
a-t-il tant médiatisé une simple rencontre pour une première lecture critique
d’un draft presque piraté de la Constitution ? Pourquoi la presse écrite
et surtout la presse électronique a suivi comme un mouton de Panurge la
direction tracée par cet homme qui est à l’origine de notre blocage
institutionnel ?
Cette sotie d’YBA, après une hibernation qui a duré plus de
neuf mois, prépare-t-elle une nouvelle distribution des cartes et la
désignation d’un nouveau exécutif avant la date fatidique du 23 octobre
prochain ? Serait-il candidat au poste de l’actuel président
provisoire ? Je crains que oui, car cet homme est aussi proche de la
mouvance islamique que de BCE ! Non, le peuple refusera une telle entente,
car elle sera porteuse de l’exclusion et de la dictature !
Une autre lecture de cette démarche des juristes : un simple
appel du pied pour une mission pour finaliser cette Constitution pour sauver la
transition nahdhaoui! C’est raté, la copie est trop mauvaise pour être reprise
ou corrigée. Trop de bruit pour rien !
La solution idéale aurait été de prendre La Constitution de
59 comme référence, étant donné que toute la classe politique a accepté son
article premier qui stipule que «la Tunisie est un État libre, indépendant
et souverain: sa religion est l'islam, sa langue l'arabe et son régime la
république » et lui faire
un toilettage pour retirer toutes les dispositions limitant les libertés individuelles
et collectives ou la pratique démocratique et enrichie par des articles
avant-gardistes en matière de développement durable, de décentralisation, de
démocratie directe, de bonne gouvernance économique (en particulier
l’introduction de la règle d’or en matière gestion budgétaire), de séparation
du politique religieux, de l’égalité Homme-Femme, prise en charge de la
précarité des personnes vulnérables, droit au travail, à l’éducation et la
gratuité des soins, etc. Un rendez-vous manqué et une année perdue !
Mustapha STAMBOULI