«La décision d’augmenter le prix du carburant s’est avérée
nécessaire et indispensable quoiqu’elle ait des effets négatifs sur le budget
de tout citoyen». Réponse standard de tout ministre des finances qui a pris la décision
d’augmenter le prix du carburant. Cette petite déclaration ne vient pas de
notre ministre des finances mais de son homologue marocain !
Le gouvernement de la troïka est en train d’appliquer, avec
zèle, un mécanisme conçu dans le temps
de ZABA qui consiste à indexer les prix
locaux des produits pétroliers sur ceux du marché mondial. En effet, les
subventions non-ciblées de carburant profitent davantage aux riches qu’aux
pauvres. En toute logique, c’est une démarche pertinente que tous les
spécialistes revendiquent et proposent à condition d’affecter ces subventions
aux plus nécessiteux ! Nul ne peut ignorer que le budget de l’Etat n’est plus en mesure de
prendre en charge les fluctuations importantes du prix de l’or noir. La caisse
générale de compensation (CGC) plombe effectivement le budget de l’Etat et le prive d’une enveloppe significative pour
le développement et l’investissement public. La compensation de l’énergie, à
elle seule, est estimée à plus de la moitié du budget de la CGC!
Sachant que le prix de pétrole ne va connaitre une accalmie
dans les prochains mois et les prochaines années d’autant que la crise
iranienne pourrait faire monter les prix
du baril du pétrole à plus 200 dollars
voire plus si jamais l’Iran bloque le
détroit d’Ormuz. Alors que fera-t-on si le prix du pétrole grimpera à ce
niveau ? Avons-nous une stratégie pour ne pas tomber dans le spiral des
augmentations anarchiques provoquant une inflation à deux chiffres et des
pertes de postes d’emplois par des dizaines de milliers, autrement un «
tsunami » social en perspective !
Les augmentations des prix des carburants décidées par le
gouvernement il y a 48 heures auront-ils une influence significative sur les
prix d’autres marchandises et services ?
Certainement oui, la question est de savoir l’impact et l’ampleur exacts sur le panier de la ménagère. Les secteurs qui seront les plus touchés sont : le transport, l’agriculture, l’élevage, le secteur hôtelier, l’énergie électrique et l’industrie en général.
Certainement oui, la question est de savoir l’impact et l’ampleur exacts sur le panier de la ménagère. Les secteurs qui seront les plus touchés sont : le transport, l’agriculture, l’élevage, le secteur hôtelier, l’énergie électrique et l’industrie en général.
Le transport est le secteur le plus touché par la hausse des
prix du carburant : (1) transport de marchandises : sans faire une
simulation très sophistiquée et très technique et eu égard de la composante
carburant dans le prix de revient du transport, la décision gouvernementale concernant
ces augmentations impactera de 8 à 10% le prix de revient du transport routier
des marchandises. (2) pour le transport des personnes, les chauffeurs des taxis
et voitures de transport collectif interurbain ne manqueront pas de réclamer
des augmentations substantielles de 10 à 15 % pour compenser le supplément du
coût dû au carburant.
Concernant le secteur agricole et de l’élevage, les
producteurs exigeront, à coup sûr, des
revalorisations des prix des produits laitiers, les fruits et légumes et de certains produits d’élevage comme les viandes
les œufs de 7 à 12 %. Aux augmentations provoquées par l’enchérissement des
intrants, l’exportation illicite des produits agricoles vers nos deux voisins
du Sud et de l’Ouest participe, elle aussi, à la montée vertigineuse des
produits agricoles et d’élevage. Cette situation requiert la vigilance
nécessaire pour un contrôle strict au niveau des frontières.
Les résultats de deux secteurs évoqués plus haut (transport et agriculture) peuvent être extrapolés pour les autres secteurs de l’économie tunisienne et par conséquent vers le panier de la ménagère qui serait, certainement, affecté par une augmentation de son coût de l’ordre de 3 à 4 % d’ici la fin de l’année ramenant ainsi l’inflation à 9% sur une année ! Un chiffre inquiétant qui érodera le pouvoir d’achat des familles tunisiennes. Les syndicats accepteront-ils ce dérapage inflationniste ? Peu probable car les syndicats ne peuvent pas accepter une inflation si prononcée dans une période caractérisée par une stagnation économique, autrement la stagflation, la maladie honteuse et mortelle si on fait rien. En toute logique et eu égard des mauvaises performances économiques, l’inflation aurait dû être négative ! La quasi-absence de contrôle des prix par les services compétents a contribué grandement à une telle inflation ! La restauration de l’autorité de l’Etat est une exigence politique et économique. Le libéralisme économique n’est pas l’anarchie ou les pratiques mafieuses. Une économie ouverte suppose une administration forte et une justice indépendante qui font respecter et exécuter les lois de la République !
Les petites manipulations d’épicier ne mèneront nulle part, il faudra de l’action stratégique. L’Etat tunisien doit s’atteler, dès maintenant, à mettre en place un plan d’actions visant l’économie d’énergie, la promotion de l’énergie renouvelable et l’efficience énergétique au sein des entreprises, grosses consommatrices d’énergie. Sans cette démarche anticipatrice, notre pays sera exposé à la dure réalité des augmentations des prix du pétrole dont les conséquences sont néfastes tant pour les ménages que pour notre appareil productif (industrie, agriculture, tourisme). Ne seront compétitifs que les pays qui ont bien compris les enjeux des énergies renouvelables. Le Maroc, pays frère et un redoutable concurrent, a bien tiré les conclusions. Son programme en énergies renouvelables le rendra autosuffisant en électricité d’ici une dizaine d’année. Ce pays ambitionne déjà de porter à 25% sa part d'énergies renouvelables dans la production d'électricité en 2013, en mettant l'accent sur l'éolien, le solaire et l'hydroélectrique. Le Maroc prévoit également de réaliser 15% d'économies d'énergie dans le pays : 4 millions de lampes à basse consommation seront distribuées d'ici fin 2012, pour atteindre les 22 millions. Voilà un pays qui fonctionne bien ! Sommes-nous capables de suivre l’exemple marocain, tant qu’il est encore temps !
Les augmentations des prix du carburant à la pompe est une exigence comptable et non économique car ses effets seront fatales pour l’investissement et surtout pour le pouvoir d’achat du petit peuple et pour la consommation en général, moteur de croissance par excellence. Le gouvernement aurait dû intervenir massivement pour réinstaller l’autorité de l’Etat et chasser la mafia responsable de 2 à 3 points d’inflation dans le pays. Une action qui ne coûterait pas un centime au trésor public. Pourquoi le pouvoir en place n'avait-t-il pas commencé, il y a huit mois, par le commencement ? C’est aux ministres des Finances et de l’Intérieur de répondre à cette question essentielle ! En tout cas, tous les spécialistes sont unanimes pour dire que la politique gouvernementale constitue un échec cuisant car la croissance économique ne se décrète pas par des augmentations des prix du carburant ou par des chiffres maquillés de l’INS !
Les agences de notation nous guettent et sont prêtes à nous éjecter si on continue à jouer à l'autruche face aux problèmes structurels de notre économie ! Les politiques de «Stop and go» ne sont nullement une bonne stratégie de gouvernance.
Mustapha STAMBOULI