"Lorsqu’un jour le peuple veut la vie,
Force est, pour le Destin, de répondre,
Aux ténèbres de se dissiper,
Et aux chaînes de se rompre." Abou El Kacem Chebbi
Déjà, le 18/07/2011, nous avons publié un article dans le journal tunisien "LA Presse" traitant du bilan de la transition (Transition àmi-parcours : bilan mitigé) . Dans cet article nous avons tiré le signal d’alarme sur le risque d’une déconfiture-somalisation de notre voisin du Sud. Nous publions un extrait de cet article concernant cette question libyenne « Crise libyenne malmaîtrisée : la Tunisie de la transition (Gouvernement et surtout Partis Politiques) reste muette : rares voire absentes ses prises de position sur cette guerre civile. Les tunisiens s’étonnent des hésitations, atermoiements de la part des autorités pour condamner la destruction de la Libye par les forces de l’OTAN, avec pour prétexte le départ de Kaddafi, ce qui pourrait se révéler une erreur historique. L’OTAN prépare, peut-être à son insu, le lit de la "Somalisation" de la Libye et l’installation définitive des forces d’El CAIDA dans ce pays. La Tunisie devra peser rapidement sur le processus de pacification et de réconciliation de notre voisin du Sud, condition primordiale de la stabilisation de notre pays. Seules l’Egypte, la Tunisie, l’Algérie sont à même de pousser les protagonistes libyens vers un processus de dialogue et de négociation afin de trouver de toute urgence une solution pérenne qui préserverait des vies humaines de même que les intérêts du peuple libyen et ceux de leurs voisins. La médiation de l’Union Africaine était promise à l’échec en raison des réseaux d’influence tissés par Kaddafi en Afrique à coût de pétrodollars déversés sans limite sur ses collègues dictateurs au détriment du peuple libyen. L’attentisme renforce l’insécurité des quatre pays, il met en jeu leur indépendance. Les moyens pacifiques restent préférables à une intervention militaire maghrébine qui pourrait, pourtant, devenir unique alternative. La sous-région toute entière se trouve menacée de déstructuration, porte grand’ouverte à l’obscurantisme et à la violence, plus encore à l’inconnu et à l’abîme. »
Il est clair que l’opération « Dignité » de Hafter
pour désomaliser et réunifier la Libye est une conséquence de l’échec flagrant
de la stratégie américano-européenne. Le plan de partage de la Libye comme le prévoyait
les ennemis de la région arabe a été rejeté massivement par les libyens, car
une Libye balkanisée lèserait tous les libyens à court et à long termes.
D’abord qui est cet homme qui a été choisi par les
américains pour corriger les conséquences néfastes de l’intervention de l’OTAN dans
ce pays : officier de haut rang, Hafter a été formé par les soviétiques, les
italiens, les français et surtout formaté par la CIA. Un militaire ayant une
formation solide et une culture exceptionnelle. Il a toujours cherché les défis
:
(i)
A 24 ans, il a participé à
la guerre israélo-arabe de 6 jours en 1967. Il a été décoré par Nasser pour
services rendus.
(ii)
En 1969 à l’âge de 26 ans,
il était du côté de Kadhafi lors du coup d’Etat contre le Roi Idriss.
(iii)
(ii) Les aventures de
Khaddafi au Tchad dans les années 80 avaient coûté cher à Hafter qui s’est fait
prisonnier en 1987 par les Tchadiens lors de
la bataille de Ouadi-Doum. Les américains l’avaient récupéré et puis
réinstallé de nouveau au Tchad avec plusieurs milliers de soldats libyens pour
renverser le régime libyen. Encore un échec pour ce général qui a failli être
remis à Khaddafi par Houssine Habré si ce n’est l’intervention rapide des
américains qui l’ont aidé à s’exiler aux Etats Unis.
(iv)
(iii) en 2011, il renta en
Libye pour soutenir activement l’insurrection contre le régime du Colonel
Khaddafi, une belle revanche. Il gagna plusieurs batailles surtout celles du
golfe de Syrte et à de Brega. Après la chute du pouvoir, Hafter avait
tenté d’unifier l’armée libyenne mais sans succès. Alors, il créa sa propre
force armée basée à l’Est du pays.
(v)
Une première tentative ratée
de coup d’Etat en février 2014 l’a obligé à changer de stratégie pour sortir la
Libye de sa somalisation larvée en mettant en place des unités d’intervention.
Le
coup de force du Sissi en Egypte, le succès électoral de Bouteflika en Algérie,
la victoire de Bachar en Syrie contre les jihadites d’Al Qaida et surtout le
dégagement des islamistes en Tunisie encouragèrent le général Khalifa Haftar à
aller plus loin, cette fois-ci, en lançant l’opération « Dignité» contre
les islamistes avec un soutien discret mais efficace de l’Armée égyptienne et
probablement un appui logistique algérien conséquent. Le succès fût immédiat et
l’adhésion des libyens –population, notables et autorités civiles et militaires
encouragent l’aventurier Haftar à déclarer illégal le Congrès général
national après avoir nettoyé Bengazi des islamistes d’Ansar Al-Charia.
Fort de son succès énigmatique, ce général de 71 ans compte s’investir
dans la réinstallation de l’ordre dans toute la Libye et surtout
l’extermination des extrémistes religieux qui commencent à quitter la Libye
vers des destinations africaines- Mali en particulier.
Le silence occidental sur cette opération
« Dignité » vaut accord voire appui. Le Pentagone se prépare à
soutenir l’opération «Dignité» si Hafter le demande. Un dispositif
d’intervention est déjà stationné en Italie et en Espagne et prêt à intervenir. La France préoccupé par
la dégradation de la situation militaire au Mali ne peut qu’accepter le fait
accompli et tant pis pour BHL et le looser Fabius.
Haftar a anéanti le complot contre l’Algérie en réduisant à
néant les forces obscurantistes-jihadites en Libye. L’élection de Boutef a
favorisé à coup sur le réveil libyen et l’émergence d’un leader charismatique
capable de mettre fin au complot-chaos contre la région maghrébine.
L’opération «Dignité» a été accueillie avec un grand
soulagement dans la rue tunisienne car
une pacification de notre voisin du Sud ouvre des horizons pour les jeunes
tunisiens car, la Libye stabilisée, peut offrir plusieurs centaines de
milliers d’opportunités d’emplois et des échanges économiques conséquents de
plusieurs milliards de dollars réduisant considérablement les déficits des
balances extérieures. Seul Tartour voit
le contraire. Pour lui, une victoire définitive de Hafter vaut son départ définitif
de Carthage et le début de son calvaire.
L’actuelle donne libyenne doit pousser la classe politique
tunisienne à une nouvelle lecture de la situation géopolitique régionale/internationale et
procéder rapidement à un réajustement de la feuille de route tenant compte des
nouveaux paramètres objectifs. Garder Tartour de Carthage et les profiteurs-incompétents
du Bardo constitue une erreur stratégique pouvant bloquer/déstabiliser notre pays. La
Région maghrébine a changé, l’Occident lui aussi a modifié sa stratégie, alors,
la Tunisie est obligée à faire sa mutation pacifique. Faute de quoi, le Sissi
tunisien s’imposera pour éviter l’enlisement de l’Armée au Mont Chaambi et les
funérailles quotidiennes des soldats et nos officiers valeureux.
Il n’est pas inutile de mettre en place une quatrième
transition capable de stabiliser la Tunisie de tout point de vue (sécurité,
politique, économique et finances publiques, restructuration des caisses de
retraite et du système bancaire…) avant d’aller à des nouvelles élections qui
ne peuvent que fragiliser notre pays. La classe politique tunisienne n’est pas
encore mûre pour diriger un pays non stabilisé. Le déchirement à l’intérieur
des grands partis est certainement à l’origine de cet handicap. Deux voire trois ans sont nécessaires pour colmater les brèches et asseoir une
réelle démocratie interne dans les partis, garants de succès électoraux.
Vouloir passer outre, la Tunisie connaitra à coup sûr et forcément son Hafter
ou son Sissi.
Pour
terminer, nous pouvons dire que la région arabe n’est plus si stérile : Bachar,
Nasrallah, Sissi et Haftar sont la preuve que cette terre continue à
produire des héros et des leaders charismatiques comme l’a bien fait toujours.
Mustapha STAMBOULI