19 mai 2022

Kaïs Saïed doit admettre qu’il est en panne sèche…

Lorsqu'un pouvoir installé manque de légitimité, cela entraîne inévitablement l'établissement d'une dictature par le biais de manœuvres constitutionnelles, de la manipulation du code électoral et du contrôle de l'organisme chargé des élections. Ces trois outils s'avèrent particulièrement "efficaces" pour instaurer une forme de dictature "pseudo-démocratique". Ce détournement de pouvoir favorise les interventions et les ingérences étrangères, ainsi que les abus commis par ceux qui défendent ce pouvoir, rendant ainsi la vie des citoyens insupportable. Cette situation propice à la révolte engendre inévitablement le désordre et la souffrance.

 Le bilan est marqué essentiellement par une communication médiocre, un mauvais choix de chef de gouvernement et l'absence d'un programme de transition. Ces trois erreurs politico-stratégiques sont impardonnables dans un contexte géopolitique instable et complexe. En politique, il n’y a pas de miracle... Si la Tunisie n'établit pas rapidement une nouvelle feuille de route, elle sombrera dans la misère et l'exécutif en sera le principal responsable. Il est capable de trouver une solution à cette crise artificielle orchestrée par des acteurs nationaux lâches et manipulée par des forces étrangères. Il lui suffit de signer un décret appelant les forces vives de la nation (FVN) à participer à une véritable conférence nationale souveraine afin de rétablir la confiance. Un délai maximum de trois mois pourrait être accordé aux représentants des FVN pour parvenir à une solution consensuelle et idéale, permettant ainsi de relancer une Tunisie en souffrance et en chaos. Toute autre option ne peut qu'aboutir à un échec, mettant ainsi en péril notre pays.

 Cette conférence nationale souveraine devrait être précédée d'une préparation minutieuse organisée par un comité restreint composé de membres sélectionnés pour leur républicanisme, leur intégrité morale et leur compétence. Ce comité devrait remettre son rapport au plus tard 30 jours après sa création. Ce panel devrait répondre de manière précise aux six questions fondamentales suivantes : (1) qui doit être convoqué à la conférence nationale ? (2) quels sujets doivent être discutés lors de cette conférence ? (3) comment organiser cette conférence ? (4) quel contenu doit être donné au règlement intérieur de la CNS ? (5) quels documents doivent être fournis aux délégués de la conférence pour faciliter le travail des commissions de la CNS ?

 Les discussions et les décisions prises lors de la CNS doivent faciliter l'installation d'une nouvelle transition et garantir la continuité de l'État. Cela inclut la désignation d'un organe législatif de transition, la mise en place d'une instance composée spécialement de constitutionnalistes en vue de modifier la constitution en y ajoutant des dispositions pertinentes et de soumettre ce projet de constitution à un référendum populaire, l'établissement d'un agenda et d'un calendrier précis concernant la nouvelle transition, ainsi que la création d'un code électoral adapté à la configuration actuelle du paysage politique et la mise en place d'une administration électorale indépendante de l'exécutif intérimaire.

 Toute solution bricolée ne fera qu'aggraver la situation économique et sécuritaire. Un saut dans l'inconnu ne garantit aucun miracle, ce que le président de la République doit comprendre. Son autoproclamation en tant qu'être tout-puissant ne peut qu'empirer les choses, car il n'est pas un être divin doté des attributs de l'infini et de la liberté absolue. Ses actions inachevées, son manque de vision claire, ses multiples hésitations et ses errements ne font qu'entraver le retour à une stabilité souhaitée par tous. Les forces militaires, garantes de la république et de l'État, ne peuvent pas accepter indéfiniment les dérives d'un pouvoir absolu détenu par une seule personne sans expérience politique, sans réel projet et surtout sans véritable soutien tant à l'intérieur qu'à l'extérieur. Le président doit prendre conscience de cette évidence et l'accepter : il est en train de fragiliser notre pays et, par son entêtement, de détruire les acquis politico-sociétaux et culturels construits en 66 ans... En bref, il nous entraîne dans une régression incontrôlable annonciatrice d'un chaos destructeur.

 En conclusion, il est crucial d'établir rapidement une feuille de route claire pour la Tunisie face à sa situation actuelle afin d'éviter une détérioration de la qualité de vie. Le pouvoir exécutif doit assumer sa responsabilité en trouvant une solution à cette crise artificielle, car toute autre option ne ferait que conduire à un échec mettant en danger le pays. Il est donc primordial de planifier minutieusement cette conférence en répondant aux questions essentielles et en garantissant la continuité des institutions de l'État. Il est maintenant temps que le chef de l'État joue son rôle pour prévenir une régression incontrôlable et un chaos destructeur.

 Mustapha STAMBOULI, Ing ENIT/EPFL et ancien conseiller technique des agences du système des Nations Unies

  

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